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- 12 décembre 2008 -

Ecoutez ce silence médiatique franco-belge. Ecoutez-le attentivement. Ce lourd silence dont les ressorts sont toujours les mêmes : lâcheté, conformisme, esprit critique comateux et racisme tolérable. Une indifférence revendiquée qui démontre que le « journalisme par omission » est devenu un dogme rentable, le « deux poids deux mesures » un habitus francophone, la liberté d’expression médiatique un carré VIP pro-américain et pro-israélien.

Où sont nos intellectuels voltairiens lorsque l’humoriste engagé Dieudonné M’Bala M’Bala se fait insulter avec l’un des pires poncifs racistes ? Que disent nos valeureux démocrates lorsque le mot « nègre » est associé à « pas assez futé » sur une télévision de service public ? Que font les antiracistes professionnels lorsqu’une saillie négrophobe bénéficie d’une médiatisation programmée ? Rien, bien sûr ! Il s’agit de Dieudonné. Un artiste engagé et provocateur qui l’a finalement « bien cherché ». Un bouffon subversif maquillé en « zélateur terrifiant » de Jean-Marie Le Pen et du Front National 1 ; à n’évoquer que si l’on peut entretenir sa diabolisation.

Pas de tintamarre audiovisuel ininterrompu, pas de « Unes » alarmistes, pas de « dossiers » aux titres ravageurs et connections fumeuses. Ici, les médias dominants français et belges se taisent. Tabassé par quatre militants sionistes (2005) ou victime de diffamation raciale sur une télé francophone (2008), c’est toujours le même prix médiatique pour Dieudonné : « On-n’en- parlera-pas ! ». Hors de question d’exercer la dignité de son métier si, du même coup, le risque existe d’avoir l’air - juste l’air ! - de réhabiliter Dieudonné. Pour les marquis de l’info et leur prolétariat soumis, ça fait longtemps qu’imposer des étiquettes infâmantes et des stéréotypes débiles épousant les intérêts des puissants importe davantage qu’informer sur tout et sans tabou pour tenter de proposer une vision critique de la marche du monde.

Loin de ces calculs minables, l’affaire est heureusement visible, lisible et en débat sur un média vraiment libre et pluraliste : le net. Récapitulons. Le 27 novembre, la Télévision Suisse Romande (TSR) diffuse l’émission culturelle Tard pour Bar. Thème imposé et mal nommé :

« Peut-on rire de tout ? ». En fin d’émission, le présentateur Michel Zendali lance le prénom qui effraye : Dieudonné. A l’adresse de Charlotte Gabris, seule humoriste à ne pas revêtir l’habituel costume anti-Dieudonné, le présentateur « ose » : « Pour vous, Dieudonné il est victime de … lui, il ose, il ose des choses, il ose des vrais tabous, les nouveaux tabous » 2. Ici, s’arrête la possibilité d’un débat contradictoire intelligent : n’est pas Taddéi qui veut ! 3

1 Dieudonné peut évidemment faire l’objet de critiques ou de rejet suite à ses provocations avec Le Pen, mais il est absurde de l’accuser de militer pour le Front National. A fortiori, dans un pays où cela ne dérange pas grand- monde que l’actuel Président ait fait siens plusieurs thèmes frontistes jusqu’à drainer plus d’un million de voix d’électeurs du FN lors des dernières présidentielles …

2 http://fr.youtube.com/watch?v=4mjSxFXog7k

3 Présentateur de l’émission culturelle Ce soir ou jamais (France 3), Frédéric Taddéi est le seul animateur du service public audiovisuel français à refuser la diabolisation de Dieudonné : il l’a donc invité dans son émission pour un débat, comme souvent, digne, intelligent et informatif.

http://www.dailymotion.com/relevance/search/Dieudonn%25C3%25A9%2BTadd%25C3%25A9i/video/x70er9_

dieudonn-remercie-les-mdias_news

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S’enchaîne un bla-bla inconsistant au sujet de l’artiste franco-camerounais. Jusqu’à ce que l’humoriste suisse Frédéric Recrosio dise : « Je pense que lui-même il manque … Je pense qu’il n’est pas assez futé pour exactement manipuler les ... ». « Ben, c’est un nègre, hein ! », coupe, le plus sérieusement du monde, Pascal Bernheim.

Sans équivoque, un propos raciste éculé a été spontanément exprimé. Associant de manière totalisante négritude physique et stupidité fondamentale. Mais personne sur le plateau ne relève ou ne conteste l’énormité, encore moins le présentateur Zendali qui poursuit son émission comme si de rien n’était. Ou, plus précisément, a décidé de ne pas couper l’extrait durant le montage de son émission préenregistrée.

Cet extrait télévisuel, que de bonnes âmes appelleront « dérapage », lève à nouveau le voile sur le solide ancrage du racisme négrophobe européen. Une forme de discrimination historique loin de se circonscrire à la seule extrême-droite comme le prouve cette séquence.

Celle-ci démontre également l’existence d’un négationnisme toléré envers la propagande intellectuelle, scientifique et médiatique qui servit - et sert encore ! - à légitimer le génocide africain et ses conséquences multiformes. De quoi parlons-nous ? De quatre siècles de Traite négrière et d’esclavage auxquels s’ajoutent plusieurs décennies de colonisation dont le bilan meurtrier rivalise avec les 60 millions de morts de la Seconde guerre mondiale. Voilà de

« quoi » nous parlons !

Pur produit d’un système, Pascal Bernheim a roté face caméras. En toute bonne conscience et forte croyance d’impunité. La spontanéité du propos et la tolérance dont il bénéficie viennent aussi confirmer la part d’hypocrisie médiatique qui a suivi l’euphorie entourant la victoire de Barack Obama. En France comme en Belgique, la plupart des médias adorent les métis - classés sous l’assignation identitaire de « Noirs »4 - à condition que ceux-ci soient sportifs, chanteurs et, aujourd’hui, Président nord-américain.

Métis conforme

Il n’est pas question de déprécier les qualités et talents indéniables de Barack Obama. Ni de réfuter, a priori, l’espoir d’une possible amélioration de gouvernance mondiale que représente son élection. Mais de s’arrêter sur le concert de louanges du métissage qu’elle a provoqué en francophonie. Avant l’élection, tous les médias francophones ont ressassé le « réflexe racial » qui risquait d’assaillir l’électeur blanc dans l’isoloir. Résumant l’appréhension, Le Courrier International titrait en « Une » : « Oseront-ils l’élire ? » 5. En bout de course, 43% des électeurs blancs ont voté pour le démocrate contre 55% pour le républicain. Mais l’addition des suffrages émanant de blancs de 18 à 29 ans (55%), d’hispaniques (66%), d’asiatiques (61%) et d’afro-américains (95%) a permis à Obama de l’emporter largement6

4 Une assignation identitaire directement inspirée des notions de « pureté raciale » et, par conséquent, du racisme. En effet, pourquoi un métis, de père africain et de mère occidentale, serait strictement « noir » ou strictement « blanc » ? La négation de l’identité physique et culturelle de Barack Obama - soit celle de métis - par la plupart des médias francophones témoigne d’un préjugé raciste. Même Le Courrier International, hebdo de qualité, n’y a pas échappé : « A 47 ans, Obama devient le premier non-Blanc élu à la Maison-Blanche » (n°940 du 7 au 12 novembre 2008).

5 N°939 du 30 octobre au 6 novembre 2008.

6 Sondages CNN sortis des urnes, 4 novembre 2008. Toutes origines et âges confondus, il faut noter que les femmes (56%) sont plus nombreuses que les hommes (49%) à avoir voté pour Barack Obama.

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En tant que média francophone, n’était-il pas plus pertinent de dénoncer le fait que pareille situation - un politicien afro-européen en mesure d’emporter la présidence ou le poste de Premier ministre - demeure tout bonnement inconcevable dans les 27 pays de l’Union européenne ? Une poutre dans l’œil, les médias francophones se sont crus autorisés à stigmatiser l’éventuelle paille dans celui de l’électorat américain. Feignant par ailleurs d’oublier que la détestation populaire de Bush culminait si haut que nombre d’Américains auraient voté pour un canari ou une panthère plutôt que d’en reprendre pour quatre ans avec le riant ticket Mc Cain-Paulin.

Plus décisif : Obama n’a rien d’un révolutionnaire bolivarien ou d’un progressiste altermondialiste. Il défend un leadership impérialiste américain avec les différentes formes d’allégeances, d’injustices et de crimes que cela implique pour le reste du monde. Il sera plus intelligent, plus poli, certainement moins obtus, mais sans doute pas moins dominateur que ses prédécesseurs.

Barack Obama a séduit la plupart des médias américains en tant qu’élément incontestable de changement. Et parce qu’une majorité de lobbies financiers et d’influences a financé près des 2/3 de sa campagne. En cascade, il a plu aux médias européens par traditionnelle servilité envers la première puissance mondiale. L’homme symbolise une Amérique avec laquelle l’Europe va à nouveau pouvoir « s’y retrouver ». Principalement en matière de business et de politique étrangère. Récession planétaire et suprématie occidentale vacillante aidant, la normalisation avec les USA : c’est tout ce qui compte ! Et si les pouvoirs peuvent surfer sur l’espoir sincère des foules du monde entier en chantant avec elles le métissage, pourquoi pas ? Ça ne mange pas de pain.

En résumé : célébrons le métissage à condition que le métis en question soit, in fine, contrôlable par le pouvoir blanc. D’ailleurs, majoritairement issue du clan Clinton, la future administration du nouveau Président est, comme d’habitude, quasi-monocolore. Sur seize portefeuilles ministériels annoncés, trois ont été confiés à des afro-américains (Eric Holder à la Justice, Susan Rice aux Nations-Unies et Melody Barnes aux Affaires intérieures). Soit un de plus que sous l’administration Bush (Condoleeza Rice ; Colin Powell) et pas à des postes- clés ! Trois femmes ministres, dont la conservatrice Hillary Clinton, s’ajoutent aux deux précitées. Les huit portefeuilles restant sont revenus à des mâles, blancs, conservateurs et bellicistes dont deux ultras-sionistes à des fonctions décisives (Rahm Emanuel et Lawrence Summers 7).

7 Au sujet des futurs Secrétaire général de la Maison-Blanche (Rham), Directeur du Conseil économique (Summers) et principal Conseiller économique (Robert Rubin), l’intellectuel et activiste américain Noam Chomsky a déclaré ceci : « Ils font partie des gens substantiellement responsables de la crise financière. Un économiste éminent, l’un des rares économistes à avoir eu raison d’un bout à l’autre en prédisant ce qui est arrivé, Dean Baker, a fait remarquer que les avoir choisis équivalait à choisir Ben Laden pour gérer la guerre contre le terrorisme » …

http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2008-12-09%2017:08:26&log=invites http://www.cadtm.org/spip.php?article3924

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En termes de renouvellement politique et de « diversité », le changement américain n’en est pas un. La victoire de l’héritage de l’immigration annonce-t-elle un simple retour aux années Clinton ? Pendant lesquelles néolibéralisme, dérégulations forcenées, bombardements de l’Irak et de l’ex-Yougoslavie ont constitué un horizon indépassable ! Dans notre perspective mondiale où crises économiques, écologiques, et politiques ont atteint un degré si crucial, que feront le « chouchou de Wall Street » et ses hommes du passé ? Wait and see.

Recadrer pour manipuler

En revanche, des métis et autres bronzés qui, à l’instar de Dieudonné, défendent une vision critique de la marche du monde et usent de moyens artistiques, iconoclastes ou controversés pour faire mouche en termes de débats, alors là : fini de rire pour les médias francophones ! Il faut absolument dégommer cette image subversive. En la diabolisant, en recourant à la désinformation ou aux omissions qui arrangent.

N’ont pas dérogé à la règle trois des médias français en ligne qui ont « traité » l’affaire suisse8. Il fallait commencer par recadrer pour tenter de manipuler. Exemple avec lepost.fr :

« Il s’agit d’un extrait tiré de l’émission suisse Tard pour Bar, dont le sujet était ‘Peut-on rire de tout’. C’est au cours de cette émission qu’un certain Pascal Bernheim a lancé en plein débat : ‘C’est un nègre!’, à propos de l’humoriste controversé Dieudonné »9. Ou encore avec Libélyon, blog du site de Libération : « … une sortie du comédien Pascal Bernheim qui, dans une émission suisse, l’a récemment qualifié de ‘nègre’. L’auteur des propos a depuis présenté ses excuses, mais Dieudonné ne décolère pas. Et se demande, avec une pointe d’ironie, pourquoi SOS Racisme n'est pas intervenu » 10.

Aujourd’hui, seuls des occidentaux ethnocentrés ignorent que le mot « nègre » n’est pas une insulte mais une revendication d’existence, de résistance et de conscience égalitaire. Un cri de fraternité humaine dont la paternité revient à l’illustre Aimé Césaire qui, la veille de sa disparition, répétait après une vie de combat : « Nègre, je suis. Nègre, je resterai ! » ...

Enchaînons avec le site payant de l’ex-rédacteur en chef du Monde, Edwy Plenel. Un site, dixit Plenel, censé promouvoir « un journalisme de recherche et d’approfondissement » en vue de « dénouer ces nœuds qui font l’actualité »11. Ne riez pas. Pour mediapart.fr donc, Samuel Dixneuf présente « les faits » en ces termes : « Pascal Bernheim, coauteur de la Revue de Genève, rebondissant sur des propos tenus par Frédéric Recrosio, a qualifié, en aparté, Dieudonné, de ‘nègre’. Assez savoureux et pas vraiment hors sujet dans une émission dont il est à propos de reprendre précisément l’ordre du jour: ‘Peut-on rire de tout ?’ » 12.

8 En tout, 5 sites s’y sont collés : www.lepost.fr ; http://libelyon.blogs.liberation.fr ; www.mediapart.fr ; www.entrevue.fr ; www.stagora.com. Ce dernier étant le seul à constater l’évidence et à en tirer une conclusion journalistique : « Les grands médias français sont restés discrets. Pourtant Pascal Bernheim, qui a parlé de

‘nègre’, établissait un lien direct entre ce mot et une supposée infériorité intellectuelle... Et si l’insulte avait porté sur une autre personne que Dieudonné ? Qu’auraient titré les médias s’il s’était agi de Barack Obama ou de Thierry Henry ? C’est un fait : l’humoriste est blacklisté, sans mauvais jeu de mots, par la plupart des médias. Voilà pourquoi nous avons voulu interviewer Dieudonné ».

9 www.lepost.fr, 30 novembre 2008.

10 http://libelyon.blogs.liberation.fr, 11 décembre 2008.

11 www.rue89.com, 13 décembre 2007.

12 www.mediapart.fr, 1er décembre 2008.

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Stupéfiant. Ce qui rend l’histoire « digne d’être relatée » n’est donc pas l’expression spontanée d’un racisme négrophobe bénéficiant, au mieux, d’un silence complice, au pire d’un assentiment médiatique. Ce n’est pas non plus le fait que des francophones d’origine africaine ont été insultés avec la complicité, non pas d’un parti d’extrême-droite, mais d’une Institution de service public audiovisuel. Selon le scribouillard en mission, « l’info capitale », c’est « la réaction de Dieudonné » qui déposera plainte en justice …

Faire semblant de ne pas saisir la portée à deux temps d’un vocable raciste diffusé sur antenne pour tenter un recadrage scabreux et mensonger, voilà sans doute le « nouveau journalisme » cautionné par Edwy Plenel.

Décadence française

Finalement, quoi de plus normal dans le pays des droits de l’Homme blanc. Un Hexagone où les sphères de pouvoir ont contribué à rehausser la négrophobie au rang d’opinion compréhensible sinon légitime. En témoigne le discours de Dakar du Président Sarkozy, puisé aux sources de l’infériorisation nègre conceptualisée par Hegel. En témoigne la création d’un ministère du racisme, de l’assimilation et de la xénophobie (pardon : « de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale ») chargé de faire du chiffre en matière d’expulsions et d’emprisonnements de sans-papiers. En témoigne encore les éternels tapis rouges audiovisuels déroulés aux Bruckner et autres Finkielkraut, assommant le public avec leurs inepties islamo- négrophobes plus ou moins contrôlées.

Et, depuis quelques années, l’empressement des télés à diffuser la parole bouffie d’arrogance d’un Eric Zemmour. Nain du journalisme et romancier raté dont le fond de commerce audiovisuel mélange saillies racistes, éructations sexistes et convictions réactionnaires. La dernière perle du chroniqueur multimédias : « J’ai le sentiment qu’à la sacralisation des races de la période nazie et précédente a succédé la négation des races. Et c’est d’après moi aussi ridicule l’une que l’autre. Qu’est-ce que ça veut dire que ça n’existe pas ? On voit bien que ça existe ! (…) J’appartiens à la race blanche, vous appartenez à la race noire ! » 13. Comment expliquer cet affligeant retour verbal aux visions du 18ème siècle ? Notamment par la complicité d’Arte qui invitait Zemmour ce jour-là pour un débat intitulé « Demain, tous métis ? ». Parmi les autres invités, le philosophe Vincent Cespedes, a livré un éclairage précieux sur les modalités de diffusion de ce débat long de 90 minutes : « Je déplore seulement que mes interventions aient considérablement fondues au montage final (58 min.), ce qui non seulement dénature le sens de ma participation à ce débat, mais surtout fait croire que personne n’a réellement déconstruit les énormités prononcées par M. Zemmour. ».

« Si ma mémoire est bonne, j’ai largement fait ce travail sur le plateau », poursuit Cespedes.

« J’ai pointé son manque de probité intellectuelle, dénoncé ses provocations et ses affirmations péremptoires, soutenu en cela par Renan Demirkan et Rokhaya Diallo, mais aussi par un public proprement scandalisé, qui a d’ailleurs pris à parti M. Zemmour. Je déplore que l’on ait choisi de tronquer le cœur de la polémique pour mettre en scène le débat en le soumettant à des impératifs superflus (égalité des temps de parole, télégénie d’un duel blanc/noire, crédibilité du polémiste Éric Zemmour à maintenir à tous prix parce qu’il en va de la crédibilité du « casting » et du débat lui-même, etc.) ».

13 « Paris/Berlin : le débat », Arte, 13 novembre 2008

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Et le philosophe de conclure : « Le montage final fausse la réalité du débat que nous avons eu. Toutes les idées peuvent être exprimées, même les plus nauséabondes, à condition qu’elles soient analysées, débattues et critiquées avec autant de rigueur dans le fond que de vigueur dans la forme. Tel est le tout premier rôle d’un intellectuel – a fortiori d’un philosophe – lors d’un débat télévisé. Si ma mémoire est bonne, cela a été fait avec énergie et conviction tout au long de l’enregistrement. Ce qui me pose problème, ce qui me « choque », c’est qu’il n’en soit presque rien resté au final » 14.

Limpide : Arte n’a pas seulement cru bon devoir inviter un négrophobe notoire pour discourir sur le métissage, mais la « chaîne culturelle » a aussi jugé primordial de réduire à la portion congrue ceux capables de lui porter une contradiction percutante ...

Sordide continuité

Mais soyons de bons comptes. Le top départ de la négrophobie médiatique, version 21ème siècle, fût donné par Marc-Olivier Fogiel en 2003. En « réponse » au sketch antisioniste de Dieudonné, diffusé dans son émission sur France 3, l’animateur ordonna de rédiger, puis de diffuser à l’antenne un faux sms qui disait : « Eh Dieudo ! Ça te ferait rire si on faisait des sketchs sur l’odeur des blacks ?». Les excuses ultérieures de Fogiel seront aussi

« convaincantes » que celles de Bernheim aujourd’hui. Du même tonneau que lorsque le présentateur suisse Michel Zendali en rajoute, en qualifiant la saillie de Bernheim de

« déclaration malheureuse ou peut-être mal comprise » 15 ...

Condamné avec le boss de France Télévisions pour diffamation raciale, Fogiel, lui, a été prié d’aller dicter ailleurs ses faux sms. Une prise de conscience des nouveaux dirigeants de France Télévisions n’y est pour rien. On le doit principalement à la mobilisation menée par les militants de l’ANC (Alliance Noire pour la Citoyenneté) qui a exigé, pendant des mois, le renvoi de l’animateur du Service public16.

Second coup de semonce en 2005 avec l’islamophobe et sioniste militant Charlie Hebdo. A l’occasion de la seconde charge médiatique anti-Dieudonné, l’hebdomadaire fait sa « Une » sur une caricature de l’humoriste engagé. Dessiné avec un air abruti, un cerveau visible et minuscule, accompagné du sous-titre suivant : « Le cerveau de Dieudonné : un point de détail » 17.

A l’époque, la liberté de presse de moquer l’avait emporté sur l’aspect raciste. Pourtant, cette

« Une » s’inspire des mêmes préceptes négrophobes que l’exclamation de Bernheim. Insinuer ou éructer que le nègre en général - illustré par Dieudonné en particulier - n’est fondamentalement capable que de stupidité. Or, de quoi a-t-on finalement accusé Dieudonné en février 2005 ? D’avoir qualifié de « pornographie mémorielle » l’hypermédiatisation de la commémoration du 50ème anniversaire de la libération des camps, en comparaison avec l’absence de visibilité médiatique et historique sur la mémoire de l’esclavage.

14 Le journaliste Bruno Roger-Petit a mis en ligne l’entièreté du droit de réponse de Vincent Cespedes, envoyé à Arte, le 20 novembre 2008 : http://www.lepost.fr/article/2008/11/24/1335724_zemmour-et-les-races-pour-arte- le-debat-etait-presque-parfait.html

15 Tard pour Bar, TSR, 4 décembre 2008.

16 Egalité Zéro - Enquête sur le Procès médiatique de Dieudonné, Editions Blanche, 2005.

17 Charlie hebdo, 23 février 2005.

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Au même moment, feu le sociologue Jean Baudrillard développait un raisonnement similaire dans une tribune publiée par Libération18. Une analyse qui ne déclencha ni tollé médiatique ni diabolisation du sociologue.

Idem, lorsque, cinq mois plus tard, Baudrillard déclara ceci : « Finalement, quand Dieudonné qualifie cette commémoration de ‘pornographie mémorielle’, il a totalement raison ! Simplement, on lui fait dire que la Shoah elle-même est pornographique, et cet amalgame là ne passe pas. Mais c’est l’amalgame fait par les médias eux-mêmes qui est scandaleux. Je dis au fond la même chose, d’une autre façon ». A propos semblables sur le fond, pourquoi descendre en flammes l’humoriste engagé et pas le sociologue ? La négrophobie conjuguée au respect du titre universitaire est passé par là …

Depuis, le pouvoir français, cornaqué par le bonimenteur Sarkozy, a fait écran en nommant des alibis au gouvernement (ministre et secrétaires d’Etat d’origine marocaine, sénégalaise et algérienne), en favorisant la nomination du journaliste antillais Harry Roselmack à la présentation du JT de TF1 ou en feignant de prendre en considération la nouvelle commémoration de l’abolition de l’esclavage (décrétée en 2006 par Jacques Chirac). Autant de gestes qui donnent à penser que la « diversité » progresse alors que ces illusions servent surtout à masquer un immobilisme en la matière.

Le miroir belge

Heureusement, rien de tel en Belgique, n’est-ce pas ? Terre du compromis et du métissage flamand-wallon. Faux, évidemment ! Il suffit d’observer deux épisodes d’actualité récente pour s’en convaincre. Août 2008. La propagande olympique et nationaliste bat son plein en direct de Pékin. En mal de médailles, la Belgique mise sur son équipe de foot des moins de 21 ans, parvenue à se qualifier en demi-finale. Adversaire : le Nigéria. Retransmission du match sur écran géant dans l’ambassade belge de Chine. Soudain, à chaque faute commise sur un joueur belge par un joueur nigérian, le Vice-président du Comité Olympique Interfédéral Belge (COIB), Renno Roelandt, hurle : « Sale noir ! ». Systématique, le procédé finit par faire réagir l’épouse de l’entraîneur cycliste, Paul Van Den Bosche 19. Réponse du Vice-président :

« Vous ne me parleriez pas comme cela si vous aviez travaillé avec des noirs à Bruxelles » …

Plusieurs médias belges ont repris et médiatisé l’affaire, tout en se gardant bien de diaboliser le ponte sportif et négrophobe. Préférant sagement attendre les conclusions de « l’enquête » du COIB. Un résultat cousu de fil « blanc » ! Trois mois plus tard, Roelandts écopera d’une

« réprimande » et sera confirmé dans ses fonctions. Ni sanction, ni rétrogradation, ni démission ou même un blâme. Réprimandé, c’est tout !

Dans mon pays, tenir publiquement des propos racistes négrophobes revient à prendre un risque judiciaire. Mais certainement pas médiatique, politique ou associatif. Aucun éditorialiste ou journaliste francophone belge n’a jugé utile de dénoncer la tolérance dont a fait preuve le COIB. Aucun politique ne s’est « ému » ou sincèrement indigné des propos de Roelandts et de la clémence du COIB. Aucune association antiraciste subsidiée n’a estimé

« de son devoir » de traîner l’intéressé et ses patrons devant les tribunaux.

18 Libération, 17 février 2005.

19 Scandalisé, Paul Van Den Bosche a décidé de dénoncer sur son blog ce dont il avait été témoins. Sans cette décision salutaire, personne n’aura jamais rien su du racisme négrophobe du Vice-président du COIB.

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En revanche, lorsque le sénateur et président du FN belge, Michel Delacroix, chante une chanson antisémite en ironisant sur le génocide juif dans une vidéo privée, vigilance impitoyable, indignation maximale, exigences de démission et procès judiciaire sont au rendez-vous ! Circulant sur le net et diffusée par le JT de la RTBF, la vidéo montre Delacroix détournant une chanson de Guy Béart (« L’eau vive ») en ces termes : « Ma petite Juive est à Dachau / Elle est dans la chaux vive / Elle a quitté son ghetto / Pour être brûlée vive » … Sans équivoque, des propos racistes et négationnistes ont été exprimé dans un film privé rendu public. Dégradant de manière abjecte l’un des plus horribles crimes contre l’humanité.

Comme un seul homme : tous les medias dominants ont couvert l’affaire sans omettre la moindre information, tous les politiques de centre-gauche et de centre-droit ont exprimé leur indignation et réprobation totales, le Centre pour l’égalité des chances, officine politique antiraciste, a déposé plainte. Résultat : Delacroix a démissionné de son poste de président, lâché par son parti qui a jugé ses propos « inadmissibles ». En un temps record, le Sénat belge est également parvenu à suspendre la dotation publique du FN ...

Il est évidemment illusoire de croire que ce branle-bas de combat empêchera d’autres hommes politiques de tenir en privé des propos inspirés par le racisme de leur choix. L’important est ailleurs. Le racisme comme l’ignorance ne peuvent être éradiqués. Juste circonscrits. En l’occurrence, en Belgique, en France ou en Suisse, l’efficacité de la mobilisation répressive contre le racisme anti-juif reste impressionnante et salutaire.

Quel contraste avec la puissante impunité dont jouissent la négrophobie et le racisme anti- arabe ! Leur nuisance tolérée à tous les niveaux de la stratification sociale. Dans les cénacles politiques de gauche et de droite, dans le monde du travail en cols blancs et cols bleus, dans l’Enseignement primaire, secondaire et supérieur, dans l’attribution préférentielle de logements, dans la production cinématographique, audiovisuelle et de presse écrite.

Affirmative action, now !

Il y a trois ans, je soulignais l’inquiétante persistance de cette égalité zéro concernant le traitement médiatique et politique de la lutte contre tous les racismes20. Cette insouciance démentielle à ne pas percevoir que cette insupportable hiérarchie conduira tôt ou tard à une explosion sociale.

Qu’est-ce qui a changé sur fond d’Obamania européenne triomphante ?

Parfois gênés aux entournures, médias et politiques francophones font encore semblant de découvrir que l’ascension sociale des afro-européens stagne depuis deux générations. En cause : un racisme structurel non-combattu et polluant les principaux lieux de décisions et d’opportunités. Le rendre illégal ne suffit pas.

20 Dans une tribune intitulée « Egalité zéro ou le ‘deux poids deux mesures’ médiatique » (6 décembre 2005).

Envoyée au Monde, à Libération, au Figaro, à Marianne et au site www.acrimed.org, elle n’a été publiée par aucun de ces médias. Pour Acrimed, Henri Maler justifiait notamment son refus en ces termes : «J’ajoute que l’un d’entre nous suit la construction médiatique de l’affaire Dieudonné ». C’était le 16 décembre 2005. Trois ans plus tard, sur le site français de critique des médias, personne n’a pu lire le moindre article ou la moindre critique portant sur « la construction médiatique de l’affaire Dieudonné » …

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Combattre ce racisme structurel, dont la force de nuisance est plus subtile qu’aux Etats-Unis, ne se décrète pas à coups de morale et de leçons d’antiracisme. Ce combat implique une véritable rupture avec l’autosatisfaction souvent de mise sur le sujet. Renouer avec la lucidité en constatant qu’en situation persistante d’égalité zéro - où nombre de décideurs font l’apologie de la « diversité » pour rarement la mettre en pratique -, il est urgent d’instaurer des mesures calquées sur celles de l’Affirmative action américaine.

Un rééquilibrage qui a notamment permis au couple Obama de construire leurs carrières respectives, qui a surtout contribué à ce que le pourcentage d’afro-américains appartenant aux classes moyennes passe de 13 %, en 1960, à 66 %, au début des années 2000 21. Adaptée au continent européen, à l’instar de la parité imposée entre hommes et femmes sur les listes électorales, cette politique volontariste devrait s’accompagner de sévères sanctions financières contre ceux qui alimentent la perpétuation du racisme institutionnel …

Enchaîné à sa liberté, irrécupérable pour les paternalistes et racistes de tous bords politiques, courageux comme peu le sont dans une vie, Dieudonné est un métis en résistance. Mettant en pratique non violente un admirable héritage : celui des nègres marron.

Olivier Mukuna

Auteur de

Egalité Zéro

Enquête sur le procès médiatique de Dieudonné Editions Blanche, 2005.

21 « Faut-il avoir peur de l’Amérique ? », Nicole Bacharan, Editions du Seuil, 2005.

Referenties

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