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Ne devons-nous pas abandonner le mythe colonial de l’appartenance du marché africain au giron européen ? Ce serait simpliste de ne voir en ces interrogations qu’un «tintamarre» frondeur

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Les nouveaux investissements chinois en R D Congo : Quid ?

L’annonce de la signature d’importants accords d’investissements signés entre la République Démocratique du Congo (la RDC) et la République Populaire de Chine (la Chine) a causé des remous en RDC et à l’étranger. Certains pensent que «les nouveaux contrats effrayent»

l’Occident qui se serait ainsi fait prendre le gâteau de la bouche à cause de ses hésitations ; ils se sont ainsi demandé pourquoi ils inquièteraient les Congolais. N’y a-t-il pas de la frustration de part et d’autre du partenariat entre la RDC et l’Occident (y compris les institutions de Bretton Woods) ? Ne devons-nous pas abandonner le mythe colonial de l’appartenance du marché africain au giron européen ? Ce serait simpliste de ne voir en ces interrogations qu’un

«tintamarre» frondeur. Il faut plutôt y voir, dans un cadre démocratique, un débat nécessaire qu’ont soulevé des investissements locaux ou étrangers de cette taille—barrage en Chine, exploitation du minérai de fer de Belinga au Gabon, nouvelles mines de diamant dans le Kalahari au Botswana—chez les écologistes, les défenseurs des droits de l’homme, les groupes de pression. D’ailleurs, il y a un sentiment du «déjà vu». En sus, il n’y a pas de transparence sur les chiffres, les conditions, les avantages et obligations de chaque partie, sont difficiles à obtenir. Au fait qu’en est-il ?

Particularités chinoises

Les chinois sont connus dans le passé pour leurs œuvres architecturales (palais des congrès, stades, chemins de fer et réseaux routiers). Cependant, ils ont récemment changé le visage et la portée de leurs investissements avec l’éclosion économique et industrielle. Ainsi donc, le géant asiatique a engagé une offensive de charme pour se procurer les matières premières et le pétrole dont son industrie grandissant à un rythme exponentiel a besoin : Soudan, Tchad, Gabon, RDC, pour ne citer que cette région de l’Afrique. Pour eux, «sécuriser» les sources des matières premières devient un leitmotiv.

Dans le passé, la Chine a su jouer sur la corde de la sensibilité : répondre favorablement aux

«désirs» de ses interlocuteurs (c’est-à-dire les dirigeants), même si désirs ne riment souvent pas avec «besoins» (des populations des pays concernés). C’est le cas des infrastructures comme les stades que les prêteurs traditionnels ne pouvaient même pas envisager. En réalité, ils n’avaient pas fait pire que les autres. Après tout, au plus fort de la guerre froide, l’URSS n’avait-elle pas offert (vendu ?) des chasse-neige à la Guinée de Sékou Touré ? Quant aux occidentaux, des exemples sont légion, d’érection d’éléphants blancs, surtout dans l’ex-Zaïre qui peut même être considéré comme le cas-type de champ d’expérimentation. Il ne fallait pas trop regarder sur l’efficacité de ces projets ni leur retombées bénéfiques ou néfastes sur la population. Le Zaïre, au sous-sol riche, était un des remparts contre la pénétration du communisme en Afrique. Cela était une raison suffisante pour fermer les yeux sur la justesse ou non des investissements.

Aujourd’hui, en investissant massivement, les chinois misent, en retour, sur l’acquisition des marchés africains qui ne pourront qu’augmenter. Déjà, l’on remarque une percée fulgurante de produits chinois sur nos marchés, soit à travers des échanges directs (grâce aux compagnies aériennes comme Kenya Airways et Ethiopian Airlines qui relient l’Afrique avec Quandzou), soit via d’autres pays (l’on peut se procurer des produits chinois à Dubai). Grâce aux coûts de production très bas—et parfois, au « dumping »—les produits chinois défient toute concurrence, à la grande satisfaction des consommateurs africains dont la majorité, semble-t-il, n’a que faire de la qualité—du moins pour le moment. L’Afrique n’a pas encore de mécanismes comme ceux de l’Union Européenne, qui imposeraient des «normes de qualité » aux produits de consommation vendus à sa population ou à l’étranger. Les chinois jouissent donc davantage d’avantages par rapport aux concurrents occidentaux.

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Un atout non moins négligeable pour les chinois, en comparaison avec l’Europe, c’est cette

«virginité» historique de n’être pas une ex-puissance colonisatrice, et surtout, leur réputation de non-ingérence dans la politique intérieure des Etats. C’est à voir. Par ailleurs, on reconnaît aux chinois certaines vertus : leur discrétion et leur modestie. En fait, le gouvernement chinois ne lésine pas sur les moyens pour inculquer à ceux de ses citoyens qui vont œuvrer à l’étranger ces vertus ainsi que le respect des lois du pays hôte. Il semble aussi que leurs prêts sont assortis des conditions fort favorables de paiement, avec des intérêts plus bas que ceux des prêteurs capitalistes. Mais…

Dans la ruée vers les matières premières sans lesquelles son dynamisme économique

s’estomperait, la Chine veut s’assurer de l’approvisionnement durable, sans nécessairement viser une rentabilité immédiate. Certains des investissements ont plutôt une visée à long terme pour garantir les sources d’approvisionnement. Le pétrole du Soudan, dans lequel des

multinationales rechignaient à investir, est un exemple de cette vision à long terme de la Chine. Rien d’anormal, dirait-on.

Mais les chinois sont-ils plus «altruistes» que les partenaires occidentaux ? Rien n’est moins vrai. Certes, l’on ne peut pas les accuser de «colonialisme» dans la forme, puisqu’ils négocient avec des régimes «indépendants» et «démocratiques». Cependant, dans le fond, ils ne font pas autre chose que ce que nos anciens maîtres ont fait (lorsqu’ils nous gouvernaient) et

continuent à faire (puisqu’ils continuent à nous dicter les termes du commerce et de la

«coopération»). C’est une réalité, n’en déplaise aux admirateurs du modèle de coopération chinois. C’est comme dans le marchandage au marché de puces. Vous aimez bien un article, vous vous informez du prix, vous décidez si le prix est bon ou pas. Vous pouvez user de plusieurs méthodes pour gagner le meilleur prix. Votre besoin de l’article peut être déterminant dans votre décision d’acheter, tout comme peut l’être le nombre d’autres

acheteurs potentiels. Si vous savez que le vendeur est dans le désespoir ou qu’il n’est pas assez lucide pour négocier à son avantage, vous forcez le marchandage. Une bonne partie du

continent africain semble être ce vendeur qui est dans le désespoir pour accepter n’importe quel prix. Serait-ce l’explication de la croissance des investissements chinois en Afrique ? Pas la seule, évidemment, mais il ne serait pas erroné de regarder de ce côté-là.

Les chinois peuvent paraître moins disert et peu bavards sur leur coopération mais ils sont aussi coercitifs—et même intransigeants—sur le plan politique. Par exemple, ils ne lésinent pas sur les moyens (politiques et diplomatiques) contre leurs voisins japonais pour leur rappeler les guerres du passé. Depuis qu’ils occupent le siège au Conseil de Sécurité de l’ONU laissé vacant à la suite de l’expulsion de Taiwan, ils utilisent du chantage pur et simple pour dissuader les faibles d‘entreprendre les moindres relations avec Taiwan qu’ils considèrent toujours comme une province renégate. Mais ils pratiquent en réalité une politique de deux poids deux mesures, selon qu’ils ont comme interlocuteurs les puissants ou les faibles. Il faut d’ailleurs souligner que des cinq membres permanents, ils sont les plus hostiles à l’élargissement du Conseil de Sécurité de l’ONU à d’autres régions du monde.

Chinois, «nouveaux» partenaires de la RDC ?

Le volume des investissements annoncés a fait penser à certains que les chinois étaient des partenaires «nouveaux» en RDC. Certes, la Chine a été discrète depuis des décennies, mais assez présente depuis la visite de feu le président Mobutu en Chine dans les années 1970.

Depuis, ce pays a entrepris des programmes de coopération dans divers domaines. Nous ne pouvons ainsi pas oublier l’œuvre des chinois dans l’ex-Zaire. Elle a été certes mitigée (l’usine textile de Lotokola, entre autres, dans la Province orientale n’est pas citée comme un succès), mais fort visible par d’autres infrastructures : le Stade Kamanyola et le Palais de la Nation en sont des exemples.

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Plus récemment, les chinois se sont engagés dans le secteur des routes, notamment la réfection de la nationale reliant Bukavu dans le Sud-Kivu à Kasongo au Maniema que l’on appelle «la route de chinois». L’Hôpital de Ndjili est une autre réalisation récente de la coopération sino-congolaise. Ainsi donc, les chinois ne sont pas totalement de «nouveaux partenaires» ! Loin de là. Ils ont plutôt augmenté leur visibilité à la dimension de leurs ambitions et de leur «boulimie»—terme à ne pas prendre péjorativement.

Qualifier la coopération chinoise de «généreuse» et «désintéressée», comme certains l’ont fait, c’est un peu trop se laisser aller dans un lyrisme excessif. De ce fait, on l’a contrastée avec

«une certaine coopération caractérisée par des mensonges, des prêts qui prennent toujours le chemin du retour et des impositions souvent désobligeantes» (LE POTENTIEL, 1 Octobre 2007,

«La Chine s’installe durablement en RDC», par Matshi). Un langage de politicien qui rappelle l’éloge fait à la tribune de l’Assemblée générale des Nations-Unies par le président Mobutu le 4 octobre 1974 ! N’est-ce pas un excès de confiance et un manque d’esprit critique ? Les chinois sont-ils plus «généreux» et plus «soucieux de notre développement» que les prêteurs

traditionnels ? Il n’existe aucune preuve de cet élan généreux de nos partenaires chinois dont les investissements ne prendraient pas le chemin du retour. Il n’y a pas longtemps, au plus fort de la «dernière transition», les commentateurs reconnaissaient bien que l’intervention de l’Occident dans le processus de normalisation politique n’était pas sans arrière-pensée. Qu’est- ce qui leur fait croire que les investissements chinois sont moins désintéressés ?

Un adage dit qu’ «on ne prête qu’aux riches». Les chinois ont besoin de nos richesses en retour de leurs investissements. Sans plus ! Il n’existe d’ailleurs pas d’amitié entre les Etats, il n’existe que des intérêts. La Chine n’est pas une organisation charitable : elle n’a pas décidé de pomper d’aide au Swaziland, au Malawi, en République Centrafricaine ou dans tout premier pays demandeur. Elle est une super-puissance en devenir qui comprend les enjeux mondiaux et qui cherche à se positionner en conséquence. Même en considérant les «impositions souvent désobligeantes» de nos partenaires traditionnels que les accords avec les chinois nous

éviteraient, nous faisons preuve de naïveté ! Lorsqu’ils exerceront (exercent) la pression, ils ne crieront (crient) par sur les toits. C’est la différence, culturelle, avec les partenaires

traditionnels qui n’hésitent pas à user de la «diplomatie du mégaphone» là où les chinois seraient circonspects. Quant à savoir si une forme d’imposition (quasi officielle) est préférable à l’autre (discrète), c’est une question d’opinion.

Conditionnalités du respect de droits de l’homme

Un autre argument en faveur des chinois c’est cette fameuse «non-ingérence» des chinois dans les affaires des Etats. En soi, ce serait louable. Mais, n’est-il pas vrai que d’autres pays qui n’ont pas de liens coloniaux avec l’Afrique semblent ne pas se sentir non plus concernés par les affaires intérieures de nos Etats ? C’est du moins ce qui se dit officiellement. Dans le domaine des relations publiques, les chinois peuvent se targuer d’avoir réussi le coup : ils proclament leur non-ingérence et s’efforcent de se garder fidèles à cette ligne.

Cependant, l’argument le plus fallacieux qui hélas ! est repris à l’unisson c’est considérer comme vertu l’absence de «conditionnalités du respect des droits de l’homme». Lorsqu’il s’agit de gros investissements, chinois et occidentaux, se comportent de la même façon sans se froisser : ils se soucient peu du respect des droits de l’homme dans les pays d’où ils tirent de gros bénéfices ! Le régime d’apartheid en Afrique du Sud était ainsi soutenu par l’Occident, malgré les graves violations des droits de l’homme, sous le subterfuge d’«engagement constructif». Le mouvement de «désinvestissement» n’a été possible que lorsque les

populations en Occident ont exprimé leur révulsion. La Chine en était absente d’autant plus qu’elle n’était pas la bienvenue : Taipei y était bien installé.

Fermer les yeux sur des abus des droits de l’homme ou groupes d’individus perpétrés par le pouvoir public n’est pas une vertu. Bien au contraire. Les investisseurs devraient plutôt se

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sentir mieux à l’aise si leurs investissements encourageaient les libertés publiques et la bonne gouvernance. Deux exemples récents le prouvent. Dans le drame du Darfour, il a été souvent reproché à la Chine, à tort ou à raison, d’être indifférente d’une part aux souffrances des populations suppliciées, de l’autre aux nombreuses violations des droits de l’homme par le gouvernement de Khartoum. En tant que le plus gros investisseur dans l’exploitation pétrolière, n’avait-elle pas la responsabilité d’exercer une pression diplomatique, discrète soit-elle, sur le gouvernement soudanais ? Qui pis est, la Chine a été pointée du doigt, avec raison, pour son abus de son droit de veto—même si elle ne l’a pas utilisé—pour bloquer les mesures coercitives qui auraient prévenu ce que d’aucuns ont qualifié de génocide. Lorsque la survie d’une

population est menacée, invoquer le faux-fuyant de la «non-ingérence» équivaut à la complicité.

De même, l’attitude de la Chine vis-à-vis de récents événements survenus en Birmanie (connue officiellement comme «Myanmar») ont suscité beaucoup de critiques et même une hostilité d’exilés birmans, à juste titre. La Chine n’est pas le seul investisseur au Myanmar, puisque l’entreprise française TOTAL (qui d’ailleurs a été traînée devant les tribunaux en Belgique) ainsi que d’autres multinationales occidentales, japonaises et les indiens, y font des affaires depuis longtemps. Cependant ce qui a fait isoler la Chine comme le «mauvais» parmi eux c’est sa mollesse devant des abus flagrants que le reste du monde a condamnés et son «langage double». Pendant que les pays de l’ASEAN (Association of Southeast Asian Nations),

l’association régionale des pays du sud-est asiatique dont Myanmar est membre, donc les plus proches du Myanmar, exprimaient ouvertement leur révulsion, la Chine multipliait

officiellement ses appels a la «modération des deux côtés» dans le souci de préserver la

«stabilité».

C’est ce qui a révolté les birmans qui ont manifesté leur désapprobation devant plusieurs ambassades chinoises. Comme l’a dit le premier ministre birman en exil, l’on se demande de quelle «modération» devaient faire preuve les manifestants pacifiques qui n’ont connu que la brimade pendant plus de quarante-cinq ans. Cette attitude montre, si besoin en était, la vanité de la soi-disant non-ingérence chinoise qui, en définitive, est moralement répugnante. La

«non-ingérence» proclamée et la «stabilité» souhaitée ne sont ni plus ni moins qu’un encouragement de la répression et la protection tacite d’un gouvernement illégitime, irrespectueux de sa propre population.

A propos, l’on peut présumer que les chinois ne verraient pas d’un mauvais œil le statu quo en Birmanie, aussi bien pour préserver leurs intérêts qui sont mieux servis par une dictature des plus féroces que pour ne pas susciter des émules chez eux. C’est ce que pense une voix

autorisée. En effet, Dr Thant Myint-U a écrit dans le GUARDIAN de Londres (1 octobre 2007), ce qui suit (je traduis de l’anglais) : «Récemment il y a eu des appels d’aide aux Chinois étant donne qu’ils sont le pays qui a le plus d’influence sur les généraux (aux pouvoir en Birmanie).

Mais les chinois ont un ordre du jour d’une autre nature en Birmanie. Ils souhaitent voir la stabilité et le développement économique en Birmanie (leur facilitant l’accès et l’influence) et n’ont certainement aucun intérêt de voir s’installer un changement démocratique, surtout sous la direction des moines bouddhistes». Dr Myint-U—puisqu’il faut le présenter—est un ancien professeur à l’Université de Cambridge, auteur d’un ouvrage qui fait autorité sur la Birmanie

«The River of Lost Footsteps: Histories of Burma», a servi dans trois missions des Nations Unies de maintien de paix au Cambodge et dans l’ex-Yougoslavie, et était jusque récemment le Chef de Planification dans le Département des Affaires Politiques du Secrétariat Général des Nations Unies.

Il semblerait que les congolais ne soucieraient pas tant des droits de l’homme. C’est ce que l’on peut lire en filigrane dans certains commentaires parus dans la presse. Ainsi, LE

REVELATEUR (28 Septembre 2007) rapporte dans un excellent article («Quatre gros nuages sur l’avenir de la RDC»), ce choix fait par les kinois : «Droits de l’homme, oui, mais on ne mange pas de ‘Droits de l’Homme’». On peut comprendre une telle attitude—sans la justifier—en

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considérant l’ampleur de la misère et des espoirs déçus. Les politiciens—toujours eux—soutenus par l’Occident, criaient jour et nuit, que le lendemain des élections apporterait du bonheur.

D’où cette déception de l’homme de la rue, rapportée par le même organe, qui s’en prend surtout à l’Occident : «Où sont les retombées des élections, une année après». Pour ces compatriotes donc, la conditionnalité des droits de l’homme retarderait les emplois. Cela peut être un argument valable à court terme, mais les conséquences à long terme pourraient être désastreuses. D’ailleurs, comme les chinois le font pour l’approvisionnement en matières premières, nous devons regarder plus loin que le bout du nez pour la prospérité. D’où le débat actuel. Nous avons déjà une si longue et amère expérience dans ce domaine pour tout

applaudir en silence.

Chat échaudé craint l’eau froide

Ceux qui critiquent les sceptiques oublient vite notre mauvaise réputation dans le domaine des négociation des accords et la protection de nos intérêts. Il est à craindre la répétition de l’histoire. Avant même que l’AFDL—Alliance des Forces «Démocratiques de Libération» (sic !)—

n’ait conquis la moitié du territoire, elle avait signé, à corps perdu, des contrats de vente (en fait de bradage) de nos ressources naturelles aux compagnies étrangères sans en connaître ni la valeur ni la portée sur l’économie du pays. Cette situation a été aggravée par la dépendance sur des armées entières qui en ont profité pour tout emporter : ressources naturelles, bétails, matériaux de construction, machines et outillage. Les ex-zaïrois, (re)devenus par la volonté des «libérateurs» des r d congolais, n’ont qu’eux-mêmes et leur fanatisme béat à blâmer.

Ce bradage de nos ressources naturelles ne s’estompera pas avec le cessez-le-feu entre les belligérants quelques années plus tard. C’est que l’histoire s’est répétée lorsque la guerre de 1998 sera déclenchée : la spoliation de nos ressources ne fera que s’accélérer, lorsque le territoire sera morcelé en dominions étrangers : du côté du gouvernement de Kinshasa comme de ses adversaires. La plupart des contrats léonins dont on parle aujourd’hui auront été conclus et signés à la hâte durant l’interrègne ayant précédé la fameuse transition de 2003 à 2006.

On a fait autour beaucoup de bruit autour de la fameuse révision de ces contrats, pour rien ! Un silence de cimetière semble avoir suivi le brouhaha. Certaines organisations non

gouvernementales (ONG) tant locales qu’étrangères, actives dans ce domaine, ont dénoncé l’opacité, suspecte, dans laquelle se fait le travail. Notre gouvernement et la majorité parlementaire qui comptent en leur sein des personnalités ayant été impliquées dans ces négociations à la va-vite sont les derniers à vouloir que la vérité soit connue. Pouvons-nous être surpris par la célérité avec laquelle nous signons des accords d’exploitation mixte avec des pays voisins qui ne nous veulent pas que du bien et la facilité avec laquelle le parlement entérine ces accords ? Tout se fait par la même méthode expéditive.

Depuis les élections de 2006, nous entendons une rengaine, lorsque l’opposition, les medias ou les ONGs posent des questions sur l’un ou l’autre sujet : «Laissez-nous gouverner». Comme si dans une démocratie, on laisse un groupe d’individus gouverner «dans le silence». Ainsi donc, la démocratie à la congolaise se résumerait à un cycle périodique d’installation de commis de l’Etat omniscients et irréprochables. Leurs excellences ignorent tout de la démocratie :

«gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple».

Dans d’autres cas récents, comme dans «l’affaire Kahemba», il y a cause de s’alarmer et de se méfier. Il suffit de se rappeler l’imbroglio de nos autorités pour douter de leur capacité et même de leur volonté de protéger les intérêts du pays. Pendant un temps, le Ministre de l’Intérieur s’est empêtré dans des contradictions monstrueuses : l’action d’un commandant local de la police, puis la poursuite des rebelles cabindais du FLEC/FLAC, avant de se ressaisir—

pas pour longtemps—en évoquant à demi-mots la possibilité d’une violation angolaise du territoire congolais. Puis il y a eu une certaine discordance entre lui et son collègue des affaires étrangères avant qu’ils ne se soumettent au point de vue officiel : « l’état normal »

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des frontières, avalisant ainsi la thèse angolaise faisant passer des terres congolaises comme faisant partie de leur territoire.

Certains medias congolais ont été utilisés pour faire le travail de propagande des angolais. Par exemple, ce quotidien kinois, faisant office de porte-parole officieux du gouvernement titrait :

«Kahemba : les Angolais sont à l’intérieur de leur territoire». En lisant entre les lignes, on comprend que, bien au contraire, ce sont les congolais qui auraient violé la frontière angolaise ! Et les experts congolais ? Au lieu d’éclairer le ministre de l’intérieur avec des preuves objectives, on a vu plutôt l’expert en chef de l’Institut Géographique du Congo se dépasser pour convaincre le public que la version officielle était la bonne. Les experts ayant négocié avec les chinois se sont-ils comportés autrement ?

Il y a aussi un doute sur la capacité de la partie congolaise à assurer le suivi des

investissements. Près d’une trentaine d’accords avec l’Afrique du Sud n’ont pas eu le moindre début d’exécution pendant plusieurs années. Pourtant, tout en reconnaissant cet état de choses, le gouvernement en a signé de nouveaux avec… l’Afrique du Sud. Sont venus s’y ajouter en cascade d’autres avec l’Angola, le Rwanda, l’Ouganda. Nous semblons friands d’accords sans savoir à quoi ils riment. Ceci devrait nous faire réfléchir sur l’opportunité d’accords

d’investissements, surtout ceux requérants des ouvrages immenses. Prenons le cas de la «route des chinois». Un projet modèle dans sa conception, puisqu’il désenclaverait les deux provinces (Sud-Kivu et Maniema) et relancerait l’agriculture, il a plutôt suscité de l’inquiétude à cause de l’incapacité notoire de nos dirigeants de planifier. SYFIA GRANDS-LACS dans un reportage (repris dans le quotidien kinois LE POTENTIEL, 9 juillet 2007) fait le constat de ce demi-échec alors que la route n’est pas encore finie. Son état laisse déjà à désirer : des crevasses et des nids de poule la jalonnent. Les chinois sont exaspérés puisque l’État congolais ne remplit pas sa part du contrat, c’est-à-dire l’entretien pendant l’exécution des travaux, par les cantonniers.

Comment en sera-t-il lorsque les travaux seront achevés et que tout sera laissé à l’Office des routes pour l’asphaltage et l’entretien ?

Enfin que savons-nous de ces faramineux accords d’investissements ? Du côté congolais, on a entendu parler d’un «montage». En ce qui concerne le montant, les chiffres varient selon les sources. Nous avons, par contre, de la bouche de l’ambassadeur chinois à Kinshasa que leur coopération envisage les projets suivants : chemin de fer Sakania-Matadi (3.000 km),

boulevards, exploitation minière, installation d’hommes d’affaires chinois en RDC, construction des trois écoles dont deux universités de niveau international pour assurer le transfert des technologies aux Congolais.

De nombreuses autres pistes de coopération

L’on hésiterait à appeler l’accord avec les chinois un «accord de partenariat» avant que l’on en voit les détails. Certes, en cherchant les moyens de nous développer nous ne devrions pas nous soucier outre mesure de ce qui se dirait dans les chancelleries occidentales au sujet du choix de nos « partenaires ». Il y a d’ailleurs de la place pour tous. Cependant, nous devons en étudier soigneusement les avantages, écueils et obligations à long terme.

Pourquoi la partie congolaise reste-t-elle si peu bavarde ? On pourrait trouver l’explication dans le fait qu’il s’agit effectivement d’un «montage» particulier. En effet, en lisant entre les lignes, on peut conclure qu’il s’agirait d’un troc dans lequel les chinois nous construiraient des routes et d’autres infrastructures, retaperaient nos voies ferrées et/ou en construiraient de nouvelles, nous offrirait leur assistance technique (experts, techniciens et ouvriers, comme ils l’ont fait partout ailleurs en Afrique). En retour, ils exploiteraient nos ressources naturelles (cuivre et cobalt) et les transporteraient chez eux en état brut pour leur industrie gloutonne. Il y a deux écueils. Le premier concerne les coûts et/ou prix de part et d’autre. Qu’en savons-nous ? Vont- ils accepter ou proposer un coût fixe pour les travaux étalés sur plusieurs années ? Allons-nous accepter leurs offres du prix d’achat de nos matières premières quelles que soient les

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fluctuations sur les marchés mondiaux ? Dans ce cas, si le prix du baril convenu est de US$45, lorsque celui-ci monte à plus de US$60 comme cela a été le cas ces deux dernières années, les

«partenaires» chinois se frotteront les mains, tandis que nous grincerons les dents ! Cela va aussi pour tant d’autres ressources naturelles!

Par contre, pour certains qui ne jurent plus que par cette «aide généreuse» des chinois, il semble qu’il suffit d’avoir ces infrastructures pour que nous marchions à pas de géant vers le développement ! Les voies ferrées et les routes sont importantes, certes. Mais si elles sont, en grande partie, destinées à faciliter l’exportation de nos ressources (minerais, bois, pétrole, etc.) vers d’autres cieux, sans aucun plan à moyen terme, nous retombons dans le même schéma qu’avec ceux que l’on appelle nos «partenaires traditionnels».

Plus d’un siècle après l’esclavage et la colonisation européenne, le bassin du Congo ne doit plus être un réservoir de matières premières. Il n’y a aucune perspective pour la moindre transformation de ces ressources naturelles afin d’en tirer une meilleure plus-value ! Il est erroné, à mon sens, de croire que puisque nous sommes demandeurs (en fait «mendiants»), nous n’avons pas de choix ; il ne s’agit donc pas de «partenariat». Nous sommes habités par le

«syndrome de faiblesse» parce que nous n’avons pas d’argent liquide. Pourtant, les autres comme nous n’en avaient pas. Ce sont leurs ressources naturelles qui leur ont assuré l’essor économique. Nous entendons encore beaucoup de discours «d’aide». Notre ministre des affaires étrangères non seulement se plaindra ainsi de la rupture de la coopération belgo- congolaise depuis 1990, mais surtout plaidera pour que la Belgique «aide» la RDC à se reconstruire. Si nous demandions aux pays comme la Malaisie, nous apprendrions que la philosophie qui a sous-tendu leur décollage est «Pas d’aide, mais plutôt des investissements».

Chez nous, si les nouveaux accords ne portent pas ce caractère, mais plutôt celui d’un simple

«troc», nous sommes mal partis : nous risquons de ne jamais nous en sortir si la dette s’enfle davantage !

Les chinois veulent-ils investir ? Diversifions notre coopération. Les voies d’exportation de nos matières premières sont un paradoxe, par exemple au vu des ambitions des autorités du Katanga de vendre davantage des minerais ayant une meilleure plus-value que les produits bruts. Nous pouvons ainsi encourager nos partenaires chinois à coopérer dans le financement de la production et le transport de l’énergie électrique dont nous avons un potentiel

incommensurable. Cette énergie électrique, en sus d’améliorer le niveau de vie des populations, encouragera l’éclosion des PME et rapportera la vente aux clients à l’étranger apportera des devises dont on a tant besoin. Nous pourrions ainsi payer une partie de nos emprunts comptant et éviter d’hypothéquer notre cuivre et notre cobalt. Les tchadiens ont signé un accord avec les chinois pour la construction d’une raffinerie de pétrole près de Ndjamena.

Les télécommunications sont un autre domaine qui offre un cadre immense de coopération et d’investissements. Notre système de téléphonie est encore rudimentaire. C’est la raison pour laquelle nous étions rués, bien avant la plupart des pays africains, sur la téléphonie cellulaire.

La couverture par habitant était des plus faibles en Afrique. Nous pourrions intéresser les chinois dans la pose de cables à travers le pays. La RDC ne pourra pas développer les technologies nouvelles de télécommunications sans une ossature téléphonique fiable.

Enfin, tirons les leçons de certains de pays africains. Il pourrait être trop tôt de juger la portée des investissements chinois en Afrique. Mais l’on peut dire que ces dernières années, ils ont eu des résultats mitigés. Les citoyens du Lesotho n’auront pas gardé le meilleur souvenir des

«investisseurs» chinois du textile. Ceux-ci, une fois qu’ils avaient empoché des bénéfices faramineux récoltés grâce à l’accès aux marchés américains de leurs textiles sous le fameux AGOA (African Growth and Opportunity Act), profitant de la fermeture annuelle en décembre, sont repartis chez eux, abandonnant le personnel et toutes les machines à leur sort. Le pactole était simplement trop grand ! Je parie que les chinois n’ont pas manqué de grossir leur

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« production » du Lesotho avec des textiles… de leurs propres usines en Chine. On sait aussi quelque chose de leurs investissements en Zambie. Les Zambiens, évidemment, n’avaient pas oublié l’œuvre gigantesque chinoise, La TAZARA, destinée à désenclaver le pays. Cependant, récemment ils se sont trompés d’époque : La Chine de Hu Jintao et Wen Jiabao n’est plus celle de Mao Tsé Toung et Chou en Lai. La Zambie sous Levy Mwanawasa devrait aussi faire les choses mieux que celle de Kenneth Kaunda d’un autre siècle. Il en est de même pour le reste de l’Afrique : la RDC de 2007, sous Joseph Kabila, né plus d’une décennie après notre

indépendance, et même bien après l’avènement de la Deuxième République, ne doit-elle pas faire mieux que le Zaïre sous Mobutu Sese Seko ?

En conclusion

Près d’un demi-siècle après nos indépendances, il ne doit plus y avoir de «pré carré africain»

pour les puissances occidentales et leurs multinationales. D’ailleurs, certains de ces

partenaires traditionnels traînent souvent les pieds pour faire pourrir la situation afin d’obtenir des concessions à vil prix. Les Américains et les Français se sont ainsi fait devancer au Tchad et au Gabon également. Au Tchad, les chinois n’ont fait que réparer un tort : le champ de Sidigui, découvert par un consortium américain en 1974, n’a jamais été exploité ! Cependant, nos partenaires chinois, ils doivent savoir que c’est notre droit de vouloir tirer le meilleur profit de nos ressources, de nous interroger sur la valeur des accords, d’exiger des explications de nos gouvernants. Qui plus est, nous ne pensons pas que «stabilité» et démocratie s’excluent. Bien au contraire. Pourquoi aurions-nous voulu dans les années 1990 nous débarrasser d’un régime

«stable» si la démocratie était un luxe ? Nous ne voulons plus avoir un autre Kilwa et un Anvil Mining.

Ni l’enthousiasme démesuré des uns, ni l’hostilité épidermique des autres ne devrait nous guider. Les investissements chinois sont les bienvenus à condition que nous en tirions des avantages. Il nous faut une vision à long terme. Débarrassons-nous de ce mimétisme politique et des préjugés du passé. Il est plutôt utile de considérer ces accords, d’en peser les chances de réussite et de rectifier le tir, si besoin est, avant qu’il ne soit trop tard. Il n’est pas permis de s’entendre dire plus tard : «Nous vous avons prévenu». Autant on peut être optimiste sur la possibilité d’obtenir des investissements frais, autant on doit tirer les leçons du passé, surtout le passé récent en ce qui concerne la multitude des accords (Gécamines, Miba, Okimo), dont la plupart ont été des accords léonins, pour ne pas retomber dans ces erreurs. Nous devons donc rester vigilants.

On ne coopère pas au nom de la charité. Ceci n’est pas applicable seulement à la Chine ; nos projets d’accord avec la Corée en ce qui concerne les logements sociaux, ou les

investissements de l’Arabie Saoudite dans le domaine du tourisme, ceux annoncés par d’autres partenaires traditionnels (Le Royaume-Uni et la Belgique) méritent les mêmes précautions.

Dans un accord de partenariat, chaque partie doit trouver son compte. Ainsi chaque fois nous devrons nous demandons : Avons-nous trouvé le nôtre ?

Luanga Adrien Kasanga Mascate, Oman

4 octobre 2007

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