TRACES D'OCCUP A TI ON ROMAINE, RUE DES CHORAUX À TOURNAI
De novembre 1977 à janvier 1978, des travaux de démolition et de terrassement en vue de la construction d'un complexe scalaire ont eu lieu dans la parcelle 79 g, section F du cadastre (fig. 26). Cet îlot situé entre la rue des Choraux et le Vieux-Marché-aux-Jambons n'avait pu être fouillé lors de la campagne de 1941 à 1946 car il était alors occupé par les communs et le jardin d'une maison du XVIIe siècle qui passe pour avoir été la résidence de Madame de Pompadour lors de la bataille de Fontenoy.
N otre intervention, que les pluies diluviennes de cette période rendirent souvent pénible (22
) aurait été plus efficace si la municipalité tournaisienne
nous avait prévenu de la nature et de la date de ces travaux.
Le site était réputé pour avoir abrité la «Tour l'Evêque », une des tours d'anglc de 1' enceinte épiscopale (23) dont P. Rolland avait imaginé que le tracé
s'était superposé à celui de !'enceinte du Bas-Empire (24). Les fouilles au
Vieux-Marché-aux-Jambons de 1943 ont établi avec certitude que eet enelos canonial n' était pas établi sur les ruines de 1' enceinte du castrum romain mais que son tracé entre l'Escaut et 1' angle formé par la rue de l'Y ser et le Vieux-Marché-aux-Jambons avait été repris par la première enceinte communale du
XW siècle. Nous y mîmes au jour, à l'époque, trois tronçons de murs alignés parallèlement, l'un d'eux en opus spicatum, sans doute un vestigede I' enceinte épiscopale (section F, parcelles 50 m, 60 e, 64 d). Ces murs reposaient sur des batiments démolis d'époque romaine. Les travaux de 1977-1978 ont détruit des caves voûtées romanes et gothiques installées dans un épais remblai noiritre dont aucun document ne nous permet d'établir une chronologie absolue. Nous n'avons pu y localiser aucun tronçon de mur antérieur suscep-tible d'avoir fait partie d'une enceinte ou d'une tour d'époque carolingienne.
Nous n'avons eu le temps de prospeeter la portion norcl-est du chantier attenant à l'arrière de la rangée de maisons du Vieux-Marché-aux-Jambons, soit une superficie de quelque 30m2.
Le sol vierge formé de sable argileux, à 5 m sous le niveau du trottoir de la rue des Choraux, portait des traces d' accupation (fig. 26, en a) et était perturbé par des fosses remblayées (en b). Nousen avons vidé une de son remblai noir et gras avec des cendres de bois, guelques tuileaux et quelques tessons iniden-tifiables (fig. 26, coupes). Un premier remblai de teinte gris verdatre était venu comblerune excavation dont le profil évoque celui d'une toupie (fig. 26,
22 Nous exprimons notre reconnaissance au Frère Marc, qui nous donna l'autorisation de pénétrer sur Ie chantier, à M. A. Willocq, échevin des Travaux Publies de la viUe de Tournai, à M. J.Janssens des
entreprises Faviers à Pecq dont l'aide nous fut précieusc.
23 J. WARICHEZ, La cathédrale de Tournai et son chapitre, 1934, pl. Il et p. 11 et 103 a établi un tracé très
hypothétique de cette enceinte épiscopale avec sa Tour l'Evêque.
24 R. ROLLAND, Topographie tournaisienne gaUo-romaine et franque, Ann. Acad. roy. d'Arch. de Belg. 7• sér., 5, 1929,77-102.
TOURNAI, RUE DES CHORAUX 49
Rue de la Tête d' Argent Rue du Cygne
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0 2m ----=== = '50 TOURNAI, RUE DES CHORAUX
coupe C-D). Il avait été creusé à son tour pour faire place à une tranchée aux bords irréguliers destinée à atteindre un banc de terre plastique d'une épaisseur exceptionnelle, de 0,50 m à 0,70 m (eng), reposant sur des pierres calcaire très altérées au-dessus du banc de pierre. L'angle du chantier contingent à la parcelle 50 m recelait des traces d' accupation: piliers carrés de 0,20 m sur 0,20 m (en c), pieux circulaires en bois de 0,06 m de diamètre, traces d'un muret en pierres posées à sec orienté sud-ouest/nord-est (end) et une sole très abîmée de four de potier de 2,20 m de longueur et de même orientation (ene). Une couchede 1 cm d'épaisseur, formée d'argile cuite était posée sur le sol vier ge qui portait des traces rougies suite à la chaleur dégagée. D 'au tres indices de la présence d'un four d'époque romaine furent recueillis dans le remblai au-dessus du muret: fragments de parois bleuis ou rougis.
Le seul élément valable de datation recueilli est la moitié du bol Drag. 36 (en f), indice qui permettrait de placer 1' extraction et 1' exploitation de la terre plastique au début du
ue
siècle.Nous avons suivi avec diligence les travaux de terrassement de l'entre-prise et pu constater que la couche s'étendait en direction de la rue des Choraux mais qu'en certains endroits elle était restée intacte sous la couchede remblai noir avec tuileaux d'époque romaine.
Ce n'est pas la première fois que des fouilles font apparaître des traces de l'exploitation du sous-sol de Tournai à l'époque romaine. Rappelons !'indus-trie chaufournière au tour de la cathédrale (25) et I' extraction d'argile à la rue de
la Tête d'Or (Arch. Belg. 186, 76-79), activités remontant au début de l'occu-pation.
La recherche et la découverte suivie de l'exploitation au Haut-Empire d'un banc de terre plastique constitue la preuve d'une activité céramique dont il nous reste à découvrir le type de production. Nous pouvons faire état de rebuts, pièces gauchies ou surcuites de vases à bustes et de vases cultuels aux serpents dans des couches de remblai souslegrand ensemble de La Loucherie. La mise au jour de cette officine dont l'existence est attestée par la découverte de la rue des Choraux constitue dorénavant une des tiches sur le plan local que nous espérons mener à bien. C'est peut-être en direction du cimetière de la rue Perdue qu'il conviendrait de localiser cette industrie.
M. AMAND, H. LAMBERT
25
M. AMAND -I. EYKENS-DIERICKX, Tournai romain, Dissertationes Arch. Gandenses 5, Gent, 1960, pl. lil.