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Histoire et châteaux des apanages du Comté de Chiny (XIe-XIIIe s.)

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A. Matthys

HISTOIRE ET CHÁTEAUX DES APANAGES DU COMTÉ

DE CIDNY (XIe-XIIIe

s.)

1. Le comté de Chiny

Après les traités de Verdun (843), de Meersen (870) et de Ribemont (880), conséquences logiques du moreelkment du pouvoir carolingien, naissent des entités territoriales peu définies: on y trouve des principautés féodales, des constellations d' alleux et de fiefs de toutes sortes, prémisses de futures seigneuries. Ainsi entre 915 et 923, apparaît dans les textes, lepagus Evadiensis oulvotius. L. V anderkindere y voyait les limites du futur comté de Chiny, correspondant aux doyennés d'Yvois et de Juvigny. Cette possession de la maison d' Ardenoe-Verdun avait pour centre Yvois-Carignan et, ainsi que l'a clairement démontré A. Laret-Kayser, c'est de ce domaine, qu'est issu, en partie seulement, le comté de Chiny(1).

La tradition des historiens luxembourgeois: J. Sitart (1398-1400), D.J. Ber-tels (1605), H. Russel (vers 1630), J.F. Pierret (1736), P. Bertholet (1742), H. Goffinet (1880) faisant de Arnoul de Grandson le fondateur, en 941, du comté de Chiny s'avère fausse. Arnoul est un personnage mythique sorti de l'imagination des généalogistes du

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siècle (2).

Au total, trois dynasties se sont succédé à la tête du comté depuis ses origines jusqu'en 1364, année de son intégration dans le duché de Luxembourg. Faute de documents probants, les origines du comté restent obscuresetnes' appuient que sur la tradition et ses hypothèses. Que les comtes de Chiny tirent leur filiation des comtes de Warcq semble clair. En effet, Arnoul II, premier comte de Chiny à être cité dans les sourees diplomatiques vers 1060, puis à nouveau en 1066, porte

1 Afin de ne pas alourdir la bibliographie, nous renvoyons, pour chaque site, au rapport de fouille publié. Nosplus vifs remerciements vont à Mme A. Laret-Kayser qui a accepté de relire eet artiele en y apportant d'importantes précisions et à M.G. Hossey dont les travaux et les notes ont contribué largement à cette synthèse.

A. LARET-KAYSER, Le comté d'Ivoix au

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siècle, Rev. Belg. Philol. Hist. 57, 1979, 805-812. -Id., Entre Bar et Luxembourg: Ie comté de Chiny, des origines à 1300 (thèse doctorale inédite, Univ. Lib. Bruxelles) 1980/1981. -Id., Apanages comtaux au XIIIe siècle: le cas du comté de Chiny, Rev. Nord 44, 1982, 231-233.- A. MATTHYS et G. HossEY, Le castrum comtal de Chiny, Arch. Belg. 211, 1979. -Id., Le castrum des comtes de Chiny, dans Chiny: mille ans d'histoire, Chiny, 1980, 77-93.

2 A. LARET-KAYSER, Les prieurés hubertins de Prix, Sancy et Cons. Trois fondations d'initiative 1aïque, Cah. Hist. St Hubert d'Ard. 2, 1978, 28, notes 16, 21, 29.

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252 HISTOIRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY

également le titre de <<co mes de Ware he>> (3). 11 semble cependant vraisemblable que ce soit Otton, comte de Warcq cité en 969, qui aitjeté les bases du futur comté de Chiny. Ce mosan paraît déjà être en possession de biens fonciers sur la Semois. Une confirmation des avoirs de l'abbaye de Mouzon, faiteen 1023, mentionne la donation d'un manse à Orgeo, effectuée par Frédéric I de Bar, duc de Haute Lotharingie (965-978), << pour le repos de l'äme d'Otton >> (4). L'absence de titula-ture oe permet pas d'identifier avec certitude le personnage, mais il ne serait pas trop téméraire d'y voir Otton de Warcq, mort, dans cette hypothèse, avant 978. Les circonstances de son éventuelle installation sur la Semois sont très conjecturales; elles pourraient s'expliquer <<soit par le biais d'une union avantageuse, soit par celui d'une usurpation, édulcorée par l'assentiment- vraisemblablement mon-nayée par des biens de dépendance- des premiers ducs de Haute Lotharingie de la maison de Bar>> (5).

L'Historia monasterii Mosomensis, rédigée vers 1040, relate I' ineendie et la destruction du chäteau de Warcq en 971. Ce chäteau situé dans les marais, au confluent de la Sormonne avec la Meuse est assiégé par les milices d' Adalbéron, archevêque de Reims, et de son frère Godefroid le Captif et la description des fortifications est un exemple capital pour la castellologie de la fin du

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siècle(6 ). Cet événement aurait-il précipité le départ d'Otton de Warcq vers la Semois? 11 n'en abandonnera pas pour autant ses prétentions sur ses terres mosanes.

Le comté de Chiny serait donc une entité politique issue de 1 'uni on entre l'élément foncier et le bannum ou pouvoir public du comte, mais la carenee des textes ne permet pas de distinguer l'époque de son érection. Dans pareille hy-pothèse, le comté de Chiny oe serait pas non plus un comté in stricto sensu, ou le comte est délégué du pouvoir central, mais plutot un comté allodial taillé au creur même des fiscs royaux puis impériaux d'Orgeo, Chassepierre, Jamoigne, Lon-glier, Mellier et Anlier. Dans la mesure ou toutes les conditions de l'hypothèse seraient re roplies et seulement dans ce cas, le comté de Chiny trouverait son origine lointaine ou immédiate avant 978.

Après Otton I, les sourees narratives du milieu du

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siècle citent Louis I sous le titre de co mes chisniensis, maïs elles se réfèrent à un passé ou le merveilleux se mêle à la réalité. Leur succèdent Louis 11 et Amoul 11(1). Puis vintOtton 11, qui

3 G. CALMET, Histoire de Lorraine, preuves, Nancy, 1728, 451-452.- A. LARET-KAYSER, o.c., 26, note 7.

4 In villa que dicitur Urgon I fiscalurn mansurn quern dedit dux Fredericus pro anima Ottonis dans MGH DD. Reg. et Irnp. Gerrn. Henrici //, //I ed. Bresslau et H. Bloch, Hannover, 1900-1903, 628 (comm. A. Laret-Kayser, Bruxelles).

5 A. LARET-KAYSER, o.c., 29, note 20.

6 M. BUR, Recherches sur les plus anciennes mottes castrales de Champagne, Chiit. Gaillard 9-10, 1982, 57-58.

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IDSTOIRE ET CHÁ TEA UX OU COMTÉ DE CIDNY

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Fig. 1. Comté de Chiny vers 1300. Carte des apanages: 1. apanage de Chauvency-le-Chäteau; 2. apanage de Florenville; 3. apanage de Neufchäteau-Mellier; 4. apanage d' Orgeo ; 5. chäteaux ( d' après A. Laret-Kayser).

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254 HJSTOIRE ET CHÁTEAUX DU COMTÉ DE CIDNY

fixa la titulature de comte de Chiny et fut le premier à utiliser une chancellerie embryonnaire. Albert I et Louis lil prirent ensuite la tête du comté. Cette première dynastie s'éteignit avec Louis IV, décédé le 11 octobre 1226 sans héritier mäle. Le comté passa ensuite à Jeanne, la fille de Louis IV, qui vers 1220, avait épousé celui qui deviendrait Arnould Ill de Chiny et de Looz. Deux comtes se suivent dans cette nouvelle dynastie: Arnoul III, et Louis V.

C'est d'autre part durant cette période de transition que s'opéra un change-ment capital dans la politique comtale. Le centre ancien de Chiny est abandonné au profit de Montmédy, nouvelle capitale du comté (8 ). En 1301, Arnoul IV et son épouse Marguerite aceordent de nouveaux privilèges aux bourgeois de Chiny. Une seule allusion aux fortifications s'y trouve: « .•• et ne doibvent nosdits bourgeois ne

aides ne corvées en notredite ville et chastiau de Chiny, du rest à leurs bons plaisirs ... » (9).

En 1336, avec le décès de Louis VI, mort sans deseendance légitime, les comtés de Looz et de Chiny passèrent à son neveu Thierry, fils de sa sceur Marie de Vogelsang, elle-même épouse de Godefroid I de Heinsberg. Lui succédèrent Godefroid I de Dalembroek, Philippine de Fauquemont, veuve de Godefroid I, épouse de Jean de Salm, Godefroid 11 et Arnoul V d'Oreye oude Rummen.

Ce dernier vendit les demiers lambeaux du comté à Wenceslas de Luxem-bourg le 13 janvier 1364 (fig. 1).

2. Chiny

Dans son parcours entreMoyen et Lacuisine, la Semois effectue une première incursion à travers le massif schisteux de 1' Ardenne. Un seul bourg est arrosé par cette portion de rivière: Chiny (fig. 2).

La Semois y décrit un large méandre orienté vers le nord, que domine, à l'étranglement, un important massif situé à plus de 55 m au-dessus de la rivière et portant le castrum comtal.

La portion orientale de eet éperon est abrupte, surplombe la vallée et n'auto-rise aucune voie de communication. Par contre, les trois autres flancs, aux pentes moins raides, permettent le passage. Au nord, vers le moulin banal et l'intérieur du méandre, le relief mène vers une terre d'alluvions, riche en cultures. A l'est, la route conduit vers le pont Saint Nicolas, passage obligé en direction de I' Ardenne. Au sud enfin, l'accès naturel vers la ville s'ouvre largement sur la Gaume.

Si le témoignage des vestiges révélés dans les fouilles est capital et permet d'entrevoir l'organisation matérielle d'un castrum comtal important, I' étude de sa

8 H. RussEL, Historiola Chiniacensis. Brief recueil de la généalogie et successiondes comtes de Chiny (Arch. Et. Arlon).

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Fig. 2. Chiny, plan général des fouilles: 1. "Vivier" ou fossé; 2. tourelle occidentale; 3. rempart de barrage; 4. tour orientale; 5. enceinte castrale; 6. enceinte castrale et tour carrée; 7. chapelle castrale et "Vieux Cimetière" ; 8. don jon; 9. porte; 10. puits; 11. moulin.

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256 HISTOIRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY

topographie ancienne, au travers des textes souvent récents et de l'iconographie elle-même moderne, ouvre également quelques horizons. Faute d'éléments ar-chéologiques datés, la confrontation des données de l'histoire politique, institu-tionnelle et de la typologie générale de la fortification permet seule de dégager les lignes de force d'une chronologie.

C' est vraisemblablement dans les décennies qui ont précédé 1060 que Ie comte- peut-être déjà Otton I ou un de ses successeurs directs-a voulu affirmer son nouveau pouvoir camtal en construisant à Chiny, Ie cadre matériel nécessaire à sa nouvelle politique.

L'acte de fandation du prieuré de Ste Walburge, rédigé pendant la première moitié du

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siècle, reflète cependant une situation réelle figée en 1097 (1°). Ce document permet de suivre, en remontant Ie temps, les différentes étapes de l'initiative comtale primitive. La porte du castrum y est citée et elle assure l'existence de remparts. Le texte place dans !'ensemble fortifié, une aula comitis désignant, au XF siècle, un lieu de réuniondes assemblées tenues dans un centre comtal(11). Le castrum postule également, du moins en théorie, une résidence capable d'héberger, à titre permanent ou passager, Ie comte et sa suite. Ace titre, Chiny devait contenir une camera ou logement privé et, en outre, des édifices nécessaires à une communauté de fonctionnaires attachés à la personne du comte. Le texte définit cette résidence privée comme castrum, partie d'un ensemble plus vaste désigné sous Ie même vocable. Il établit aussi l'existence d'une chapelle castrale ou capella, située à proximité immédiate et en contrebas de la résidence fortifiée et élevée, dès la fin du

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siècle, au titre de prieuré placé sous la dépendance directe de la puissante abbaye de St Arnoul de Metz. Cette dualité au sein de la fortification se retrouve déjà en 969 dans la forteresse qu'Otton tenait à Warcq (12). Le centre camtal doit, en effet, répondre à plusieurs nécessités

s'éta-geant du profane au sacré. L'offre de proteetion militaire compense Ie prestige spirituel apporté par l'Eglise. Ces deux éléments vivent en symbiose, s'attirent et contribuent pour une grande part au renforcement du pouvoir seigneurial. Cam-ment expliquer au treCam-ment I' association fréquente en Haute et Basse Lotharingie d'une église, voire d'un prieuré, et d'un chàteau.

Le document arrête ainsi les composantes d'un topographie s'articulant au tour d'un siège seigneurial, d'un bàtiment écclésial et aussi d'un pont et d'un moulin. La conjonction de ces organes politiques, spirituels et économiques dans un site

10 A. LARET-KAYSER, Recherches sur la véracité de la charte de fondation du prieuré

Sainte-Walburge deChiny (1091),Ann.lnst. arch. Luxemb. 103-104, 1972-1973,89-112.

11 M. DE BouARD, La salieditede l'Echiquier, au chäteau de Caen,Med. Arch. 19, 1965,

66-67. - J. GARDELLES, Les palais dans l'Europe occidentale chrétienne du

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siècle, Cah. Civ. Med. 19, 1976, 115-134.

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HISTOIRE ET CHÀTEAUX OU COMTÉ DE CHINY 257

aux défenses naturelles d'une exceptionnelle qualité réunit les conditions de viabilité d 'un établissement comtal à Chiny.

Ces organes trouvent, pat ailleurs, leur exact parallèle dans un autre centrede comté lirnitrophe. En effet, Bouillon doté également d'une proteetion naturelle comptait, au moins avant 1069, une église, un pont, un four banal et peut-être aussi déjà un moulin, réunis à l'ombre d'une fortification maintenant disparue, elle

-même attestée avant 1044. Le parallélisme de ces éléments est troublant et leur conjonction semble bi en devoir conditionner 1' éclosion << urbaine >> dans cette région.

Les sourees écrites révèlent ainsi une image cohérente du Chiny de la fin du

xre

siècle et il n'est sans doute pas trop téméraire d'y voir Ie cadre OU évolue l'initiative comtale primitive.

Les restes matériels découverts lors des travaux entrepris par le Service national des Fouilles dans le sous-sol de Chiny pendant les campagnes successives de 1967, 1968, 1976 complètent cette vue peut-être trop théorique.

La proteetion du castrum primitif était assurée par un fossé taillé entièrement

dans le schiste, long de près de 170 m pour une largeur moyenne de 20 m et une profandeur variabie de 3 m à 3 m 50. Il barre complètement l' accès par le plateau et relie d'est en ouest les flancs abrupts que ronge la Semois (fig. 2, n° 1). Il est implanté à l'endroit même ou Ie méandre de la rivière rétrécit, là ou la longueur à creuser était minimale. A l'est, des remblais modemes combient partiellement son tracé et son profil anciens. A l'ouest, Ie fossé traverselelieu-dit << Devant la Tour>>

avant de se confondre avec le déversement du misseau du Vivy dans la Cote du Paradis.

Une levée de terre assurait la défense au-delà du fossé et barrait l'éperon sur toute sa largeur. Ce rempart est constitué d'un ensemble de couches de remblais obliques appuyées contre un front palissadé, dontIe parcours a pu être repéré, à 1' extrémité occidentale de la levée de barrage, au lieu-dit <<La Tour» (fig. 2, n° 2). U n alignement de quatre trous de pieux amorce le front; taillés dans la roe he, leur profandeur varie de 0 m 60 à 0 m 65, pour un diamètre à la base d' environ 0 m 50. Ces gros pieux, distants de 1 m 35 à 1 m 60, étaient reliés entre eux par des murets ou des poutres horizontales aujourd'hui disparues et destinées à contenir les terres du rempart.

Déjà en 1610 Bertels donnait Ie récit, appuyé sur la tradition, d'une fortifica-tion primitive établie sur un éperon rocheux, belle occasion pour les habitants de la région de s'établir autour de ce lieu; l'afflux nécessitant même, par la suite, une proteetion plus élaborée faitede murailles, fossés, porteset tours(13 ). La levée de terre palissadée est le premier signe tangible d'une fortification implantée sur Ie sol

13 D.J. BERTELLO, Historia Luxemburgensis seu Comentariis ... , Luxembourg, 1856, 144-145. (Cornrn. A. Laret-Kayser, Bruxelles).

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258 HISTOIRE ET CHÁTEAÜX OU COMTÉ DE CHINY

de Chiny, mais 1' absence totale de matériel stratigraphié ne permet pas de lui attribuer une chronologie absolue. La largeur du rempart atteint près de 11 m à la base et I' absence de berme entrele fossé et le front palissadé, du moins là ou les fouilles assurent leur parcours' seraient des caractéristiques des

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siè -cles(14). Y voir une manifestation du

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siècle finissant ressort à l'hypothèse.

Dans une phase ultérieure, les fortifications de terre et de bois sont abandon-nées et des constructions en matériaux durs sont mis en place. On y distingue différentes étapes. U n rempart de pierre vient remplacer Ie rempart de terre initial; 1' alignement des trous de pieux prirnitifs est, à cette occasion, retaillé en partie pour former une assise horizontale nécessaire pour aceroeher les fondations. Les trous de pieux avaient été, au préalable, comblés de terreet de déchets de taille noyés dans du mortier. Le nouveau rempart est large de 2 m à 2 m 30 et les pierres sont posées sans mortier, en arêtes de poisson. Cette muraille semble eosuite avoir reçu des organes de défense plus élaborés. A ses extrémités, on trouve une tour. A l'ouest, son souvenir est conservé dans deux lieux-dits: Devant la Tour etLa Tour. Les fouilles ont permis de découvrir la taille circulaire dans Ie schiste et les traces de mortier de la première assise de pierre, maintenant disparue, qui assure son contour (fig. 2, n° 2). Cette tour de forme semi-circulaire dont la plus grande largeur atteint 3 m, a des fondatlons larges de 0 m 75 et forme lacharnière entre !'enceinte castrale et Ie mur de barrage. A I' est, étaient conservés l'extrémité du rempart et l'amorce d'une autre tour semi-circulaire, de plus grande dimension, telle qu'elle apparaît d'ailleurs encore sur la gravure de Deventer, vers 1565. Ces demiers aménage -ments pourraient dater des années 1378-1379. Un compte de la recette de Chiny mentionneen effet d'importants travaux de maçonnerie et 1' « ouvrage» de Chiny nécessite durant eet exercice quatre cent tombereaux de pierre pour ériger un mur de près de 89 m de longueur(15). Nul doute qu'il s'agitlà d'une partie de I' enceinte.

Le << chäteau >> de Chiny, tant de fois cité et idéalisé souvent a vee un roman-tisme outrancier, n'est autre qu'une tour ou Wohnturm de pierre, perchée au sommet et à l'extrémité de l'éperon (fig. 2, n° 8).

C' est un refuge habitable remplaçant et réunissant les fonctions de 1 'aula et de la camera primitives. Construit en bordure immédiate de l'église priorale, il forme a vee celle-e i un ensemble homogène. Fort heureusement, la carte de Deventer nous Ie montre encore comme une habitation à vocation défensive ou les baies ne s'ouvrent qu'à une certaine hauteur. Il commande, de sa masse carrée, I' ensemble

14 W. HüBENER, Zu frühgeschichtlichen Wehranlagen,Praehist. Zeit. 41, 1963,58-61. 15 E. LIÉGEOIS, Comptes de la recette de Chiny pour l'année de 1378-1379, Ann. Inst. Arch. Luxemb. 44, 1909, 146 :It. pourfaire Ie premier chauffoir fait Ixey por I' ouvrage de Chiny .. . , 147 :Item pour400 cherées de pieres acheté àHustin de Ping, la cerée 2 d. Par.,

pour I' ouvrage de Chiny .. . , Item por 52 toixes de muer faites à Chiny par lehanAdelin de Coullemey et ses compaignons .. . , 151 :It. àlehanAdelin Ie masson, por 52 toixes de muer

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lllSTOIRE ET CHÁ TEAUX OU COMTÉ DE CHINY 259 du périmètre urbain. Ce donjon comtal ne peut être de beaucoup antérieur au

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siècle, mais la typologie est ici le seul critère de datation.

Un bàtiment contemporain occupe aujourd'hui !'emplacement de ce qui fut autrefois le creur du comté et une reconnaissance soignée du sous-sol n' a pu fournir d'éléments anciens. Du bàtiment leplus important de Chiny, il ne subsiste donc rien.

Contre I' enceinte castraleet à l'intérieur de celle-ci, un bàtiment carré, aux murs épais, laisse supposer une construction d'une certaine hauteur. Eloignée de la porteet de l'église, elle couvre un flanc déjà défendu à suffisance par la nature et sa fonction reste obscure (fig. 2, n° 6).

Très tot, semble-t-il, le centre ancien périclite mais il n'a plus à subir les transformations et les modernisations importantes qui auraient sans doute pour toujours défiguré son aspect premier.

Chiny semble bien, d'après A. Laret-Kayser, n'avoir été la résidence princi-pale du comte de Chiny que jusqu'à Albert (1131-1162). La fréquence des actes comtaux expédiés d'Yvois-Carignan durant la seconde moitié du

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siècle assure le choix d'un nouveau point de chute auquelle désir d' évoluer dans un milieu plus urbanisé n'est peut-être pas étranger.

Point n'est besoin de reehereher à Chiny l'empreinte du XIIIe siècle. A cette époque, un changement important s'opéra dans la politique seigneuriale et cette option nouvelle s'accélérera vers 1220, avec l'accession des Looz aux destinées du comté.

Cette politique trouve son expression matérielle dans un double phénomène: le glissement des eentres comtaux de Chiny et d' Yvois-Carignan vers Montmédy et l'éclatement dubloc domanial primitif en seigneuries cadettes données en apanage aux descendants directs de la familie comtale (fig. 1).

C'est entre 1220 et 1239 que la roche de Médy aurait été fortifiée par les comtes de Chiny Louis IV et Arnoul III. En effet, la désignation de castrum apparaît pour la première fois dans la charte d'affranchissement accordée, le 22 juin 1239, par Arnoul Hl, comte de Looz et de Chiny(16 ). C'est une charte de peuplement inspirée du droit de Beaumont, qui par ses libéralités s' efforce d' attirer la population pour construire une << ville neuve >> réunissant Bas et

Médy-Haut.

Les restes du chàteau du XIIIe siècle ont été englobés dans la citadelle de Charles-Quint (1 7).

16 M. W ALRAET, Franchises et libertés de Gaume. Les chartes de Breux et de Montmédy (9

déc. 1238 et 21 juin 1239),Le Pays Gaumais 5 (1944) 4-16 :Insuperdedi et concessi talem libertatem burgensibus commorantibus in castrode Montmédy.

17 Cesvestigesse trouvent près dubastion Graillé ( comm. M. Y grec, Montmédy). Cf aussi

les fouilles deP. KAUFFMANN etS. FAROULDE dansLe Pays Lorrain 50, 1969, 140 (comm. A. Laret-Kayser, Bruxelles).

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260 lllSTOIRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY

3. Meilier

Meilier constitue peut-être Ie premier et Ie plus ancien des démembrements du comté de Chiny (fig. 1 et 3).

Hu go de Meilier y apparaît vers 1060 comme premier seigneur connu (18). Pils du comte Louis I ou Louis II de Chiny, i1 aurait reçu cette seigneurie en apanage foncier. Mort sans postérité, Ie domaine aurait fait retour au comté. Ceci permet-trait d'expliquer l'interruption pendant plus d'un siècle dans la généalogie des seigneurs de Mellier. Suivent alors Thierry (1199-1207), frère cadet du comte Louis III et fils d' Albert de Chiny, Hugues II (1221-1224), Thibaut (1224-1271), Amoul (1278), Thibaut II (1300-av. 1305) et Jacques. Ce dernier clöt la listede cette familie seigneuriale, mais les auteurs attribuent généralement à Thibaut II cité pour la demière fois en 1271, I' abandon du chäteau. << Brisé >>en 1268 par le comte de Luxembourg, lors de la guerre de Ligny, il apparaîtra cependant eneare avec un Eertrand de Mellier, cité en 1304, et ses fils « Gillet et ColZin de Mailiers,frères,

qui avoient une forte maison dedans lefort du chasteau de Mailier » (19 ).

Dès 1199, Thierry de Meilier est cité aussi comme seigneur de Neufchäteau. Depuis, les destinées des deux localités resteront unies et lors de l'extinction de la branche des Mellier, ce seroot les comtes de Looz-Chiny puis de Looz-Agimont qui posséderont la Terre.

Les travaux de 1982 ont permis au Service national des Po uilles de localiser le chäteau seigneurial éponyme (2°).

Au confluent de la Meilier et du ruisseau de Botémont se dresse, au nord du village, entre I' église et la vallée principale, la colline fortifiée du << Haut de la Cour>>.

Le site présente, au sommet, un plateau triangulaire, allongé vers Ie nord, aux dimensions maximales de 100 m sur 86 m. A peu près au milieu de 1' ensemble se dresse une motte circulaire, haute encore de 3 m 70 pour un diamètre à la base de 37 m 20; elle était surmontée autrefois d'une tour.

Le reste du plateau formait la basse-cour et au début du XIVe siècle, on y décrivait encore « une forte maison dedans lefort du chasteau de Mailier, avec

granges, estables et bouverie et fourny et aussi courtillages et le tout de dans le dit fort .... » (21).

18 A. GEUBEL et L. GouRDET,Histoire duPays de Neufcháteau, Gembloux, 1958, 54-57.

- J. VANNÉRUS, Les seigneurs de Mellier, Neufchäteau et Falkenstein, Ann. Inst. Arch. Luxemb. 42, 1907, 301-340.

19 Arch. Et. Arlon, ms Welter, I, 685-687 (comrn. P. Hannick, Arlon). - G. KuRTH,

Chartes de l'abbaye de Saint-Hubert en Ardenne, dans Bull. comm. r. Bist. I, 1903,

451-453.

20 A. MATIHYS et H. GRATIA, La fortification du <<Haut de la Cour>> à Mellier, dans

Conspec7us MCMUOOUI, Arch. Belg. 53, 1983 (à paraître).

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~-=-=-..::~o.o.--Fig. 3. Les chäteau des seigneuries apanagées: I. Mellier; 2. Neufchäteau (d'après A. Geubel et L. Gourdet); 3. Herbeumont; 4. Florenville; 5. Chassepierre; 6. Cugnon; 7. Chauvency-le-Chäteau.

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262 HISTOIRE ET CHÁ TEAUX OU COMTÉ DE CHINY

En outre, à quelques mètres de la motte et en contrebas du site, s'élevaitjadis une chapelle, démolie en 1842 au moment de la construction de l'église paroissiale actuelle. Cette chapelle était consacrée à saint Pierreet est déjà citée en 1304(22).

Un rempart encore bien visible à l'est et au sud, entourait !'ensemble du plateau. Au nord, la pointe aménagée et recoupée forme un rempart en derni-lune,

doublé du F ossé Lambert.

La topographie a, ici comme ailleurs, commandé la situation de l'entrée. Seul le flanc méridional s'ouvrait sur une pente assez douce pour permettre l'accès. Cette porte semble formée par le retour du rempart vers 1' intérieur de 1' ouvrage. Ce dispositif définit ainsi un couloir d'entrée de type Zangentor dont les fouilles futures tenteroot de restituer le plan et les étapes chronologiques.

L'ensemble se définit, du moins dans une de ses phases, comme une motte implantée au milieu d'une basse-cour entourée de remparts, cas relativement peu fréquent dans la typologie des fortifications(23 ).

Les travaux de 1982 visaient à étudier la motte et sa tour et, en corollaire, l'habitat antérieur engagé sous elles.

La motte et son donjon furent établis sur un habitat manurnental construit sur une butte naturelle de schiste, aménagée en forme de calotte et émergeant du plateau environnant sur près de 2 m.

Les murs découverts sont larges de près de 2 m 73 et ils appartiennent selon toute vraisemblance au Maslario publico palatio cité dans un actede 763, lorsque Pépin le Bref aceorde l'immunité à l'abbaye de Prüm. Le matérief carolingien retrouvé dans les démolitions de l'édifice, est identique aux vestiges carolingiens d'Harnipré- distant de 8 km 500 à peine- et peut être daté, d'après l'analyse du C14 contenu dans le charbon de bois associé, entre 585-785 et 640-755. La partie la plus récente de la calibration trouvant un écho dans le texte de 763.

Le donjon à motte de Meilier apparaît dans une description tardive. Selon un témoignage antérieur à 1737, il y avait ''dans le centre le reste d' une vieille tour quarrée qui aux dires des anciens a été fort haute» (24 ).

En effet, le donjon découvert affecte la forme d'un carré de 12 m de cöté pour des mesures internes de 8 m sur 8 m. Les murs sont fort épais et dépassent parfois les 2 m; ils sont élevés sans mortier, en dalles de schiste.

Dans une phase suivante, mais immédiatement après la construction du donjon, la base de la tour est emmottée. Le déroulement des travaux est ici très clair.

Un fossé circulaire, au diamètre extérieur proche de 46 met large de 6 m, à

22 A. GEUBEL et L. GoURDET, o.c., 248.- G. KuRTH, o.c., 451-453.

23 H. HINz, Motte und Donjon, zur Frühgeschichte der mittelalterlichen Adelsburg, dans Zeitschr.f. Arch. Mittelalt., Beih. I, Köln, 1981, 16 et fig. 6, p. 15.

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HISTOJRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY 263

fond plat et peu profond, est creusé tout autour de !'habitat seigneurial. Les plaquettes de schiste provenant de la taille sont rejetées vers l'intérieur du cercle jusqu' à former une enceinte annulaire de 4 m de largeur à la base pour une hauteur de 1 m. Des charretées de déchets de taille, provenant peut-être d'une carrière proche ou furent préparées les pierres du donjon, ont été jetées du haut de ce petit rempart circulaire vers les bases de la tour. Les déversements successifs produisant ainsi des couches obliques et parallèles dont la pente est opposée au pendage normal de la motte.

Dans la coupe pratiquée, cinq déversements s'étagent ainsi etentravent Ie glissement des remblais sur eux-mêmes et le comblement du fossé à échéance rapprochée. Le profil dégagé montre nettement une plate-forme de circulation aménagée entre Ie fossé et Ie pied de la butte.

Le matériel archéologique découvert dans Ie fossé appartient à la céramique de type d' Andenne et à ses irnitations locales ( v. 107 5-117 5). Il ne semble donc pas trop téméraire d'attribuer la construction du donjon à Hugo de Mellier; il existe avec Thierry, à la fin du XIIe siècle. Des fouilles complémentaires devront néanmoins étayer l'hypothèse.

4. Neufchäteau

La réunion des anciens eentres domaniaux carolingiens de Meilier et de Longlier débouche sur la création de la seigneurie de Neufchäteau (25 ) (fig. 1 et 3). Les Meilier, soit Hu go, connu vers 1060, ou Thierry (1171-1207) auraient mis la main sur Longlier, par Ie biais d'une avouerie sur le prieuré de l'abbaye de Florennes, établi vers Ie rnileu du

xre

siècle à cöté de l'église-mère de Longlier.

A. Geubel et L. Gourdet ont tenté de définir l'évolution castrale de la seigneurie. En partant de Meilier avec son donjon primitif, ils voient dans le Vieux Chateau situé entre Neufchäteau et Longlier, un chaînon intermédiaire précédant Ie Novum Castellum. Ce serait là un premierappui fortifié enTerrede Neufchäteau,

soutien de leur avouerie face au prieuré de Longlier.

La fortification occupe une arête rocheuse, au lieu-ditAux Roches. S'étalant

du sud au nord, des flancs abruptsla protègentà l'estcomme à l'ouest. Deux fossés barrent 1' éperon et son accès naturel. Des restes de caves et de murs d' enceinte laissent augurer de son importance déjà oubliée en 1609. A cette date, la carte d' Arenberg renseigne un Vieux chesteaux ruines.

Les sondages pratiqués en 1939 faciliteront certainement les recherches futures (26).

La forteresse de Neufchäteau existe avant 1199, à cette date Thierry de

25 A. ÜEUBEL et L. GouRDET, o.c., 36-38.

(14)

264 HISTOIRE ET CHÀTEAUX DU COMTÉ DE CHINY

Meilier, vir nobi/is de la maison de Chiny, propre frère du comte Louis III, donne à

l'abbaye de Saint-Hubert une rente sur son moulin situé «ante Novum Castelfurn".

Son fils Hugues transmettra la seigneurie à son fils, de son vivant et dès 1224, Thibaut pourra ainsi se parer du titre desegnor de Nofchastel. Arnoul, Thibaut II et Jacques lui succèdent. Thibaut meurt sans héritier avant 1305, la Terre de Neuf-chäteau fit alors retour au domaine camtal d' Arnoul IV de Chiny et de Looz.

La nouvelle fortification occupe un promontoire élevé, aux pentes raides, enclavé dans un méandre du misseau de Neufchäteau. Le seul accès possible s'ouvre au nord. L'iconographie récente de la carte d' Arenberg en 1609 et du Castrum desolationis dû à la plumede Louis de Frahan en 1657 ,combinée aux découvertes anciennes et aux vestiges monumentaux eneare visibles aujourd'hui

ont permis à A. Geubel et L. Gourdet de reconstituer un plan sommaire de

!'ensemble castral(27).

Le chäteau est précédé, au sud, d'une basse-cour, terrasse enclose en forme de rectangle et donnant l'accès. La forteresse affecte la forme d'un parallélogramme flanqué de tours d'angle dont l'une, au sud-est, s'affirme par son importance; c'est le donjon des textes. Une cinquième tour enclavée dans la muraille méridionale protège l' entrée. Le bätiment concentre, le long de la face intérieure des courtines, !'habitat seigneurial, la chapelle castraleet des communs plus récents. Au sud et en contrebas, s'ouvre la basse-cour enclose dans une vaste enceinte polygonale qu'un fossé sépare du chäteau. Elle s'articule autour d'une tour carrée chevillée à la tête du promontoire; quatre tours circulaires flanquent à suffisance Jes courtines. Elle recèle les dépendances dont la bergerie et le puits couvert.

5. Herbeumoot

L'érosion a respecté cette butte de schiste et l'a laissée isolée au milieu de la vallée. La découverte est brutale quand on l'aperçoit dressée sur la plaine, puis-sante et écrapuis-sante. Cette position permet 1' observation; elle verrouille et cam-mande la voie naturelle ou les routes se cötoient en un étroit passage, caractère de nécessité dans un pays de vallées qui seules permettent les communications. La fortification controle, à ses pieds, le carrefour de deux chemins venant de France pour gagner le nord, par Neufchäteau: l'un de Sedan par Bouillon et le gué des Manhelles, l'autre d'Yvois-Carignan, par le gué du Moulin (fig. 1 & 3).

Le Service national des Fouilles entreprit, de 1973 à 1976, quatre campagnes de fouilles qui devaient aboutir à la mise en valeur des ruines (28).

Le chäteau est construit au sommet d'une colline escarpée, à J'extrémité d'une

27 Ibid., 39-40 et 90-108.

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IDSTOIRE ET CHÁ TEAUX OU COMTÉ DE CHINY 265

crête roeheuse épargnée par la Semois qu'il domine de plus de 111 m. II occupe l'étranglement d'un méandre de la rivière, étalé vers Ie sud et domine le village, niché en bordure immédiate sur la même terrasse, vers Ie nord.

La construction du chäteau se place après 1268. Cette année là, Jehan de Roehefort et ses frères affranchissent le ban et la ville d' Herbeumant à la loi de Beaumont. II aceorde les libéralités d'usage « ..• sauffz ce que Jehan y retienct la

roche tout entièrement pour y faire ma maison». Ce toponyme actuellement disparu, désigne la colline du chäteau, auquel mène encore une rue de la Roche, seul vestige de 1' appelation ancienne.

Le site naturel primitif a été profondément remanié au cours des äges, mais certains témoins, encore visibles aujourd'hui, permettent de reconstituer sans trop de difficultés, l'aspectprimitif de l'environnement tel qu'ont dû levoir les premiers bätisseurs. U ne coupe transversale dans le sens est-ouest permet de reconnaître une crête roeheuse à dorsale très étroite et aiguë, allongée dans le sens nord-sud, débouchant sur une forte pente. Cette crête, sans largeur ni assise suffisantes, ne se prêtait pas à recevoir une construction aussi imposante que Ie chäteau d'Herbeu-mont. Aussi fallut-il procéder obligatoirement à des travaux importants de terras-sement et créer, au sommet de eet éperon, un plateau artificiel. Et si à I' est, les murs sont assis directement sur Ie banc rocheux, à l'ouest par contre, la cour du chäteau est formée de remblais déposés sur la pente originelle et contenus par la courtine appuyée fort bas sur la roche en place. Les premiers déblais proviennent de l'arasement de la crête, mais c'est surtout Ie creusement des fossés, à l'est et au nord, taillés dans Ie banc rocheux qui, non seulement ont fourni les déchets nécessaires au remblai de la partie centrale du chäteau qui devait devenir plus tard la cour, mais qui donnèrent également les matériaux indispensables à la construc-tion elle-même.

Le remblai est formé de couches horizontales successives de déchets de taille et de terre. L'absence de matériel archéologique montre que les travaux d'aména-gement ont été réalisés en une seule étape et procèdent de ce fait d'une volonté de faire ceuvre d'envergure.

La forteresse joignait à une situation topographique idéale un puissant appa-reil de fortifications. On y accède par un chemin dont la pente raide débouche sur des douves abruptes.De la disposition du pont primitif, passerelle ou pont-levis, on ne sait rien. Les textes ne sont explicites qu'aux XVF et XVIIe siècles.

Dès le début, Ie plan d'ensemble du chäteau s'avère homogène et la relative complexité de son organisation témoigne de !'intelligente compréhension de la topographie particulière au site. Au sud et à l'ouest, les pentes raides assurent une sécurité naturelle; à l'est, Ie faible relief et la proximité de !'habitat villageois ont dicté ~e creusement des fossés qui se prolongent devant l'entrée, au nord, pour se perdre dans la pente occidentale.

Le plan général s'inscrit dans un trapèze irrégulier au tracé ferme. II groupe sept tours: face à l'entrée, un puissant donjon reetangulaire commande ledehors et

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266 HISTOIRE ET CHÁ TEAUX DU COMTÉ DE CHINY

le dedans, trois petites tours pleines arment les angles, trois autres marquent et flanquent l' enceinte à l' est. Les courtin es entourent et protègent une vaste cour que regardent les bätiments d'habitation distribués d'une façon rationnelle. La multi-plication des tours et I' apparente disproportion des éléments de défense distribués, en fait, selon les besoins spécifiques de chaque courtine, démontrent la logique de l'organisation primitive et de l'adaptation de la construction au terrain, à sa situation et à sa finalité.

L'entrée présente un double front de défense. Un mur, en grande partie détruit, recevait l'assaillant au débouché du pont et formait une pièce accolée à I' enceinte, près de la véritable entrée. La porte charretière, large d'à peine 2 m 35, était défendue par un vantail qu'assurait une poutre glissée dans l'épaisseur de la maçonnerie.

L'accès se trouvait pris entre deux tours; à gauche, un puissant donjon rectangulaire, légèrement irrégulier, aux dimensions maximales de 12 m30 sur 11 m 30, étonne par sa massivité. Sa hauteur originelle ne peut être supputée, mais elle atteint encore maintenant 8 m 30. Il commandait la fortification entière et contenait une pièce aveugle de petites dimensions, 3 m 25 sur 3 m, sans accès possible, sinon par Ie haut des superstructures malheureusement détruites. Une tourelk-contrefort marque son angle. L'ensemble est assis sur le roe, au point le plus exposé, pour y concentrer la défense sans possibilité de sape.

A droite en entrant, une tour à base pleine, au diamètre de 3 m40, cantonne l'angle nord-ouest du chäteau et si sa faible saillie flanque imparfaitement le front, elle permet néanmoins de croiser le tir avec celui du donjon. Une tourelle identi-que, au diamètre de 3 m, se retrouve à I'angle sud-ouest. Peu avant l'angle sud-est, une petite tour, également pleine jaillit du front sur 1 m 20; peu flanquante, elle ne couvre que très imparfaitement une courtine armée à suffisance par les pentes naturelles.

A l'est, c'est une suite de tours rapprochées, l'intervalle à flanquer ne dépassant jamais 9 m 50. Leur saillie est plus importante et atteint 2 m. Des contreforts ajoutent à leur puissance. De plus, une tourelle, creuse cette fois, établie à mi-pente de 1' escarpe, protège de son archère le bas des murailles. L' accès se fait à partir de la cour, par une porte dotée d'une poutre decalage glissée dans l'épaisseur de la maçonnerie et par un escalier. Cette tour débouche également sur une pièce accolée au donjon.

A l'intérieur de la fortification, les quelques pans de murs reliés à la courtine prirnitive se groupent contre la courtine occidentale. Ils sont assemblés au moyen d'argile et sont plus épais à mesure que l'on s'éloigne de la cour. Ils ne dessinent plus de plan précis et n'offrent qu'une idée imparfaite des conditions de l'habitat des premiers temps. Ils déterminent cependant la disposition des bätiments des périodes postérieures: divisions parallèles appuyées contre les remparts. A ces quelques vestiges, il faut peut-être aussi ajouter un étroit conduit percé à travers la

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HISTOIRE ET CHÁ TEAUX OU COMTÉ DE CHINY 267

salie haute qui l'ont oblitérée. I1 indique peut-être la présence d'autres bätiments dans la partie nord-ouest de la cour.

Si les éléments du plan du chäteau primitif se distinguent avec netteté, l'élévation, par contre, se reeonstime avec difficulté. Rien ne permet de disposer , les ouvertures, ni de connaître l'aspect des étages. Le problème de l'accès aux

courtines et au donjon reste également sans solution.

A l'entrée, un tronçon de mur prirnitif monte jusqu'à une hauteur de 3 m 13,

pour ensuite être recouvert d'une maçonnerie plus récente. La courtine devait cependant être plus haute, à l'origine, et il semble plutot que le mauvais état de cette muraille ait nécessité la démolition partielle de ses superstructures avant de servir d'assise aux constructions nouvelles.

Au sud-est, la tourelle primitive atteint encore une hauteur de 11 m, maïs les tours dominaient vraisemblablement les courtines et la hauteur des premières ne peut servir à fixer la hauteur des secondes. La définition de la hauteur initiale du chäteau reste donc problématique.

Quelques tessons de poteries confirment la chronologie fournie par les textes. Il s'agit de céramique importée des eentres mosans de type d' Andenne, bien datables entre 1225-1300; un tesson decruche produite dans le Limbourg hollan-dais, à Schinveld-Brunssum, entre 1275-1300, précise encore cette datation. Quelques fragments d'un couvre-feu, en usage pendant la première moitié du XIVe

siècle, complètent les trouvailles les plus anciennes. lei comme ailleurs, les objets trouvés sur le site se rapportent, pour leur plus grande part, à la période d' abandon; les trouvailles contemporaines de la fandation ou même de la première accupation sont rarissimes.

Jusqu'au xme siècle, le village d'Herbeumont faisait partie intégrante d'une entité territoriale, économique et religieuse dont le centre vital se situait à Orgeo et qui, depuis la fin du xe OU le début du XIe siècle, relevait du comté de Chiny 0

V ers 1200, Thierry II de Walcourt épouse Gertrude, fille de Louis II, comte de Chiny. Par ce mariage, les terrae Urgeon passent du patrimoine chinien dans cel ui des W alcourt. Leur succède leur fils unique Gilles de Walcourt (1221-124 7). A la génération suivante, le patrimoine de la maison de Walcourt fut partagé. Le doq1aine principal a vee Roehefort comme centre échut à Thierry, tandis que les domaines excentriques d'Orgeo et de Chäteau-Thierry furent cédés en apanage indivis à Jehan, Jacques et Gilles. C'est du moins ce qui apparaît dans la charte datée de 1268, par laquelle les trois frères affranchissent Herbeumant à la loi de Beaumont. Cet acte diplomatique consacre ainsi l'éclatement des Terres d'Orgeo différenciées par la suite en Band' Orgeo et Ban et ville d' Herbeumont. Ainsi donc, 1268 marque l'érection d'Herbeumont en seigneurie autonome, événement qui précède de peu la construction du chäteau.

29 Original perdu dontil restait deux copies perdues, datées de 1325 et 1560. De cette dernière, brûlée en 1914, il reste une photographie (conun. R. Boulanger, Herbeumont).

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268 HISTOIRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY

6. Florenville

Le chäteau de la Coue est établi entre la Semois et 1' ancienne route menant de Florenville à Martué (fig. 1 & 3).

Ce sont les documents d'archives, heureusement nombreux qui, par leur description topographique précise, ont permis la localisation du chäteau. Les textes parient là ou le paysage n'est pas assez explicite. Cependant, la sécheresse exceptionnelle de 1976 réunit les conditions favorables à l'apparition des vestiges du chäteau. La photographie aérienne, réalisée à cette occasion, ne révéla malheu-reusement pas d'autres traces que celles déjà consignées lors des travaux du Service national des Fouilles en 1971 (fig. 4)(30).

Le plan général du chäteau reste simple. Il se campose essentieHement d'un système défensif de fossés alimentés par la Semois qui enserre les courtines de plan légèrement trapézoïdal de 55 x 46 m 50 x 44 m 50. Les organes de flanquement sont assurés par des tours: circulaire à I' angle nord, elliptiques aux angles sud-ouest et sud. L'entrée est ménagée au nord, entre une volumineuse tour d'angle et un donjon reetangulaire; un pont dont les piles ont été retrouvées y donnait accès. Le corps de logis, très réduit, était réservé contre le front nord-ouest et dégageait ainsi la cour.

Les douves enserrent le chäteau de toutes parts, elles sont creusées à quelque

Fig. 4. Florenville. Le jaunissement plus rapide de l'herbe au niveau des fondations trahit le plan du chäteau. Les fossés comblés de matériaux de démolition enserrent les courtines et les tours et apparaissent en clair (Photo A. Matthys, été 1976).

30 A. MATTHYS et J. DERÉMONT,Le cháteau des seigneurs de Florenville, Arch. Belg. 139, 1972.

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HISTOIRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY 269

distance des murs et ne baignent doncpasla maçonnerie. Le fossé, face à la Semois

a une largeur de 4 m 50 à 4 m 70. Le fossé sud-est a environ 13 m de largeur et est

creusé à 3 m 50 de la base des murs. Les fossés nord-ouest sont larges de 10 m 50 et comptent trois périodes de creusement. Des fossés protégeaient également le mur

nord-ouest, sur une largeur allant de lOm à 14m40.

Les murs sont généralement conservés à 1 'état de traces négatives de largeur irrégulière. La maçonnerie, conservée en de rares endroits, devait avoir une largeur

de 2 m 50. Elle était composée de bloes de grès calcarifère et les parements étaient

soignés.

La tour circulaire septentrionale, seul élément relativement bien conservé du chäteau, a un diamètre interne de 3m60 pour un diamètre externe de 10m40. L'épaisseur des murs atteignait ainsi 3 m40.

Une seconde tour de plan légèrement trapézoïdal, flanque aux trois quarts 1' extérieur de la courtine nord-ouest, le quart restant empiète sur la cour intérieure. Cette tour- un donjon par son importance- réserve un espace intérieur reetan-gulaire de 6 m 80 sur 4 m. L'épaisseur vers l'extérieur est de 3 m; sur les cötés elle atteint 2 m 50 et vers la cour 1 m 70.

La tour méridionale a un diamètre externe de 8 m 50. La tour occidentale réserve un espace intérieur elliptique de 4 m 80 sur 3 m 50, entre des murs épais de 2m50.

L'entrée étonne par ses proportions imposantes. Un couloir empierré de

galets, long de 9 met légèrement trapézoïdal pour une largeur de 2 m 60 au début,

débouche dans la cour intérieure a vee une largeur de 3 m 30. Cet accès est compris entre la tour circulaire septentrionale, déjà plus large et plus épaisse que les autres, et Ie donjon rectangulaire.

Devant Ie couloir d'accès ont été retrouvées, en partie construites dans Ie fossé, quatre piles de pont.

La grande salie ou corps de logis avait des dirnensions restreintes. De plan rectangulaire, elle forme un bätiment de 12 m40 sur 7 m 50 dont l'entrée semble avoir été ménagée au sud-ouest et est divisée par une pile reetangulaire ouvrant ainsi deux portes larges d'1m70. L'espace interne est de 9m40 sur 6m25.

La cour intérieure a comme dimensions 50 m

x

41 m 50

x

39 m 50. Etablie sur

un sous-sol marécageux, elle était draînée, ainsi que Ie montrent des petits fossés et un canal d'écoulement, en pierres sèches, qui dévalent en pente douce vers le fossé

longeant la Semois.

En 1226, Louis IV dit le Jeune, comte de Chiny, meurt sans héritier mäle. Le

patrimoine familial est alors partagé entre ses trois filles(31). L'aînée Jeanne

31 R. PETIT, La charte d'affranchissement de Florenville (24 juin 1973), dans Florenville,

expos. 700e anniv. del' affranchissementaudroitde Beaumont(l273-1973 ), Virton, 1973, 40-66.

(20)

270 HISTOIRE ET CHÀTEAUX OU COMTÉ DE CHINY

conserve l'essentiel du comté qu'elle apporte en dot à son époux Arnoul III de Chiny-Looz. Des apanages importants se détachent cependant dubloc patrimonia! au profit des autres sreurs. Agnès aura la marche mosane de Givet-Agimont. Tandis qu'Isabelle héritera avec son époux Otton de Trazegnies, entre 1230 et 1241, d 'une entité territoriale centrée sur Florenville et comprenant les terres de Martué, Chassepierre, Sainte-Cécile, Fontenoille, Mortehan et Cugnon. La nou-velle assise territoriale ne comprenant pas moins de 9000 hectares.

Otton et Isabelle eurent si x enfants connus, dont 1' aîné, Jean 1' Ardennois, sire de Florenville et Agnès, sa femme, affranchissent notre ville de Florenville. Ils retiennent « ... douse jours devant nostre maison près du gardin .... et doivent avoir en accroissement de leurs prés ... le pakis qui est entre maison et molin ... ".

La charte ajoute que les bourgeois de Florenville aideront à entretenir et réparer les hourds du chäteau, ainsi que les murailles, quand le besoin s'en fera sentir.

Jean 1' Ardennois eut au moins trois enfants, dont Arnoul qui lui succéda à Florenville, Jehan qui affranchit Martué avec sa femme Isabelle, le 10 octobre 1327, et Gérard de Florenville, dit aussi li Ardennois qui mourut à la bataille de Stavoren le 26 septembre 1345.

Gérard eut notamment un fils, Gérard 11 de Florenville, écuyer et époux de Marie de Limbourg. C'est Ie dernier seigneur connu de cette première race des Trazegnies-Florenville.

La création de la seigneurie entre 1230 et 1241 correspond peut-être à la construction du chäteau. Les sourees archéologiques et l'éconornie générale du plan concordent sur ce point.

Une charte expédiée de Florenville entre 1145 et 1162 par le comte Albert de Chiny suggère à A. Laret-Kayser l'existence possible d'une demeure seigneuriale inconnue à ce jour(32). Quelques arguments historiques et topographiques vien-nent renforcer l'hypothèse. Le chäteau des Florenville-Trazegnies est curieuse-rneut établi à quelque distance de la localité, dans les prairies basses de la Semois que commande l'éperon ou s'accroche la villette. La morphologie du site se retrouve toute entière à Chiny et à Neufchäteau et c'est tout naturellement à la tête du promontoire qu'aurait dû s'élever un donjon, là ou aujourd'hui encore dornine l'église. Au XVIe siècle, un chäteau modeste occupait encore ce site. Un texte de 1609 y renseigne « ... une masure ou souloyt la forte maison séant devant l' égli-se ... » (33 ). Plus tard, en 1607, le souverain des Pays Bas autorise Beaudouin de Monflin à tenir en fief « •.. certaine maison et pourprins gisant à Florenville lez

32 A. LARET-KAYSER, Entre Bar et Luxembourg ... I, 93 et II, 124, note 3.

33 Arch. Gén. Roy.,Acquits de la chambre des comptes, n° 154 (comrn. J. de Rémont,

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HISTOIRE ET CHÁTEAUX OU COMTÉ DE CHINY 271

l' église ... » (34). Une requête analogue avait été intraduite 55 ans auparavant, mais

le décès de l'expéditeur avait mis fin au débat. L'année 1552 apparaît donc comme la plus ancienne mention connue de cette maison-forte. Reeuier sa construction jusqu'au Xlle siècle est impossible sans fouilles OU autres documents.

7. Chassepierre

Planté sur un éperon, au bas d'une vallée reliant leplateau de Florenville à la Semois, le chäteau de Chassepierre contrölait un axe naturel et un nreud routier importants (fig. 1 & 3).

Ses bätiments fort perturbés par I' habitat actuel, ont laissé leurs traces dans le cadastre et s' inscrivent au centre du village, dans un quartier dénommé LaF orte-resse entre la route de Sainte-Cécile et une rue appelée autrefoisDerrière la Tour.

Le Service national des Fouilles y travailla en 197 5 (35).

"" La forteresse dessine un quadrilatère irrégulier de 45 m sur 33 met comptait au moins quatre tours d'angle à I' origine. L'ensemble était construit en moellans de grès jurassique soigneusement appareillés.

Les vestiges les mieux conservés se situent sur le flanc nord-ouest et permet-tent de situer les principaux éléments de sa structure. Dans la courtine se dessine encore un couloir en chicane qui donnait accès à la tour occidentale. Celle-ci a un diamètre de 9 m 20. La tour septentrionale a subsisté jusqu 'en 1825, date de sa démolition; jusqu' alors elle avait conservé une hauteur de près de 9 m pour un diamètre de 10 m 40. Cette tour abritait une cave voûtée en plein cintre de 6 m 20 sur 4 m 50. Une couverture dans la voûte permettait, à partirdes étages supérieurs, de puiser l'eau d'un puits aménagé dans le sol en terre battue.

Un mur construit en avant de la courtine, à 4 m 20 de distance, assure la présence d'une terrasse ceinturant le chäteau; il s'agit ici de I' escarpe d'un fossé. Quant au massif de maçonnerie compris entre la courtine et !'escarpe, il peut s'interpréter comme une pile de pont-levis.

La courtine orientale est encóre conservée dans une arrière-cour, sur une hauteur de 3 m 80 contre terrasse. Au sud, !'enceinte fut repérée dans les caves d'une maison. A l'ouest, ce sont les travaux de nivellement qui ont mis à nu les assises supérieures du rempart.

Outre les deux tours repérées dans les sondages, il apparaît clairement que la chäteau était flanqué de quatre tours d'angle. La tour orientale n'a disparu qu'en 1846, lors de l'agrandissement d'une grange, elle avait encore 8 m de hauteur. Les fondations de la tour méridionale sont apparues en 1971 lors de la construction d'une maison à eet endroit.

34 Arch. Gén. Roy., Chambre des comptes, n° 159 (comm. J. de Rémont, Florenville). 35 A. MATTHYS et G. HossEY, Le chäteau de Chassepierre, dans Conspectus MCMLXXV,

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I

272 HISTOIRE ET CHÁTEAUX DU COMTÉ DE CIDNY

Les divers sondages à 1' intérieur de la cour complètent notre connaissance très fragmentaire du chäteau; ils ont apporté les maigres restes d'un mur transversal dans l'angle oriental.

La seigneurie de Chassepierre est issue toute entière de celle de Florenville, confiée en apanage à Isabelle de Florenville et son époux Otton de Trazegnies, avant 1241.

A la génération suivante une salution radicale fut adoptée. Le partage territa-rial de la seigneurie ne camportera plus aucune indivision entre les héritiers; chacun recevra l'assise foncière indispensable à sa seigneurie.

Au fils aîné d'Isabelle, Jean de Trazegnies dit 1' Ardennois, échut tout natu-rellement le bloc de Florenville et Martué. Le fils puîné Otton li Ostelet reçut Cugnon avec Mortehan et Auby. Enfin, la fille cadette Catherine, épouse deRion de Toureste, hérita des villages de Chassepierre, Fontenoille et Sainte-Cécile. Une fille de ce dernier couple transporta son héritage dans la familie de Rodemack. Son mariage probable avec Gilles 111 de Rodemack, vraisemblablement le premier de cette familie à porter le nom de seigneur de Chassepierre s' in duit de liens de parenté mis en évidence par J. Massonnet (36).

Ces trois apanages naissent entre 1241 et 1273 et plutot vers le milieu du siècle. Ils ne feront plus retour au comté et les siècles suivants consacreront leur parfaite autonomie.

La première mention connue du chäteau est malheureusement tardive. En 1380, suite aux incursions de Jean de Rodemack dans Ie duché de Bouillon, la forteresse fut mise à sac etincendiée par l'évêque de Liège, Hugues de Hornes (37).

8. Cugnon

La route venant de Mortehan par le gué du M oulin pour se diriger vers Dohan et par delà vers Bouillon, traverse le village de Cugnon et franchit la Semois au gué

La Tour, lieu-dit évocateur du donjon ancien, aujourd'hui disparu. Le passage est situé à une quarantaine de mètres en aval de la limite de labourgade et la rue de la Forteresse y mène encore. Ainsi, aujourd'hui la toponymie rappelle toujours

l'existence passée d'une fortification à Cugnon (fig. 1 & 3).

Deux campagnes de fouilles, en 1977 et 1978, permirent de mener à bien

l' étude de ce site (38).

La confrontation des données ex traites de l' iconographie et des indices de la photo aérienne, permet d'appréhender l'ordonnance du chäteau.

36 J. MASSONNET, Histoire de Chassepierre, dansAnn. Inst. arch. Luxemb. 84, 1953,44. 37 S. BALAU, Chroniques liégeoises, I, 81 et II, 214-216.

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HISTOIRE ET CHÁ TEAUX DU COMTÉ DE CHINY 273

La mention de Tour sur un plan du XVIIe siècle assure l'aspect général de la fortification; 1' épaisseur de ses murs et la typologie confirment son importance.

Le chäteau dessine un quadrilatère régulier de 23 m 50 de cöté, ses murs dont 1' épaisseur varie de 2 m à 2 m 10, sant construits en dalles de schiste reliées au moyen de terre parfois mêlée de mortier de chaux. Les fondations ont une hauteur conservée de 1 m 75 et présentent un beau parement tant à l'extérieur qu'à l'inté-rieur. Une des préoccupations des constructeurs fut certainement d'isoler Ie bati-ment des infiltrations environnantes et dele protéger des crues hivernales. Ainsi, une épaisse couche de liman de 0 m 75, répandue sur le sol à l'intérieur de l'édifice, assure la salubrité et l'étanchéité nécessaires. Un drain perpendiculaire au mur méridional et contemporain de la construction, assure la même fonction.

Les travaux de conversion en prairie de la parcelle ont malheureusement arraché Ie niveau archéologique ancien et fait disparaître ainsi les divisions intérieures et la distribution des éléments constitutifs de ce chäteau.

A !'origine, la Semois ceinturait !'ensemble du site et alimentait directement les douves alors qu'aujourd'hui I' apport d'alluvions et le déplacement progressif de la rivière ont isolé les fossés au milieu des prairies basses. Le creusement de ces fossés a nécessité un déplacement important de terres. Ont-elles servi à élever des remparts de proteetion aujourd'hui arasés? Ces déblais ne furent certainement pas utilisés pour ériger une motte ou une plate-forme et fournir ainsi une assise suffisante pour la construction du chäteau, ses murs plongeaient en effet directe-ment dans l'eau. Les modifications dues au cycle d'érosion et à l'action de 1' homme ne permettent pas d' attribuer aux fossés des lirnites précises et constantes à travers le temps. Le plan du XVIIe siècle donne aux douves une largeur irrégulière de 73,60 et 50 pieds, soit des mesures approximatives de 22,18 et 15 m, tandis que la carte de Ferraris donne une largeur moindre encore, pour autant que les propar-tions indiquées soient exactes. A cette époque les remblais d' alluvions devaient combler déjà partiellement les douves. A l'endroit ou elles furent recoupées, soit entre la basse-cour et la tour, dans leur parcours méridional, elles présentent un profil à fond plat et leur profandeur atteint 1 m 7 5 pour une largeur de 22 m 50. Les couches de remblais illustrent pariaitement la situation prirnitive et l'évolution du comblement. Et si, à 1' origine, les murs baignaient dans 1' eau, 1' absence de courant et I' apport progressif d'alluvions ont colmaté les rives d'abord, puis empêché la circulation de l'eau; !'abandon et sa végétation corrolaire, ensuite la démolition et Ie déversement sur place des matériaux impropres, achevèrent de combler les dépressions, pour finir par farmer une prairie basse et plane, inondée pendantune bonne partie de l'année.

Avant 1777, la Carte de Ferraris mentionne eneare le chäteau de Cugnon. Et ce n'est qu'en 1835, selon la tradition orale et populaire, qu'il fut démoli pour réutiliser ses matériaux dans la reconstruction de l'église actuelle de Cugnon.

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274 HISTOIRE ET CHÁTEAUX OU CO?xfTÉ DE CHINY

immédiate des douves, dessine un parallélogramme de 19m30 sur une longueur dégagée de 35 m; la nappe phréatique empêchant de connaître cette dimeosion avec exactitude. Même la ligne pourtant fort nette sur la photo aérienne, clöturant !'ensemble vers l'ouest, ne correspond pas à un mur. En réalité, cette limite s' identifie à une ligne de cru es actuelles de la rivière. Cependant, en reportant sur le plan généralla largeur des douves de laT our telle qu' elle est renseignée sur un plan de géomètre du xvrre siècle et en prolongeant la berge de I' ancien parcours de la Semois, on constate que la partie de la basse-cour baignée par la rivière est exactement parallèle aux murailles du sud-est. Ceci n' est évidemment pas fortuit et permet de reconstituer a vee beaucoup de vraisemblance Ie plan de cette basse-cour que l'eau mantante empêchait de fouiller et de fixer ainsi sa longueur à près de 42m.

La mise en ceuvre des murs est très irrégulière, leur épaisseur varie de 0 m 85 à 1 m 10 et la face extérieure seule présente un parement régulier. Le sol intérieur de la cour est constitué d'une épaisse co uche d' argile imperméable. Vers Ie sud-ouest, le mur présente un décrochement caractéristique d'une porte. Malheureusement eet accès ne put être dégagé entièrement car il baigne, en partie, dans un petit ruisseau, vestige du fossé entourant autrefois !'ensemble.

Le plan du géomètre, datant du XVIIe siècle, montre clairement une langue de terrede 66 pieds soit d'une largeur approximative de 19 m 80, enclose d'un fossé de 15 pieds ou 4 m 50- lefossé des prez d' en haut- communiquant d'un cöté avec la Semois, de l'autre avec les douves de la Tour. Les murs de la basse-courne figurent déjà plus sur ce plan.

Après Ie détachement de I' apanage, vers Ie milieu du xme siècle, d'Otton 1i

Ostelet époux de Jeanne de Douzie, qui comprend les possessions de Cugnon, Mortehan, Auby, les textes relatifs aux seigneurs de Cugnon restent fragmentaires.

Otton de Florenville, époux d'Isabelle de Signy est eneare cité comme sirede Mortehan en 1302. Dès 1306, Cugnon et ses dépendances semblent farmer une propriété indivise partagée entre deux lignages: 1 'un portant le patronyme de Cugnon, Ie second des Ploarts. C'est du rnains ce qui ressort de la charte d'affran

-chissement accordée à Auby par Jacquemin dict de Cugnon et Jehan dict de Ploarts. Vu le silence des textes, il n'est pas possible d'établir une généalogie continue de chacun des lignages. Tout au plus quelques noms isolés sont-ils connus.

Les textes d'archives propres à la forteresse pèchent aussi par leur rareté et leur laconisme. La plus ancienne mention connue renseigne que «Henry de Marche relève à Builion I' an 1380, le 1

oe

jour de} uillet la forteresse et sa part de Cungnon et I' Abie ... » Le peu de matériel archéologique daté a vee certitude et retrouvé hors contexte ne permet pas de reeuier l'occupation du site au-delà de 1225-1375.

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HISTOIRE ET CHÁTEAUX DU COMTÉ DE CHINY 275 Le site s 'apparente à certaines réalisations de Florent V, comte de Hollande qui à partir de 1282, construit une série de forteresses pour contenir les Frisons. Le chäteau de Cugnon n'est pas sans rappeler les fortifications deNuwendoren et Ie Nieuwhuys, près d' Alkmaar. Une caractéristique essentielle s'y retrouve: une basse-cour ou enceinte de pierre, entourée de douves et contenant des bätiments utilitaires, donne accès à un chäteau de plan carré ou reetangulaire également ceinturé de fossés et sommé d'un donjon. Et sicedernier manque à Cugnon, il faut rappeler que les divisions intérieures y ont totalement disparu et que son existence ne peut être ainsi exclue a priori.

9. Chauvency-le-Chäteau

Le chäteau de Chauvency peut se définir comme une enceinte polygonale articulée autour d'un donjon. Il est logé dans un méandre de la Chiers, visiblement aménagé de main d'homme. Le creusement, à l'est, d'un bras d'eau qu'alirnente la rivière, isole la fortification des terres voisines et faitdireau XVIe siècle qu'elle « .•• est tout environné de la rivière de bonne profondeur ... ».

En 1976, le Service national des Fouilles entreprit avec l'autorisation des autorités françaises, une série de sondages lirnités (fig. 1 & 3)40 .

A aucun moment des sondages profonds n'ont été entrepris et les travaux se sont bornés à esquisser Ie tracé général du chäteau, souvent en dégageant la dernière couche de démolition et libérant les murs, tout en laissant Ie sous-sol intact, Ie préservant ainsi pour des fouilles approfondies.

Les courtines développent un tracé très irrégulier adapté à la configuration particulière de la rivière, dont elles suivent les limites. Les décrochements de

I' enceinte ne sont pas Ie résultat d'une recherche malhabile de flanquement mais sont plutot dictés par une topographie contraignante.

Les remparts développent une longueur approximative de 405 m, libérant ainsi un bel espace intérieur. La largeur normale des murs varie de 0 m 90 à 1 m 40, quelques tronçons étant fort épais surtout à I' angle occidental ou ils atteignent 4 m. La construction est très soignée: blocage depierrede calcaire entre deux parements de bloes bien équarris, presque jointifs.

La découverte récente d'un plan de la maison de Chauvency présentement Luxembourg et que I' on peut dater du XVIe siècle, permet certainement de mieux interpréter les résultats des premiers sondages (fig. 5)(41).

L'allure générale du tracé des courtinesse retrouve toute entière dans Ie plan

40 A. MATTHYS et G. HossEY, Sondages dans la fortification médiévale de Chauvency-le-Chäteau, dans Conspectus MCMLXXVI, Arch. Belg. 196, 1977.

41 Arch. Gén. Roy., Cartes et plans en manuscrit, n. 2681 (comm. B. Roosens, Bruxel-les).

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276 HISTOIRE ET CHÁ TEAUX DU COMTÉ DE CHINY

Fig. 5. Ch~uvency-le-Chäteau, "La maison de Chauvency à présent Luxembourg", plan du XVIe s. conservé aux Archives générales du Royaume (Bruxelles) (lnv. cartes et plans manuscr., 2681).

ancien. Mais le dessin des organes de flanquement ne laisse d'étonner. Dans les secteurs de !'enceinte ou la fouille fut plus complète, la figuration ancienne ne concorde pas avec la réalité. Il reste que cette contractietion n'est peut-être qu'ap-parente et qu'une fouille complémentaire des sondages initiaux pourrait la lever. On sait d'autre part que I' absence de flanquement- réelle ou supposée-était quelque peu compensée par la présence de hourds, comme nous l'apprend la charte d' affranchissement de 1240: " ... et cils bourgeois devan dit de dans et dehors doient quant on lour requerrat le chastel hourdeir ... ». Le plan du XVIe

siècle ne donne qu'un état final de l'évolution castraleet ne permet pas sui generis une périodisation des différentes campagnes de construction. La même lacune chronologique affecte le plan dessiné d'après les sondages. La fouille seule pourrait isoler le noyau ancien et écarter les organes adventices.

Décentré et orienté d'est en ouest, s'élevait le donjon, vaste construction de 13 m 30 sur 26 m 60, dont le rez-de-chaussée est un massif apparemment aveugle et dans lequel était réservée une pièce dont seul un angle a pu être recoupé lors de la fouille. Les murs, de même technique que ceux des courtines, enserrent un bloc de maçonnerie- base d'un donjon antérieur -large de 9 m 30 et long de 24 m 30. A une époque indéterrninée, le premier donjon est renforcé sur ses flancs nord, ouest et sud par une muraille épaisse d'environ 2 m 20. Au sud, elle touche la face primitive, à l'ouest et au nord, elle est construite à peu de distance du front et ménage ainsi un couloir de circulation. A cette époque aussi, le donjon est étayé de contreforts plats, larges de 60 cm, formant saillie sur 30 cm.

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

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