ARCHAEOLOGIA
BELGICA
27
H. ROOSENS
Une villa romaine
à
Bourcy
BRUXELLES 1955
ARCHAEOLOGIA
BELGICA
H
.
ROGSENS
Une villa romaine
à
Bourcy
Extrait du
BuLLETIN DES MusÉES ROYAUX n'ART ET n'HisTOIRE 4• série, 26 année, 1955, pp. 18 à 33 .
UNE
VILLA ROMAINE
A
BOURCY
A
u le cours d'une prospection à travers haut-plateau ardennais, l'équipe «Curia Arduennre » avait répéré des substructions, dans un champ, à Bourcy, dépendance de la commune de Longvilly1).
Leur doyen d'äge, l'infatigable Alphonse Thiry, ne tarda pas à faire retorober les coups de son inséparable pioche sur ces ruines. Aussi dégagea-t-il, au mois d'avril 1953, le mur extérieur septentrionnal du bätiment sur une longueur de 5 mètres en même temps qu'il recueillit, à l'intérieur de la construction, bon nombre de tessons. ll ne faisait plus de doute: on avait affaire à une habitation romaine qui se révèlerait être bientót une villa agricole d'un type fort simple.
M.
J.
Breuer, chef du Service des Fouil-les, me délégua sur place en compagnie de M. R. Borremans, préparateur, poury faire quelques sondages. C'est ce qui se
fit
dans la seconde quinzaine d'août 1953. L'équipe « Curia Arduennre >> était repré-sentée sur le chantier par MM. Willy Las-sanee et Alphonse Thiry. On réussit bien-tót, malgré l'amas de décombres, à dégager les grandes lignes d'un .plan d'ensemble. L'année suivante, du 8 au 17 septembre, M. Borremans y retourna avec les susdits chercheurs pour examiner la cave et pour vérifier certains points restés obscures.C'est le résultat de ces deux campagnes éclair qu'on trouvera exposé dans les pages
suivantes.
L'endroit est situé à la limite des com-munes de Longvilly et de Noville, dans la section de Bourcy, parcelle cadastrale n° 30/i (fig. 1). Le terrain, composé d'une couche arabie peu épaisse faisant immé-diatement place au schiste, est en pente douce vers le sud-ouest, ou coule un ruis-seau, qui alimenta jaclis un grand vivier. A quelques pas des ruines court le «Chemin des Morts», un diverticulum qui
s'embran-che, 1400 m. au sud-est, sur la grande chaussée Reims-Cologne, d'ou l'on peut bien observer le site. Celui-ei est désigné par un lieu-dit typique: les magiet =
maceria = ruines 2).
LES SUBSTRUCTIONS
En général, les fondations du bätiment étaient eneare bien en place (fig. 2). Les murs apparaissaient déjà entre 10 et 20cm. sous la surface; ils étaient parfois conservés sur une profandeur de 70 cm. L'assise consistait en un lit de pierrailles, de 70 à 75 cm. de large, sur une hauteur de quel-que 25 cm., sur lequel-quel était placée, dans le sens de la longueur et seulement du cóté intérieur, une dalle de schiste. Ce soubas-sement supportait le mur proprement dit,
1
) Ce champ est exploité par M. A. Lambert, fermier à Michamps (comm. de Longvilly); je Ie remercie de la prompte autorisation qu'il nous accorda d'y faire des recherches.
Ce n'est certainement pas à cette ruine que faisait allusion H. ScHUERMANS dans les Ann. de l'lnst. arch. du Lux., XXXIV, 1899, p. 16 ou i! parle de « substructions avec briques du double de celles d'aujourd'hui ». ') Un lieu-dit « Magie-haie » est déjà cité par V. BALTER dans Les localités disparues dans la province de Luxembourg,
Bull. lnst. Archéol. du Lux., 1-2, 1947, p. 10.
2
11
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE
1 s~ct.A
FIG. 1 . -PLAN CADASTRAL ET CARTES
BOURCY 1953/54
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-4 BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE
large de 65 cm. et légèrement en retrait vers l'intérieur, composé de dalles de schiste, reliées par une terre battue noir-ätre (fig. 3). Tel était notaroment l'aspect des substructions dans les tranchées IV-a),
V-a) & b) et III-a). Ce dernier mur était cependant aussi en retrait vers l'extérieur, de sorte que le lit de pierrailles y avait une largeur de 85 à 90 cm. Par contre, les murs intérieurs, recoupés dans les tranchées
IV-c) et VIII-a) n'avaient pas de saillant (fig. 4), non plus que les murs extérieurs, clóturant la pièce G. Celui de la tranchée VI, en particulier, n'avait pas une assise de pierrailles, mais de grandes dalles, po-sées sur champ, atteignant une hauteur de 45 cm., sur lesquelles d'autres dalles étaient posées à plat (fig. 5). D'une autre
·racture encore était le mur a) de la tran-chée X. Large de 70 cm., il était sur toute sa profandeur de 70 cm. composée de dalles posées à plat. V ers 1' est, il se ter-minait en une plaque de 1, 15 m. sur 0,90 m., pas plus profonde que de 20 cm. Le mur a) était relié vers l'ouest au mur b) de la tranchée V.
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Les substructions de la cave, F, offraient aussi certaines particularités. Les murs
avaient 80 cm. d'épaisseur, sauf celui ex-posé à l'est qui n'en avait que 65. Le mur septentrional, que nous avons pu examiner sur toute sa profondeur, reposait sur une
assise de gros bloes de grès, dépassant encore d'une bonne quarantaine de cm. Le fond de la cave était constitué par de
la terre battue. Une rigole de 30 cm. de
large, remplie de pierrailles, longeait les
murs. Dans le mur septentrional, une ni-che avait été aménagée, dont la tablette (55 cm. sur 95) se trouvait à 60 cm. au dessus du fond de la cave; sa hauteur était de 75 cm., jusqu'à la première assise de
l'arc. Le mur occidental était percé d'un soupirail, dontla tablette, large de 1,30 cm., était à 95 cm. au dessus du fond de la
cave; la voûte en était encore partieHe-ment conservée (fig. 6).
Dans la pièce G, comprenant toute la
partie orientale de la villa, aucun mur
intérieur ne fut recoupé. Dans la tranchée VI-b), nous sommes tombés sur une espèce de grossier dallage, constituant peut-être
B
A
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H
I 111 11
FIG. 2. - PLAN DE FOUILLE ET COUPES THÉORIQ.UES À TRAVERS LE BATIMENT
I. Murs ou dallage en schiste. 2. Pierrailles ou murs en démolition. 3. Pavement en mortier rose.
4. Petites dalles de schiste posées sur champ. 5. Carreaux d'hypocauste.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE 5
un pavement. Dans la tranchée V est apparu un bout du pavement de la pièce
A. Il était fait de petites dalles de schiste, posées sur champ et se chevauchant sur une bonne partie. Ce dallage s'appuyait
sur Ie saillant du mur a). Les pans de mur,
existants au dessus de ce saillant, étaient clone en élévation. Le même genre de pavement, maïs mieux conservé, était posé aussi dans la pièce B, dont Ie niveau était
de 40 cm. plus bas que celui de la pièce A.
Le mur c), séparant la tranchée III de la tranchéc IV, était interrompu sur une distance de 80 cm. L' espace, ainsi réservé, était bordé de deux rangées de dalles rouges en terre cuite (20 cm. sur 20), formant une conduite de 40 cm. de large, remplie de suie. Le pavement de la pièce C, dont Ie niveau se trouvait 75 cm. plus haut que celui de la pièce B, était com-posé d'un mortier rose et s'appuyait sur
Ie saillant du mur a) de la tranchée III.
Dans la tranchée IV apparaissait un bout du dallage de la pièce D; il était placé sur de petites dalles de schiste, posées sur champ comme dans les pièces A et B. Le niveau de ce dallage était de 5 cm. plus haut que celui de la pièce A.
L'es-calier de la cave débouchait dans la
pièce E. Un petit mur de soutènement, large de 25 cm., Ie longeait du cóté occi-dental. Le pendant nécessaire d'en face faisait défaut. Seulement, on voyait dans Ie mur septentrional du bätiment, à 25 cm. du coin de la cave, latrace d'un autre mur arraché, perpendiculaire au premier, ayant
dû avoir unc largeur de quelque 70 cm.
C'est ce mur, clótm·ant vers l'est les pièces
D et E, que nous avions cherché en vain
dans les décombres de la tranchée VIII.
Comme matériau de construction, c'est
essentiellement la dalle de schiste qui fut
employée. Les pierres étaient soigneusc-ment appareillées, la face tail1ée, pour autant que possible, vers l'extérieur, et assemblées au moyen d'une terre battue
assez dure, faisant fonction de mortier.
Parfois, un fragment de tuile ou de dalle d'hypocauste était utilisé dans la maçon-nerie. Quelques pierres bleues et l'un ou
l'autre fragment de pierre calcaire se
trou-vaient parmi les décombres. Par ei, par là
on rencontrait un fragment d'imbrex, de
tuile ou de dalle carrée d'hypocauste ;
quelques débris aussi de plaquettes striées en terre cuite et de tubulae, surtout dans
la pièce B. P<n contreil y avait abondance
d'ardoises trouées, les unes de forme carrée
aux deux coins opposés coupés (34 cm.sur
34; épaisseur: 1,5 cm. à 2,5), les autres
de forme triangulaire (37 cm. de base sur
26 de hauteur (fig. 7). Parmi la masse
des clous, Ie format ayant pu servir à fixer les ardoises, était particulièrement nom-breux.
LES TROUV AlLLES
A . - La céramique
SIGILLÉE 1).
1) Fragment de bord d'un Drag 18/312
).
Terre brun-rouge, bien cuite ; engobe
rouge foncé luisant. Probablement de
Lezoux ;
ne
siècle.') Je remercie M.M. Vanderhoeven, du Musée provincial gallo-romain de Tongres, qui a bien voulu examiner
la sigillée.
2
-6 BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX n'ART ET n'HISTOIRE
FIG. 3. - LE MUR a) DANS LA TRANCHÉE lil
vu de l'intérieur du bätiment.
2) Fragment de bord d'un Drag. 37. Terre orange, cuisson un peu faible ; engobe rouge clair luisant. Est de la Gaule ; seconde moitié ne siècle.
3) Fragment de bord d'un Drag. 33. Brûlé.
ne
siècle.4) Fragments d'un Drag. 33. Terre orange, cuisson faible; engobe rouge clair luisant. Est de la Gaule; ne siècle.
5) Fragment de bord d'un Drag. 18/31. Argile pàle, cuisson faible; engobe disparu. 6) Fragment de bord d'un Drag. 37. Terre brun-rouge, bien cuite ; engobe rouge foncé luisant. Lezoux;
ne
siècle.7) Fragment de bord d'un Drag. 32. Terre orange, bien cuite ; engobe rouge clair mat. Est de la Gaule; seconde moitié
ne - première moitié IIIe siècle.
8) Fragment de bord d'un Drag. 38 ou d'un Curie, type 11. Terre orange, bien
cuite; engobe rouge foncé luisant. Rhein-zabern (?);
ne
siècle.9) Fragment de bord d'un Drag. 35/36. Brûlé.
ne
siècle.10) Fragments d'un Drag. 45. Terre brun-rouge, cuisson faible; engobe rouge foncé luisant. Est de la Gaule; seconde moitié ne - première moitié IIIe siècle. 11) Fragments d'un Drag. 32. Brûlé ; cuisson faible. Probablement Est de la
Gaule ; seconde moitié
ne -
première moitié IIIe siècle.FIG. 4. - MuR INTÉRIEUR RECOUPÉ DANS LA TRANCHÉE VIII.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE 7
12) Fragments d'un Drag. 33. Terre
brun-rouge, cuisson faible; engobe rouge
foncé luisant.
ne
siècle.13) Fragment de bord d'un Drag. 37.
Terre päle, cuisson faible; engobe rouge
foncé luisant.
ne
siècle.14) Fragment d'un Drag. 43 ou 45.
Terre orange, cuisson faible; engobe
dis-paru. Est de la Gaule; fin
ne
siècle.15) Fragment d'un Drag. 43 ou 45.
Terre brun-rouge, bien cuite ; engobe
rouge foncé mat. Lezoux (?);
ne
siècle.16) Fragments d'un Drag. 45. Terre
brun-rouge, cuisson assez faible ; engobe
FIG. 5.- LE MUR EXTÉRIEUR a) DANS LA TRANCHÉE VI
FIG. 6. - UN COIN DE LA CAVE
A VEC SOUPIRAIL ET NICHE
rouge foncé mat. Rheinzabern ou Lezoux;
seconde moitié
ne
siècle.17) Fragment de bord d'un Drag. 45.
Terre brun-rouge, cuisson dure ; engobe
rouge foncé mat. Rheinzabern (?);
secon-de moitié
ne
siècle.18) Fragments d'un Fölç_er, Pl. XI, 9 I).
Argile päle, bi en cuite; engobe rouge foncé
mat. Trèves; IIe siècle.
19) Fragment de fond d'une forme
difficile à déterminer. Terre orange,
cuis-son assez faible; engobe rouge clair luisant.
Sigle effacé, sauf dernières lettres ... JVS.
Seconde moitié
n
e
siècle.CRUCHES
C'était la vaisselle, de loin la mieux représentée à Bourcy. Des masses de
tes-sons de cruehes rouges, grandes et petites,
y furent trouvées. La pate est fine, un peu
sableuse et recouverte d'un engobe lisse.
A quelques exceptions près, Ie goulot est
évasé, la lèvre repliée vers l'extérieur, formant bourrelet. Cette forme, reproduite
1
) E. FöLZER, Die Bilderschüsseln der Ostgallischen Sigillata-Manufalcturen. Bonn, 1913.
8 BULLETIN DES MUSÉES ROY AUX D' ART ET D'HISTOIRE
FIG. 7. - TYPES D'ARDOISES
fig. 8, 1 & 2, correspond, grosso modo, au type Niederbieber, 61 1
) (voir aussi ibid.,
fig. 36), là-bas seulement représenté en quelques exemplaires. D'autres formes semblables figurent dans les publications du O.R.L. 2
), e.a. à Ems (n° 4), PL III,
6 & 7 et à Cross-Krotzenburg (n° 23), Pl.
VII, a & g. Le goulot, fig. 8, 3, appartient certainement au même type; il n'est re-présenté à Bourcy qu'en un seul exem-plaire, de conleur grise.
Un autre type decruche (fig. 8, 4 à 7), communément appelé à goulot cylindri-que 3 ), exécuté également en terre rouge,
y est beaucoup plus rare; on le place généralement dans la seconde moitié du IIe et première moitié du IIIe siècles. Citons comme pièces de comparaisons,
mutatis mutandis, Niederbieber, type 43 et
:(_ugmantel, O.R.L. (n° 8), Pl. XVII, 31 pour les nos 4 & 5; les n°8 6 & 7 penvent
être comparés au type Niederbieber, fig. 27, 11 a, 1à-bas exécuté en « braun
marmo-riertes Geschirr ». L'exemplaire, fig. 8, 8, est une forme unique à Bourcy, exécutée en terre rouge pàle. Le type se rencontre e.a. à Niederbieber, 46 ( « marmoriert »),
à Arentsburg 4), fig. 90, 69 («
kruikarn-phoren »), à Ems, O.R.L. (n° 4), Pl. III,
18 & 30 et à :(_ugmantel, O.R.L. (n° 29),
Pl. XVII, 29.
A ces cruehes correspondent plusieurs types de fond, eux aussi en terre rouge, reproduits fig. 8, 9-14. L'anse est toujours à deux cótés, sauf celui de la fig. 8, 4, qui en a trois.
Signalans encore, en exemplaire unique, le fragment de goulot de la cruche, fig. 8, 15, en terre blanche, très cuite et rugueuse; celui représenté, fig. 8, 16, en terre jaun-àtre, de cuisson dure et enfin le fragment d'une grande cruche, fig. 8, 17, en terre beige et rugueuse, décoré d'un bourrelet à incisions.
AssrETTES
Une forme assez commune était cette assiette rouge à bord replié vers l'intérieur, représentée fig. 8, 18 à 22. La pàtc est fine, parfois assez sableuse; le bord et la face intérieure sont généralement recouverts d'un engobe rouge clair mat. C'est le type
Niederbieber, 40, existant en exemplaire
unique et fabriquée en terre blanche avec vernis brun. Il y est considéré comme
« retardataire isolé » et daté par Case 5),
type 232 de la fin du IIe siècle. A Arents
-burg, fig. 91, n°8 100 & 101, cette forme
d'assiette fut trouvée en grande quantité;
1) F. ÜELMANN, Die Kermnik des Kastelis Niederbieber. Frankfurt a.M., 1914.
2) Der obergermanisch-rtUtische Limes des Römerreiches.
3) H. VAN DE WEERD, Inleiding tot de Gallo-Romeinsche Archeologie der Nederlande1l. Anvers, 1944, p. 268, n r 8. 4
) J. H. HoLWERDA, Are1ltsburg- Een Romeinsch militair vlootstation bij Voorburg. Leyde, 1923.
24
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE
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-10 BULLETIN DES MUSÉES ROY AUX D' ART ET D'HISTOIRE
certaines variantes· y sont p1acées au début du ne, d'autres plus tard, mais taujours au même siècle.
Un autre type d'assiette ou grand plat est reproduit fig. 8, 23. L'argile, mélangée de fins grains de quartz, bien serrée et très cuite est de couleur gris-beige, enfumée par endroits. C'est un exemplaire unique. Une forme tout à fait analogue figure dans
Gose, 468; elle y est datée de la seconde
moitié du ne siècle. On peut la rappra-eher aussi du type Niederbieber, 111,
rare-ment représenté dans ce castelturn et
pro-babiement pas postérieur au ne siècle.
Go BELETs
Nombreux étaient les fragments de gobelets noirs, généralement trop réduits pour être reconstitués en dessin. Souvent la päte est brun clair, de cuisson assez faible; exceptionnellement elle est grise ou même_ blanche. Le décor guilloché est de règle, parfois combiné avec des dépres-sions longitudinales. L'exemplaire fig. 8, 24 correspond au type Niederbieber, 33 a;
seulement, la forme du pied est différente. On n'y retrouve pas non plus Ie type du fond de gobelet, fig. 8, 25. Il est difficile aussi d'assigner des parallèles au gobelet, fig. 8, 26, exécuté dans une même päte et même technique que Ie n° 24. Il rap-pelle étrangement certaines formes de céramique beige, reproduites par Holwerda Belg. Waar, 285-331 1). Quant à la chro-nologie de tous ces gobelets, on doit s'en
tenir en général aux ne et IIIe siècles 2). Le gobelet, fig. 8, 27 est tout à fait différent des précédents. De couleur brune enfumée, il est exécuté dans une päte fine, mais rugueuse, de cuisson dure. Il rappelle un peu une forme d' Ubbergen 3), Pl. V, 13. On pourrait Ie classer aussi parmi les soi-disants gobelets tongrois 4), quoique la lèvre y est repliée vers l'extérieur, comme !'exemplaire, fig. 8, 28, fabriqué en terre fine et sableuse, de couleur rouge päle. D'un troisième gobelet encore est Ie fond, fig. 8, 29; la päte est fine et douce, de couleur brune.
f ORMES DIVERSES
Deux urnes, l'une en tcrre rouge, fig. 8, 30, l'autre en terre grise, présentent les mêmes caractéristiques: paroi mince ar-rondie, ornée de guillochis, surmontée d'une petite lèvre repliée vers l'extérieur. Peut-être sont-elles à rappraeher du type
Brunsting 5), Pl. 6, 5 b ?
Le fragment de bord, fig. 8, 31 semble proveoir d'un bol. La päte est fine, bien cuite, de couleur grise avec engobe noir à l'extérieur et à l'intérieur. Sans paral-lèles aussi est Ie fragment du vase, fig. 8, 32 exécuté en terre rouge, fine et sableuse, avec traces d'un engobe blanc.
La forme d'écuelle, fig. 8, 33 & 34, correspond au type Niederbieber, 104 et Arentsburg, fig. 94, 221 & 222, fabriqué dans une päte rugueuse et très courant dans ces deux sites. A Bourcy, ou je ne
1
) J. H. HoLWERDA, De Belgische Waar in Nijmegen, 1941.
2) H. VAN DE WEERD, o.c., p. 253, n° 4.
3) J. BREUER, Les objets antiques découverts à Ubbergen près Nimègue, dans les Oudheidkundige Mededelingen ... Leiden, N.R. XII, 1931.
4) J. BREUER dans Archéologie, 1940, I, p. 120.
5) H. BRUNSTING, Het grafveld onder Hees bij Nijmegen. Amsterdam, 193 7.
BULLETIN DES MUSÉES ROY AUX D' ART ET D'HISTOIRE BOURCY 1953-54
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FIG. 9 11- - -
-12 BULLETIN DES MUSÉES ROY AUX D' ART ET D'HISTOIRE
connais que les deux fragments précités, la pate est fine, parfois très cuite, de eau-leur brune; }'exemplaire n° 33 est noirci sur le bord et à l'intérieur. Cette forme est signalée à partir du
ne
siècle, jusqu'au romain tardif. Le petit fragment de bord, fig. 8, 35, provient également d'une écu-elle; la pa te est fine, un peu sableuse, de eauleur grise; la face interne est noircie, tandis que des traces de dorure apparais-sent sur les deux cotés. On peut la rap-praeher de la forme Arentsburg, fig. 92,156, probablement du
ne
siècle.L'urne, fig. 9, 36, en terre grise et rugueuse, très cuite, ainsi que le fond d'un second exemplaire analogue, constituent le type Niederbieber, 89, très fréquent dans ce castellum; la lèvre fort profilée apparaît déjà à la fin du
ne
siècle et reste eneare longtemps en vogue.Les fragments de bord, fig. 9, 37 à 39, en terre rouge ou noire, pate fine, de cuis-son variable, proviennent probablement de pots-à-feu, auxquels on peut difficille-ment assigner un type déterminé.
CouvERCLES
Les trois exemplaires, représentés fig. 9, 40 à 42, et quelques autres fragments encore, se rapportent au type Niederbieber, 120 a. La pate est fine, un peu sableuse, de eauleur rouge; parfois la teinte est devenue grise ou noire, par suite d'une cuisson très poussée.
BROYEURS
Nous n'en avons rencontré que quelques fragments. Les deux bords, reproduits fig. 9, 43 & 44 se rapprachent des formes Niederbieber, fig. 53, 4 & 7 et d'un
exem-plaire d' Arentsburg, fig. 95, 291. Le premier est de eauleur beige, au noyau brun-rouge, Ie second est en terre blanche, recouvert sur le bord d'un engobe de eauleur ocre.
AMPHORES ET DouA
Parmi les débris d'amphores, pas
nom-breuses, celles de eauleur beige dominaien t;
il y avaient aussi des tessons de eauleur brune et rouge. Par contre, nous n'avons
ramassé qu'un seul tesson ayant pu
pro-venir d'un daliurn en terre beige rugueuse.
CÉRAMIQUE EN PATE CELLULEUSE
Par rapport à la quantité, cette
céra-mique vient immédiatement après les
cruehes rouges. La eauleur est surtout brune, souvent enfumée; parfois elle est grise ou même noire, généralement en ce qui concerne les assiettes et les terrines. La pate est généralement bien cuite et la
surface lissée. Plusieurs types de vases ont été fabriqués dans cette matière. Les n°8
45 à 49 sont des assiettes. Les exemplaires 50 et 51, probablement aussi 52, sont des
terrines à paroi arrondie et, sans doute, à fond plat. Des urnes, comme les nos 53
à 56, étaient fréquentes, aussi dans un
format plus petit ; la forme no 57 par
contre, n'existait qu'en exemplaire unique. D'autres profils, désignés sous les nos 58 à 62, sont difficiles à complèter. Pour les
formes de fond, je renvoie aux nos 63 à 65, sans qu'on puisse dire à quel type de bord il faut les associer.
B . - Le verre
Quelques débris seulement ont été trouvés, et eneare avaient-ils parfois
fon-dus sous l'action du feu. Je peux me limi-ter à mentionner simplement un fragment
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE 13 d'épaule d'une bouteille verte, de forme
carrée ou prismatique.
C. - Objets en métal
Il n'y a lieu que de signaler deux objets en fer: un verrou et une tige pointue (fig. 9, 66 & 67). En outre, nous avons recueilli trois objets en bronze: une espèce d'anse, un disque ajouré et une douille
à trois anneaux (fig. 9, 68-70).
D.- Divers
Notons encore plusieurs fragments de meule(s) en pierre volcanique, ainsi qu'une petite meule entière en grès (fig. 9, 71).
c
E 0 A HI
I I
I I
I I
ESSAI DE RECONSTITUTION ET CHRONOLOGIELa fouille de Bourcy nous a revélé un bätiment, construit sur un plan qu'on peut qualifier de rectangulaire, mesurant 24,60 m. de long sur 12,30 m. de large, dont l'axe longitudinal était exposé au sud-sud-est (fig. 10). Cependant, c'était la façade sud-ouest-ouest, avec ses deux ailes saillantes séparées par un mur en retrait, qui offrait tout l'agrément archi-tectural de la ville. Ce n'était pas sans raison qu'on y avait mis l'accent, puisque ce coin offrait une large vue sur le
pay-BOURCY 1953-54
G
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FIG. 10. - PLAN RECONSTITUÉ DE LA VILLA
14 BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE
fiG. ]). - LE PAYSAGE AU SUD-OUEST DE LA VILLA ; À L'AVANT-PLAN, LES RUINES
sage (fig. 11) en même temps qu'il pouvait être bien observé de la grande chaussée Reims-Cologne. En annexe sur le mur nord-nord-ouest était construite la cave, qui ne devait pas dépasser beaucoup la
surface, condition requise pour la garder bien fraiche en été. L'entrée devait se trouver sous une espèce de hall (H), ouvert au nord-est-est, cloturé du coté sud-sud-est
par un bas mur, peut-être avec balustrade, au bout duquel se dressait vraisemblable-ment une colonne. On doit supposer la porte d'entrée donnant accès dans la pièce A ou D. Dans la façade sud-sud-est, je placerais une large porte cochère, comme on la voit taujours dans les fermes arden-naises, par laquelle on pouvait accèder dans la pièce G. Celle-ci, mesmant 11 m.
sur 13,60 m. (mesures intérieures), doit avoir servide grange ou d'écurie. En effet aucun mur intérieur n'y fut recoupé, pas plus qu'aucun mur extérieur n'était muni d'un saillant intérieur, si caractéristique pour l'autre partie du bä.timent. Il n'y a pas de doute, cette espace était réservé à l'usage agricole de la ferme. Les accupants disposaient de cinq pièces et d'une cave. Il se pourrait toutefois que les pièces E et D étaient destinées aussi à des fins professionnelles. Dans l'espace E débou-chait la cave par un escalier en bois (fig.
12); ces deux locaux combinés peuvent avoir servi pour la préparation et la
con-servation des produits laitiers. L'éclairage de cette pièce E ne pouvait se faire que par le mur septentional; c'est la raison
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE 15
pour laquelle la toiture de la cave a dû
être gardée très basse, afin de pouvoir
aménager des fenêtres dans Ie pan de mur surplombant. On peut supposer que la
pièce D servait de cuisine. C'est là en tout
cas qu'il faut placer Ie praefurnium, comme
!'ouverture dans Ie mur c) l'indique. Ce
praefurnium, petit enelos dont Ie fond était
au même niveau que celui de l'hypocauste
B, pouvait en même temps faire fonction
de foyer pour cuisiner La véritable
de-meure était donc constituée par les places
A, B et C. Le pavement, en mortier rose
de la pièce C, était sans doute de
plein-pied avec Ie dallage supérieur de l'hypo-causte. Pour arriver de là dans la pièce A,
on devait descendre d'une marche
d'esca-lier. De plein-pied avec cette pièce A étaient sans doute aussi l'entrée H et les
pièces E et D. Dans cette dernière, Ie
pavement était composé de dalles plates,
placées sur des pierres posées sur champ,
Ie tout d'une épaisseur de 15 à 20 cm.
Dans la pièce A, une infrastructure
ana-logue était encore en place, mais les dalles
plates avaient disparu. Comme la
diffé-rence de niveau n'est que de 6 cm., on
est en droit de complèter ici la partie supérieur du dallage, ce qui nous amène au même niveau.
L'aspect du bätiment en élévation est évidemment plus hypothétique encore.
Il est fort probable que les murs étaient en maçonnerie sur toute la hauteur ; en
tout cas aucun fragment de torchis n'a été
recueilli. Les deux ailes saillantes peuvent être reconstituées sous forme de tourelle à un étage. Quant à la hauteur de l'autre
partie de la ferme, la disposition des
fenê-tres et la forme de la toiture, on doit laisser
FIG. J2.-PENTEDE L'ESCALIER ET ENTRÉE DE LA CAVE
une certaine marge à l'imagination. Le seul fait que je crois certain, c'est que Ie toit était recouvert d'ardoises.
Ce bätiment, construit apparemment d'un seul jet d'après un plan préétabli, auquel nous n'avons constaté ni transfor-mations ni ajoutes, fut démoli par suite d'un incendie. En effet, une couche de cendres recouvrait les ruïnes, plus spécia-lement les pavements, preuve certaine que les habitants n'ont plus cherché à remettre leur demeure en état.
La durée de l'occupation de la villa n'est pas bien délimitée. Les fragments de sigillée datent du ne et de la première moitié du IIIe siècles. L'autre céramique, pour autant que j'en aie pu établir la chronologie, indique Ie ne et Ie IIIe siè
-cles, avec une certaine prépondérance pour Ie ne et la première moitié du IIIe
siècles. En tout cas, aucune forme essen-tiellement caractéristique du Jer ou du
IVe siècles n'y est apparue. Je crois donc pouvoir m'en tenir au ne et IIIe siècles en général, sans exclure la seconde moitié de ce dernier siècle. On pourrait être tenté
16 BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX D'ART ET D'HISTOIRE
dele faire en se basant sur Ie matériel des
castel/a du times. Je considère cette
tenta-tion comme plutot fallacieuse, en ce qui concerne la métairie de Bourcy, d'au-tant que Ie véritable matériel de compa-raison, celui notaroment trouvé dans les
villes et cimetières de cette région des Ardennes, est pour ainsi dire inexistant du fait de la quantité infime des sites explorés et étudiés scientifiquement 1).
H. RoosENS
1 ) Comme on peut s'en rendre compte d'après la carte publiée par R. DE MAEYER, De Romeinsche Villa's in België,
les villas ne font point défaut dans cette région. Les cimetières non plus d'ailleurs, mais Ie seul, convenablement fouillé et publié, est cel ui de Poisson-Moulin, commune de Sibret; il n'a cependant pas fourni de céramique
ordinaire, comparable à celle de Bourcy. Voir, R. DE MAEYER, Le cimetière romain de Poisson-Moulin, dans Ie