LA FORTIFICATION ROMAINE DE CHÁTEAU RENAUD À VIRTON
Sous le haut Empire romain, la Gaume connut une situation économique prospère liée à la fertilité de ses terreset à la présence de la chaussée impériale qui reliait deux capitales de cité: Reims et Trèves. En 275-276, la région fut profondément affectée par les pillages et destructions des hordes d'envahis-seurs qui déferlèrent sur toute la Gaule. Aussi, au IVe siècle, les populations rurales se réfugièrent dans des sites de hauteur, protégés naturellement. A eet égard, la topographie du Chateau Renaud offrait de multiples avantages. C'est une colline élevée aux pentes escarpées et dont le sommet constitue une plate-forme ovalaire dont les axes atteignent 207 et 129 m. La surface de près de deux hectares devait permettre la subsistance d'une petite communauté.
Le Chàteau Renaud était alors situé en bordure du diverticule qui reliait
I' important vicus de V ertunum à la grande chaussée de Reims à Trèves. Actuellement, au cceur du bois d' Ardenne, la colline s'élève à quelque 250 m à
1' ouest du carrefour de Croix-Rouge situé à 10 km au nord de la ville de Virton.
Depuis plusieurs dizaines d'années, le site a fait l'objet de petites fouilles clandestines qui auraient fourni aux collectionneurs une abondante moisson d'objets. En 1962, le Prof.]. Mertens y a pratiqué un sondage au cours duquel il mit au jourun tronçon de la muraille (Archéol. 1962, 23). Du 20juin au 5 août 1977, nous avons entamé 1' étude de cette forteresse par un examen approfondi des structures de défense établies à la périphérie de la colline (31). Nous avons recoupé à plusieurs reprises une puissante muraille qui protégeait sur une longueur d'une centaine de mètres les flancs les rnains escarpés de la colline, à l'est et au nord-est. Sur une longueur de 35 m environ, cette construction atteint eneare une hauteur d'un mètre en élévation, vers l'intérieur du refuge (fig. 49, b). Cependant, sur quelque 65 m, il n'en subsiste que la base des fondations. Les pierres avaient été emportées, provoquant une dépression assez marquée à la surface du sol gràce à laquelle nous pouvons eneare suivre aisément le tracé du rempart.
En élévation, la muraille d'une largeur de 1,60 m, présente un appareil assez régulier de bloes de grès calcarifère beige appuyé à un noyau de moellans noyés dans un mortier greige (fig. 49, a-b). Les fondations, sensiblement plus larges que l'élévation, camportentune assise de très gros bloes taillés de grès calcarifère oude tuflocal (appelé cron) posés à joints vifs (fig. 49, a-b, 50, a).
31 Nous remercions Monsieur E.P. Fouss, Conservateur du Musée gaumais, qui nous a invité a en-treprendre ces recherches, ainsi que Monsieur G. Lambert, Collaborateur scientifique au Musée gaumais, qui nous a fourni une aide très efiicace tout au long de cette campagne de fouilles. Enfin, nous exprimons notre vive gratitude au Bourgmestre et à l'Administration municipale de Virton qui nous ont donné les autorisations de fouilles et mis au travail huit chömeurs de la ville pour réaliser ces recherches.
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Fig. 49. La muraille vue de l'extérieur du refuge (en a) et de l'intérieur (en b). L'extrérnité de la muraille rejointe par les traces de la palissade en bois (en c). Deux trous de pieu qui supportaient sans doute Ie chernin de ronde (end).
lis proviennent certainement de grands monuments de la région, tout comme ceux du refuge contemporain et voisin de Montauban-Buzenol (Arch. Belg. 42). Ces pierres de taille reposent sur un hérisson de trois assises de moellons liés à l'argile. Elles présentent des formes et des dimensions très variées et portent des en tailles destinées à recevoir le crampon qui, à 1' origine, les fixait solidement les unes aux autres. Certaines ont servi de daveau à une voûte, d'autres appartenaient à des corniches pourvues de modillons décorés chacun d'une feuille d'acanthe (fig. 50, d). On y trouve aussi des bloes mou-lurés et un fragment de socle décoré (fig. 50, e). Un fragment d'entablement est sculpté sur deux faces d'une admirable composition de feuilles d'acanthe en
très haut relief (fig. 51, a). 11 comporte une frise et une corniche composée d'une doucine droite entre deux filets, elle aussi ornée de feuilles. Ces acanthes ressemblent étonnamment par leur forme et leur facture à celles qui décoraient un des célèbres piliers funéraires de N eumagen daté de la fin du
ne
siècle (32).
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Fig. 50. L'assisc de gros bloes taillés dont certains sont sculptés et d'autres présentcnt de profondes encoches probablement destinées à recevoir des poutres (en a). Bloc parallélépipédique sculpté sur quatrefaces (en bet c). Corniche à modillons (end) et fragment de socle (ene).
Des feuilles d'acanthe d'une facture plus raide décorent deux faces d'un bloc parallélépipédique (fig. 51, b). Enfin, un autre bloc parallélépipédique était agrémenté sur quatre faces de deux décors gravés identiques aux faces oppo-sées: des palmettes et des peltas ou houeliers d'amazone (fig. 50, b-c). Ce dernier a malheureusement été volé avant son acheminement au Musée gau-mais.
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Fig. 51. Fragment d'entablement et bloc, tous deux sculptés sur deux faces.
Nous avons dégagé et consolidé le rempart sur une longueur d'une quinzaine de mètres pour le rendre accessible au public (33). Nous avons mis
au jour l'extrémité de la muraille qui s'interrompt brutalement vers le milieu
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du flanc norcl-est (fig. 49, c). Elle est achevée avec soin et était prolongée par une palissade en bois dont la présence a été décelée par une simple ou une double rigole jalonnée de trous de pieu et qui contourne Ie reste de la colline. Par ailleurs, Ie long de la palissade et probablement aussi de la muraille, une rangée de pieux supportait sans doute un chemin de ronde (fig. 49, d).
Le matériel archéologique que nous avons recueilli au cours de l'explora-tion des structures défensives témoigne, par son abondance, d'une accupation importante du site. Vingt-deux pièces de monnaie identifiées par Melle
J.
Lal-Iemand, du Cabinet des Médailles de Bruxelles, attestentune accupation dans la seconde moitié du IVe siècle. En effet, dix-neuf pièces ont été frappées entreles années 341 et 402. Néanmoins, Ie Chateau Renaud aurait livré auparavant des monnaies frappées sous Ie règne de Constantin (Archéol. 1973, 15). Par ailleurs, nous avons récolté de nombreux tessons de terre sigillée dont plu-sieurs sont ornés à la roulette, des fragments de vases en verre multicolore et quelques objets en fer et en bronze dont la qualité témoigne de la prospérité
économique des accupants du refuge.
