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Une caméra dans la nuit.

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Academic year: 2022

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Une caméra dans la nuit.

Nuit complètement surréaliste. Il est trois heures dans une heure ( ?) et je repars en investigation. Me voilà promu "officier" et surtout chauffeur de la police congolaise !

Depuis 22h je conduis un groupe de policiers dans tous les coins de Lubumbashi à la

recherche des shégués (jeunes vagabonds qui vivent de vols et violences) qui ont volé la/ma caméra. La police n'a pas les moyens d'investigation et j'ai une Land Cruiser 4X4 de type missionnaire(s) qui peut véhiculer 10 passagers sur banquette c’est-à-dire en RDC une bonne quinzaine. J'ai du carburant et je mets mes qualités de conducteur 4x4 au service de la police car il est exclu de leur laisser le véhicule qui alors servirait à tout sauf à mener l'enquête.

Commence des courses-poursuites, arrestations, et bagarres dans la ville. Un shégué tente de s'emparer du fusil-mitrailleur d'un policier dans le véhicule que je conduis, les coups pleuvent dans tous les sens. Je roule en catastrophe pour entrer le véhicule dans la cour intérieure du commissariat central avant l'irrémédiable. Le gars est capable de tous nous massacrer.

Inimaginable ... Des (S) shégués squattent sur le toit de la mairie à côté du commissariat, tout est possible. Ils se dénoncent l'un l'autre et puis me demandent devant les policiers la prime de

"motivation" - c'est le terme poli pour dire matabiche - pour avoir bien collaboré à l'enquête

!!! Là je suis sur mon cul.

Finalement par recoupement après avoir arrêté plus d'une vingtaine de shégués ramenés au poste, nous retrouvons caché dans le quartier du golf, le chef de bande "Karibou", un petit de 15 ans maximum, qui est considéré comme le plus redoutable des voleurs de Lubumbashi et qui donne ses ordres aux grands. Calme, serein, très pro, il nous amène devant une grosse maison bourgeoise d'un cambiste à qui il a donné la caméra pour une avance (une avance seulement? Combien lui a-t-on promis ?) de 3.000 FC (6 dollars) et un vieux GSM qui ne fonctionne plus. Pauvre gosse, il ne peut imaginer que la caméra et les accessoires (vaux) valent plus de 10.000 dollars ! La police ne peut cependant intervenir de nuit sans mandat d'arrêt. Je repars donc avec eux au commissariat pour revenir vers 5h chez le cambiste bien connu sur la place de Lubumbashi, et qui est en fait un des principaux receleurs qui téléguide les shégués.

De retour au commissariat "Karibou" désigne, très calmement et sans le moindre scrupule, dans le lot de 20 suspects potentiels (c) ses 4 complices. Les autres sont libérés. C'est alors à la police de demander sa prime de motivation (en monnaie sonnante et trébuchante). Je reconnais le bien fondé de leur demande, précisant que tout travail mérite salaire, mais je préfère retarder les échéances, prétextant que je dois rechercher de l'argent à l'appart et que je préfère les dédommager une fois la caméra retrouvée, ce qui n'est pas encore sûr à 100 %. Le commissaire en expert (es- ?) des shégués, qui arrête Karibou une fois pas semaine, me certifie que c'est le meilleur voleur de la ville mais qu'il ne ment jamais et (à) a déjà fait tomber quelques receleurs. Karibou confirme : "Je suis un voleur, pas un menteur." Dont acte.

Malheureusement nous n'avons pas de caméra of course car elle est justement volée. Et je rate de belles et fortes séquences du film ou au minimum du Making Of. Dommage, cette

complicité entre policiers et shégués, faite à la fois de coups violents, mais aussi d'humour, de dialogues et (de complicité) d’entente dans l'enquête (car nous avions quelques shégués qui guident la police dans ses recherches de caches) est totalement surréaliste.

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Et je ne parle pas de l'épisode de la recherche d'un bic pour la déclaration. Après (bien des recherches de stylos et) bien des tentatives avec de vieux bics qui ont rendu l'âme, le commissaire déclare abandonner l'idée d'une déclaration manuscrite qui de toute façon ne changera rien à la situation.

Tout cela en crachant mes poumons, car depuis deux jours, je suis malade avec les bronches dans un sale état.... mais enfin on ne vit cela qu'une fois dans sa vie.

2e épisode

On repart donc se poster avant le lever du jour et cerner la maison du receleur. Il est 5h du matin et la police à l'obligation légale d'attendre 6h pour intercepter le gaillard à sa sortie.

Notre guide le fameux Karibou. Là descente dans les milieux huppés et influents de

Lubumbashi. Nous sommes devant la maison du fils d'un riche médecin. Le gars sort avec un tuyau d'arrosage pour humidifier l'entrée de la villa. Le gosse vient simuler de lui vendre une cassette DVD en complément (c'est le piège). Il est pris la main dans le sac et emmené de force par la police. Il se débat, hurle, appelle au secours son gardien et les voisins, asperge d'eau les policiers, s'accroche à son tuyau d'arrosage qui continue à asperger tout l'intérieur du véhicule, mais est maîtrisé. Il nie bien évidemment et accuse le gosse de mensonge et ne comprend pas que l'on prête l'oreille aux racontars d'un petit voyou alors que lui est fils d'un réputé médecin, de bonne famille, grand commerçant international, cousin du gouverneur, frère de la directrice de la célèbre TV commerciale katangaise Mangaza. Mais il ne semble pas impressionner les policiers qui en ont sans doute déjà vu d'autres. Une seule baffe et il tombe en pleurs en disant que ce n'est pas lui, que c'est son cousin qui l'a entraîné et qui a caché la caméra chez lui.

Nous partons donc avec le gaillard à la recherche de ce fameux cousin vers la villa de la patronne de l'INSS (expliquer) dont il serait le beau-frère. Là les policiers trouvent non pas un garde privé, mais bien un autre policier avec son fusil-mitrailleur engagé par les propriétaires.

Celui-ci qui arrondit ses fins de mois comme il peut n'a d'autre choix que de se mettre au garde à vous devant ses supérieurs et de se mettre à leur (s) disposition (s). Il signale que le cousin n'est pas dans la villa mais dans une autre parcelle du quartier huppé du Golf. Le propriétaire de cette autre parcelle n'est autre que le comptable de la société HyperSaro, la plus grosse société commerciale du Katanga. Réveillé vers 7h, le (garçon) cousin nie

évidemment tandis que les femmes de la maison, éplorées, (nient également et) dénoncent à grands cris le scandale et l'erreur judiciaire chez des gens respectables. Mais quand les policiers le confrontent à son cousin menotté et accusateur, sorti du véhicule, il ne peut que reconnaître que la caméra est bien cachée dans sa chambre et demande aux femmes qui essuient leurs larmes d'aller la chercher (la caméra) dans la maison. Le pauvre bougre se sent trahi par un membre de la famille qui l'accable de tout, disant qu'il avait tenté en vain de (le) dissuader (ce) son cousin de garder cette caméra, que lui est innocent et que c'est ce cousin inconscient qui est la cause de tous ses malheurs etc... Le cousin n'en croit pas ses yeux de voir son frère de sang m'implorer de demander aux policiers de le délivrer car il est quelqu'un de respectable et respecté. Ils (qui ? Ce n’est pas tout le temps clair dans ce passage qui est qui) avaient acheté la caméra pour 3.000 FC (6 dollars) et un vieux téléphone cellulaire en panne.

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La police a été très efficace, à la manière africaine. (Mais i) Ils ont réussi à faire parler (l'un après l'autre) tous les intermédiaires qui ne savaient, bien sûr, rien sur rien et qui se disaient tous innocents !

Mais au retour j'ai dû m'interposer pour que l'enfant (qui? le nouveau détenu ?) ne soit pas battu c’est-à-dire (chicoter) chicoté comme à l'époque coloniale, ce qui est (toujours) l'habitude dans ces cas. Comble de l'absurde, l'enfant me demande de l'argent puisqu'on a retrouvé la caméra. Et pire, séduit par ce garçon dont j'apprécie la détermination et la sérénité, j'ai failli lui (en) donner quelques dollars, en cachette des policiers ...

Commence/Commencent (?) alors les négociations de prime de "motivation" car les policiers précisent que si je donne tout au commissaire, ils ne recevront rien de rien alors qu'ils ont investigué avec succès toute la nuit. Je leur propose un deal, je leur donne la moitié soit 50 dollars (plus d'un mois de salaire). Mais ils veulent surtout que le commissaire ne soit pas au courant sinon il va les racketter. Le commissaire cependant trouve "petit" de recevoir 50 dollars, mais j'avais prévu la situation et (sort) sors de ma poche 50 autres dollars en

demandant qu'il appelle le chef de section qui a mené l'enquête de terrain. Et précise que si je rajoute 50 dollars c'est pour qu'il fasse un partage équitable. Les visages se décrispent,

sourires et remerciements et il souhaite/ils souhaitent (?) que Dieu me bénisse dans ma mission.

Un peu plus tard ils négocieront sans doute la libération des 2 cousins contre une autre prime de motivation. Ce fut une bonne nuit pour les policiers(,) ; en quelques heures, ils auront doublé leur salaire mensuel.

L'enquête en Belgique aurait duré 6 mois sans résultats si ce n'est de faire payer la caméra par l'assurance. Les méthodes policières ici sont un peu expéditives mais beaucoup plus efficaces.

J'ai retrouvé ma caméra, une nouvelle journée ensoleillée commence sur le Katanga, les creuseurs retournent dans leurs galeries, les patrons consultent Internet pour connaître les cours de cuivre et la valeur de leurs actions. Et je vais me coucher.

Thierry

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