LE CHÁ TEAU DE MONTRAGUT À ROCHEHAUT
Le chäteau de Mantragut est accroché aux Crêtes de Frahan, à près de 85m au-dessus de la Semois. Ce véritable nid d'aigle domine Ie village qu'entoure la rivière (fig. 67). Implantée à l'endroit précis ou se retrécit Ie méandre, la fortifica-tion est à peu près inaccessible et la largeur du chemin qui y monte à travers les roehers escarpés ne laisse de passage que pour un seul horurne à la fois.
Fig. 67. Carte de situation.
Le chäteau de Mantragut présente Ie plan classique d'un rectangle irrégulier de maçonnerie sèche avec tours saillantes aux angles (fig. 68). Les courtines ont une largeur de I m 55 etenserrent un espace intérieur proche de 20 m sur I 0 m. Ces tours ont un diamètre constant de 6 m. Les tours septentrionales et occidentales sont creuses et libèrent une surface interne de 2 m au maximum. La tour méridionale,
fort mal conservée, ne dépasse guère Ie niveau des fondations. A l'est, Th. Delogne affirme avoir retrouvé, en I914, les vestiges d'une quatrième tour, maïs les
115
0 4m
\
2~800 Fig. 68. Plan de fouilles.
I
LE CHÁTEAU DEMONTRAGUT À ROCHEHAUT 117
recherches récentes n 'ont pas permis d' en retrouver des traces (22). A I' emplace-ment présumé de cette dernière tour, se profile aujourd'hui un petit mamelan rocheux au on ne décèle cependant aucune construction. Cette tour n' a sans doute jamais existé. L'endroit est inaccessible et des à-pies d'une quinzaine de mètres offrent une proteetion naturelle suffisante. Une reconstitution du plan, à partirdes éléments connus, démontre clairement l'impossibilité même, faute de place, de construire une quatrième tour à eet endroit(23) (fig. 69).
Les détails de la topographie intérieure du chäteau permettent d'entrevoir l'économie générale de la construction. Au milieu de la cour intérieure inachevée se dresse eneare aujourd'hui un fort piton rocheux, vestigede la crête primitive et carrière de matériaux pour le chäteau (Arch. Belg. 203, 8). Les pierres parfois imposantes trouvées dans les murailles excluent toute éventualité de halage. Elles ont été arrachées au sommet rocheux et descendues, pour trouver ensuite leur place dans les courtines. L'avantage pour les constructeurs est ici évident: rapidité de mise en reuvre des matériaux et engins de halage et de levage réduits au strict minimum. Cette économie de rnayens se perçoit aussi dans l'utilisation, là ou
c'était possible, du massig rocheux taillé et intégré aux murs.
La présence de cette carrière improvisée, eneare fort excarpée aujourd'hui, au milieu des murs dressés tout autour, prouve l'état d'inachèvement des ruïnes. La cour n'est pas nivelée et il n'est même pas certain que la courtine, au sud-est, ait jamais été construite ou alors il n'en reste rien. L'histoire elle-même reste muette au sujet de ces restes et le << Livre et recueillede la Duché et Pays de Bouillon ... "
manuscrit de 1576, autrefois conservé aux archives de la villede Bouillon, cite des chäteaus plus anciens, comme ceux de Liresse et de Chäteau-le-Duc maïs ne mentionne pas Montragut.
Seule la typologie permet de dater la fortification après le début du XIIIe siècle. A cette époque, en effet, Philippe-Auguste, roi de France, développe sa <<formule» de construction reetangulaire a vee tours flanquantes au x angles. L'
ab-sence totale de matériel archéologique ne permet cependant pas d'apporter des
précisions chronologiques supplémentaires.
Ainsi, au travers de ces quelques rares vestiges d'une fortification à peine esquissée dans Je paysage, le chäteau de Mantragut fait figure de << chäteau adultérin >>.
A. MATIHYS, G. HOSSEY
22 Th.
DELOGNE, Le <<chäteau de Montragu» à Frahan, Ann. lnst. Arch. Lux. 48, 1913, 421-423, m, Ann. lnst. Arch. Lux. 50, 1919, 175-177.