HABITAT DE LA TÈNE I À ELLIGNIES-SAINTE-ANNE
En 1970, à l'appel de M. Léonce Demarez, nous avons entrepris en collaboration avec Meile Hélène Remy, quelques sondages dans un site de l'age du fer à Ellignies-Sainte-Anne, commune du Hainaut occidental fusionnée récemment à Belceil (Archéol. 1970, 83-84). Aux sourees de la Dendre, le gisement appartient aux bas plateaux limoneux particulièrement fertiles qui connurent une accupation assez intense dès le début de l'époque néolithique (Archéol. 1970, 17-21). L'habitat est situé au lieu-dit Champ de la Chaussée, près du Bourriau, à 250 m de l'ancienne route romaine, la chaussée Brunehaut, qui reliele hameau de Sainte-Anne à la localité de Quevaucamps (fig. 19). 11 est assez curieusement établi à proximité d'un sommet exposé aux vents domi-nants et à une certaine distance d'un point d'eau.
En 1969, l'inventeur du site, M.L. Demarez, avait exploré deux fosses qui renfermaient un matériel céramique ~bondant. Du 24 novembre au 11 dé-cembre 1970, nous avons poursuivi l'e~ploration de l'établissement dans le seul champ qui était alors en jachère, dans la parcelle 768 de la section B (fig. 19) (17
). Nous avons ouvert quatre tranchées couvrant une surface totale
de 82m2, aux endroits ou letest de la sonde se révélait positif. Sous l'horizon
humifère, nous avons découvert plusieurs poehes de forme irrégulière, lon-gues de 1 à 2,50 met qui s'enfonçaient à des profondeurs oscillant de 0,30 à 0,60 m sous la surface actuelle. Celles-ei étaient remplies d'argile grise ou noire et dépourvues de vestiges archéologiques. Nous avons recoupé une fosse peu profonde munie d'un fond incurvé et de parois obliques, fouillée en 1969 (fig. 19: tranchéeB) et achevé l'exploration d'un large dépotoir partiel-Iement fouillé par M. Demarez (fig. 19: tranchée C). De forme ovale, ce dernier avait des dimensions importantes: 3,30 sur 2,60 m d'axes etun fond en cuvette à 1,25 m sous la surface. 11 renfermait une argile de couleur gris foncé au centre, flanquée d'une terre plastique gris clair ou blanchatre sur les bords.
Ce dépotoir a livré un grand nombre de tessons céramiques, quelques kil os de petits fragments de torchis de couleur orangée ou greige, deux fusaïoles (fig. 20, 26-27), quelques silex taillés, plusieurs os d'animaux, des petits charbons de bois épars et un aiguisoir en grès (fig. 20, 28). Le matériel recueilli dans les deux dépotoirs par M. Demarez comprend en outre un fragment de peson et deux petits tuyaux de bronze.
Le matériel céramique comporte une centaine de tessons de poterie fine de couleur grise, parfois greige; la pa te dure renferme de la fine chamotte et la surface est lisse ou légèrement poreuse. La céramique épaisse est représentée par quelque six cents tessons dont la moitié offre une surface« éclaboussée ».
Les fragments proviennent généralement de grands ré_cipients à paroi épaisse;
17 Nous remercions vivement M. Demarez qui nous a aidé dEcacement à la réalisation de cette fouille et qui
a bien voulu nous confier Ie matériel qu'il avait récolté en 1969. L'étude des pierres taillées a été effectuée par D. Cahen.
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Fig. 19. Le site rcporté sur la carte oro-hydrographique ct les tranchées de 1970 situées sur un extrait du plan cadastraL
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la surface extérieure a une couleur beige ou brun clair taudis que la paroi intérieure et Ie noyau sont souvent gris. La pate assez dure et homogène contient de la chamotte épaisse en guise de dégraissant. La surface est som-mairement égalisée et rugueuse.
Le répertoire décoratif est assez réduit. N euf tessons de poterie fine sont rehaussés d'un décor peint (fig. 20, nos 1-4). La plupart appartiennent à des cistes et portent des bandes de couleur rouge grenat uni alternant avec des croisillons ou des traits obliques parallèles de couleur beige sur fond gris foncé ou greige (fig. 20, n°s2-3). Par ailleurs, une coupelle carénée de type «jogas-sien » est agrémentée d'un motif de croisillons de couleur beige bordé de bandes rouge grenat (fig. 20, n° 4). U ne cinquantaine de fragments de cérami-que assez soignée portent un décor de stries parallèles verticales, creusées profondément dans la pate à 1' aide d'un peigne (fig. 20, nos 5-7). Les stries couvrent presque toute la panse de plusieurs urnes carénées. Par ailleurs, un seul tesson porte des réseaux divergents de stries parallèles fort larges et peu profondes tracées au peigne (fig. 20, n° 8). Dans l'éventail des décors, il est important de souligner !'absence totale d'impressions au doigt ou à l'ongle, d'encoches et de décors géométriques incisés. Par ailleurs, nous n'avons pas remarqué de bourrelet ou de cordon horizontal qui pourtant agrémentent souvent ce type de céramique.
Les formes sont également peu variées. La poterie de qualité est nette-ment influencée par la céramique marnienne. Elle comporte en effet des coupes très anguleuses pourvues d'un haut col cylindrique ou tronconique (fig. 20, n°s4, 11-14) dont l'une possède un fond bombé et légèrement ombili-qué. On y trouve aussi de grands récipients presque cylindriques ou tronconi-ques, à fond plat et sans lèvre appellés cistes ou pots à fleurs (fig. 20, nos 1-3,1 0) et des urnes à carène très vive et long col vertical ou oblique (fig. 20, nos 15-17). Ces trois types de vase, comme la présence de décors peints, témoignent de contact étroits avec la civilisation de la Champagne à l'aube du secoud age du fer. Il faut signaler aussi la présence de fragments d'une coupe à bords ourlés en festons dite «coupe en parasol» de facture assez grossière, munie de bords fortement rabattus à 1' extérieur et à l'intérieur à la fois (fig. 20, n° 9). Ce type, assez répandu dans les sites d'habitat de Belgique et du nord de la France, semble destiné à un usage domestique bien particulier (voir L'Ant. Class. 42, 1973, 417 -425). Enfin, la plupart des tessons de céramique épaisse appartien-nent à des vases de forme atypique, essentieHement utilitaires: les panses présentent parfois de légères carènes, les bords sont verticaux ou évasés et les fonds, plats (fig. 20, nos 18-25). Néanmoins quelques tessons percés de plu-sieurs trous proviennent sans doute d'une passoire.
L'ensemble de la céramique s'apparente étroitement à celle du nord de la France, en particulier de l'Oise et de la Somme. Ainsi, la poterie rehaussée de bandes de peinture rouge grenat et de motifs géométriques marqués par des filets de couleur beige, de même que la céramique peignée sont attestées dans plusieurs sites datés, selonA. Duval et Cl. Blanchet, de la phase la de La Tène: à Thiverny, V erberie, Longueil-Sainte-Marie et Famechon (Rev. Arch. Oise 7, 1976, 49-50; Cahiers Arch. Picardie 3, 1976, 63-73). Les coupes carénées de type
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«jogassien », les cistes et les coupes à bord festonné sont aussi représentées dans la plupart de ces habitats. Enfin, il convient de signaler les affinités de la céramique d'Ellignies avec celle de la fortification du Mont Kemmel, en Flandre occidentale, ou 1' on rencontre des coupes «jogassiennes » associées à des cistes et des urn es très carénées (Arch. Belg. 131, fig. 7).
Cinq silex taillés trouvés lors des fouilles de 1970 ont déjà été étudiés par D. Cahen (Bull. Soc. roy. beige Anthrop. Préhist. 87, 1976, 29-36). 11 faut y
a jouter quinze au tres artefacts provenant des fouilles effectuées en 1969. Parmi ces quinze pièces, on en compte sept portant des traces qui sont peut-être dues à l'utilisation, cinq éclats dont l'un provient du débitage d'une hache polie, deux fragments d'éclat et un déchet.
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Fig. 21. Silex taillés. Ech. 1/1.
On remarquera tout particulièrement la présence de deux fragments proximaux de la me dont les bords ont été arrondis et polis par l'usage (fig. 21).
L'observation au microscope à un grossisserneut de 200 X révèle la présence de stries perpendiculaires à l'allongement du cöté émoussé. Ce poli résulte d'une utilisation sur une matière assez dure et abrasive, peut-être de la poterie. Cette trace d'usage très particulière a déjà été trouvée à deux autres reprises dans un contexte archéologique de l'age du fer, à Orp-le-Grand et à Lon-glier-Massul.
