• No results found

Le personnage de Cosette dans deux adaptations des Misérables de Victor Hugo

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Share "Le personnage de Cosette dans deux adaptations des Misérables de Victor Hugo"

Copied!
57
0
0

Bezig met laden.... (Bekijk nu de volledige tekst)

Hele tekst

(1)

Le personnage de Cosette dans deux

adaptations des Misérables de Victor Hugo

(2)

Le personnage de Cosette dans deux

adaptations des Misérables de Victor Hugo

(3)

Table des matières

Introduction...3

Chapitre 1 : Les Misérables de Victor Hugo...6

1.1 : Victor Hugo...6

1.2 : Intrigue...7

1.3 : Mouvement littéraire...10

1.3.1 : Le romantisme...10

1.3.2 : Le réalisme...11

1.3.3 : Le romantisme dans Les Misérables...12

1.3.4 : Le réalisme dans Les Misérables...14

1.4 : Narratologie...15 1.5 : Style propre...17 1.6 : Le personnage de Cosette...20 1.6.1 : Sa présence et sa fonction...20 1.6.2 : Son itinéraire...21 1.6.3 : Son apparence...22 1.6.4 : Son caractère...24

Chapitre 2 : Adaptation en bande dessinée...27

2.1 : Adaptation et changements au niveau de l’intrigue...27

2.2 : Présence et fonction de Cosette...31

2.3 : Son apparence...32

2.4 : Son caractère...35

2.5 : Conclusion partielle...37

Chapitre 3 : Adaptation en film musical...39

3.1 : Adaptation et changements au niveau de l’intrigue...39

3.2 : Présence et fonction de Cosette...41

3.3 : Son apparence...43 3.4 : Son caractère...44 3.5 : Conclusion partielle...46 Conclusion...48 Bibliographie...52 Annexe...54 Samenvatting...55

(4)
(5)

Introduction

Ce mémoire de fin d’études est consacré aux Misérables, c’est-à-dire à « l’œuvre la plus populaire et la plus universellement connue » de Victor Hugo.1 Le roman, paru en 1862, est

bâti en cinq parties et le récit s’organise autour de plusieurs personnages qui ont tous connu des misères dans la vie. Le personnage principal, Jean Valjean, a, par exemple, passé dix-neuf ans en prison pour le vol d’un pain. Un autre exemple d’un tel misérable est Fantine qui est obligée de confier sa fille, Cosette. En montrant que ses personnages sont des victimes d’inégalités sociales, Victor Hugo condamne la société de son époque. Aujourd’hui, Les Misérables a été traduit en plus de trente langues et le roman a fait l’objet de nombreuses adaptations.2

Dans le présent mémoire, nous examinerons comment le personnage de Cosette est présenté dans l’œuvre originale de Hugo ainsi que dans deux adaptations de l’œuvre, à savoir : la bande dessinée de Classics Illustrated, parue en 1961, et le film musical de Universal Pictures, paru en 2012. Nous voulons découvrir quelles sont les similitudes et quelles sont les différences en ce qui concerne ce personnage, en procédant par la comparaison entre les adaptations et la version originale. Dans quelle mesure restent-elles fidèles à la version dans Les Misérables de 1862 ? Ceci est l’une des questions principales de ce mémoire.

En ce qui concerne la définition exacte d’une adaptation, Linda Hutcheon explique dans son livre A Theory of Adaptation qu’une adaptation peut être décrite comme « an acknowledged transposition of a recognizable other work or works ».3 Elle explique de plus

que :

If we know the prior text, we always feel its presence shadowing the one we are experiencing directly. When we call a work an adaptation, we openly announce its overt relationship to another work or works. It is what Gérard Genette would call a text in the “second degree” (1982: 5), created and then received in relation to a prior text. This is why adaptation studies are so often comparative studies (cf. Cardwell 2002: 9). 4

1 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 3.

2 Lhermitte, C., « A Jakobsonian Approach to Film Adaptations of Hugo’s Les Misérables », Nebula, 2005, p. 102. 3 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 8.

(6)

Le présent mémoire constitue donc une tel étude comparative. Celle-ci peut être particulièrement importante, car les adaptations sont omniprésentes de nos jours.5 Dans A

Theory of Adaptation, nous pouvons lire que 85% des films ayant gagné l’Oscar du meilleur film sont des adaptations. Pour cette raison, Linda Hutcheon affirme dans son livre que « there must be something particularly appealing about adaptations ».6 L’année dernière, le

film Beauty and the Beast l’a confirmé aussi. Celui-ci était une nouvelle adaptation de Disney en prise de vue réelle et qui fut un énorme succès commercial puisque le film a rapporté 1 263 521 126 $ de recettes dans le monde entier.7 L’adaptation était le deuxième plus gros succès

de l’année 2017, juste après Star Wars: The Last Jedi.

Ajoutons à cela que Les Misérables de Victor Hugo est également contemporain. La comédie musicale de Broadway vient tout juste de s’achever en 2016 et, comme nous l’avons déjà dit, en 2012 un film musical est sorti au cinéma partout dans le monde. Selon Tom Hooper, le réalisateur, ce qui explique le caractère contemporain de l’œuvre sont les thèmes intemporels. Il dit dans un interview en 2012 :

I think, you know, Victor Hugo, 150 years ago, was furious about the level of

unacceptable poverty in the world he saw around him and then in many ways his work was a tirade against, you know, injustice. Now we live in a world with a tremendous anger about a rising economic inequality and there’s revolutions in the Middle East and seismic shifts happening. So oddly, it remains as topical now as it was 150 years ago. 8

Par ailleurs, Hooper explique que l’œuvre reste contemporain, car il y a de nombreuses situations auxquelles l’on peut s’identifier. Il nomme comme exemple les difficultés de paternité de Jean Valjean et l’amour non partagé d’Éponine, la demi-sœur de Cosette. Victor Hugo, lui-même, a également souligné l’intemporalité de son œuvre. Il dit, dans la courte préface qui précède Les Misérables :

Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; (…) tant que, dans certaines régions, l’asphyxie

5 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 2.

6 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 4.

7 http://www.boxofficemojo.com/movies/?id=beautyandthebeast2017.htm

8 Hooper, T., Interview, Les Misérables director Tom Hooper on Hugh Jackman, Reportage Online, Youtube, 26 déc. 2012.

(7)

sociale sera possible ; (…) tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.9

La réflexion du présent mémoire est construite en trois étapes : nous traiterons, dans un premier temps, Les Misérables de Victor Hugo en examinant l’écrivain, l’intrigue, le mouvement littéraire, la narratologie, le style et le personnage de Cosette (1). Dans un deuxième temps, nous aborderons la bande dessinée de Classics Illustrated (2) et, finalement, nous analyserons le film musical de Universal Pictures (3). En examinant les deux adaptations, nous suivrons une structure fixe. Nous commencerons par discuter de l’adaptation en elle-même, ensuite nous traiterons la présence et la fonction de Cosette, puis nous analyserons son apparence et, enfin, son caractère.

(8)

Chapitre 1 : Les Misérables de Victor Hugo

1.1 : Victor Hugo

En 1802, Victor Hugo, « patriarche de la littérature française », naît à Besançon, une ville dans l’est de la France.10 Il était le troisième fils d’un couple désuni. Son père, Joseph Léopold

Sigisbert Hugo était un général de l’armée à l’époque de la Révolution française. De facto, cela signifiait qu’il était rarement présent pour ses fils. Novarino et Mandopoulos disent, dans Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, que « le courageux combattant qui terminera sa carrière en 1815 avec le grade de général et qui avait acquis celui de comte de Sigüenza en Espagne se révélera d’une mesquinerie incroyable à l’égard de celle qui deviendra rapidement son ex-femme et de ses fils ».11 Cette ex-femme, la mère de Victor Hugo, était Sophie

Trébuchet. Elle était jacobine et, de plus, une adepte des idées de Voltaire. Ceci veut dire que Sophie était contre l’inégalité sociale et en faveur de la souveraineté populaire.12 On sait

également qu’elle adorait les jardins, « y compris les jardins parisiens » disent Novarino et Mandopoulos.13 C’est une passion qu’on retrouve souvent dans les romans de Hugo – nous y

reviendrons au 1.2.

Victor Hugo a vécu à Paris durant toute son enfance. Nous verrons que cette belle ville a joué un rôle capital dans son œuvre. Novarino et Mandopoulos parlent même d’une « force de la relation entre l’écrivain et la capitale ».14 Ces deux auteures affirment que c’est à Paris

que Hugo entre au Lycée Louis-le-Grand pour assister aux classes de mathématiques et de philosophie. Néanmoins, il consacre tout son temps à l’écriture. En 1822, à l’âge de vingt ans, Victor épouse la jeune Adèle Foucher, une amie d’enfance. C’est avec elle qu’il aura cinq enfants. Onze ans plus tard, en 1833, Victor rencontrera Juliette Drouet qui deviendra sa maîtresse ou, plutôt, sa « femme de l’ombre ».15 Selon Novarino et Mandopoulos, elle eut

« dans la vie et dans la carrière de Victor Hugo, une importance au moins égale à celle d’Adèle ».16 Elle a partagé sa vie avec Hugo durant plus de cinquante ans.

10 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 3.

11 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 4.

12 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 5.

13 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 5.

14 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 7.

15 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 18.

(9)

Après avoir publié des œuvres comme Les feuilles d’automne, Notre-Dame de Paris et Ruy Blas, Hugo commence à écrire Les Misères en 1845. Durant ce moment, Hugo a été le témoin de la Restauration et du début de la monarchie de Juillet.17 Ces années-ci, de 1815 à

1833, correspondent également à la période durant laquelle se déroule l’action des Misères. Près de vingt ans plus tard, le roman devient Les Misérables, comme l’expliquent Novarino et Mandopoulos. Selon elles, le roman qui a été publié finalement en 1862, après avoir été interrompu à plusieurs reprises, « connaît un succès immédiat ».18

1.2 : Intrigue

Comme cela a déjà été indiqué plus haut, le roman Les Misérables se divise en cinq parties. La première partie s’intitule Fantine. En revanche, celle-ci débute avec notre héros Jean Valjean, un grand homme, qui a passé dix-neuf ans au bagne pour le vol d’un pain. Cette ironie peut déjà être interprétée comme une critique de Victor Hugo sur la société française de cette époque-là. Jean demande l’hospitalité à Digne, mais personne ne veut l’héberger à cause de son passé « criminel ». Il n’y a que l’évêque, monseigneur M. Myriel, qui lui offre un lit et un bon repas. Malgré la générosité de monseigneur Myriel, Jean Valjean lui dérobe deux chandeliers et s’enfuit. Le contraste entre les deux hommes dans cette scène est très bien représenté par Victor Hugo. Nous pouvons lire que « l’évêque endormi apparut comme dans une gloire », grâce au clair de lune.19 Jean Valjean est, en revanche, « dans l’ombre » avec les

chandeliers de fer à la main.20 Le lendemain, les gendarmes ramènent Jean Valjean à

monseigneur Myriel qui affirme, à notre grande surprise, que Jean est innocent. Cela est un moment clé de l’histoire, car cet acte de compassion inspire Jean Valjean à redevenir un honnête homme.

Par la suite, Fantine est introduite. C’est une jeune mère non mariée. Elle a été abandonnée par Tholomyès, un étudiant riche et égoïste, dont elle était amoureuse et qui est donc le père de sa fille Cosette. Fantine est forcée de confier sa fille à la famille Thénardier, un couple aubergiste à Montfermeil. Les Thénardier s’avèrent être des profiteurs et ils demandent à Fantine de plus en plus d’argent pour s’occuper de Cosette. En parallèle, la petite fille est traitée comme servante et sa situation ressemble beaucoup à celle de Cendrillon. 17 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 10.

18 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 42.

19Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 111. 20Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 111.

(10)

Cosette a, elle aussi, deux demi-sœurs, Éponine et Azelma. Finalement, Fantine est rejetée par la société car elle est une mère célibataire. Elle doit vendre ses cheveux et ses dents pour payer les Thénardier et, peu après, elle meurt. Victor Hugo montre donc très bien la position inégale des femmes dans la société à son époque à travers le personnage de Fantine.

La deuxième partie s’intitule Cosette. Elle débute par une description détaillée de la bataille de Waterloo. C’est une sorte de leçon d’histoire réalisée par Hugo qui, de cette manière, interrompt le récit des événements. Ensuite, la vie de Cosette chez les Thénardier est décrite. La pauvre fille, « si jolie et si fraîche à son arrivée dans cette maison, était maintenant maigre et blême ».21 À la fin de la deuxième partie, Cosette est sauvée par monsieur

Madeleine, un grand homme qui nous semble très familier. Il s’avère que Jean Valjean avait changé son nom et était devenu maire de Montreuil-sur-mer. Nous pouvons lire que Jean libère Cosette littéralement d’un poids sur les épaules :

En ce moment, elle sentit tout à coup que le seau ne pesait plus rien. Une main, qui lui parut énorme, venait de saisir l’anse et la soulevait vigoureusement.22

À partir de ce moment-là, Jean Valjean devient le père adoptif de Cosette.

Puis, dans la troisième partie, qui s’intitule Marius, nous rencontrons quelques nouveaux personnages. L’un d’entre eux est Gavroche, un enfant de rue parisien. Il est en fait le fils des Thénardier. On dit que Hugo s’est inspiré du tableau La Liberté guidant le peuple de Delacroix en créant Gavroche.23 Claire Gaspard dit dans Révolution, révolutionnaires que :

Gavroche incarne le peuple de Paris, peuple-enfant, sans instruction, mais libre, fondeur, toujours prêt à se révolter.24

Par ailleurs, Marius Pontmercy est introduit. Il est membre des Amis de l’ABC, un groupe révolutionnaire, et tombe amoureux de Cosette dans le jardin du Luxembourg. Ceci est une scène assez célèbre qui nous incite à nous demander si Hugo s’était inspiré, ici, de la passion de sa mère pour les jardins. Cosette et Jean Valjean font une promenade dans ce jardin chaque jour et Marius y vient pour la voir. Cosette est également amoureuse de Marius et elle essaie de cacher cela à son père. Un autre personnage présent dans cette partie est

21Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 159. 22Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 369.

23 Gaspard, C., "Révolution, révolutionnaires", dans P. Brunel, Dictionnaire des mythes littéraires, Éd. du Rocher, Lonrai, 1994, p. 1218-1221.

24 Gaspard, C., "Révolution, révolutionnaires", dans P. Brunel, Dictionnaire des mythes littéraires, Éd. du Rocher, Lonrai, 1994, p. 1218-1221.

(11)

Javert, l’inspecteur du bagne où Jean Valjean a passé dix-neuf ans. Il n’a jamais cessé de rêver d’emprisonner Jean et, à la fin de cette partie, il réussit presque à l’attraper. Jean Valjean lui échappe de justesse en s’enfuyant par une fenêtre.

La quatrième partie, intitulée L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis, étaye surtout des révoltes à la barricade. Jean Valjean est de nouveau notre grand héros en sauvant, non seulement Marius mais également Javert. En ce qui concerne cet acte d’héroïsme, il s’agissait plutôt d’un geste de compassion de la part de Jean, tel qu’il en avait lui-même reçu autrefois.

Enfin, la dernière partie s’intitule Jean Valjean et commence par le suicide de Javert qui se jette dans la Seine. Il y a des opinions différentes en ce qui concerne le motif de son suicide. Selon Claude Gély, Javert se met à penser « par la grandeur évangélique de Jean Valjean ».25 Il décrit l’inspecteur comme « déraillé », parce qu’il ne réussit pas à comprendre

cet acte de compassion.26 Plus loin dans cette dernière partie, après avoir rencontré quelques

difficultés, Marius et Cosette peuvent enfin se marier, ce qui est sentimentalement difficile pour Jean Valjean. Il a peur de perdre sa fille et il ne peut pas s’habituer à la solitude. Après une longue lutte intérieure, Jean avoue à Marius que Cosette n’est pas sa fille et qu’il est en fait un ancien forçat. Marius est horrifié par cet aveu et il rompt le contact avec Jean. De facto, Cosette s’éloigne également de lui. Elle manque fortement à Jean et, pour cette raison, il tombe malade. Il sait qu’il va mourir et il ne cesse de penser à Cosette :

Je vais entrer dans la nuit sans même la revoir. Oh ! une minute, un instant, entendre sa voix, toucher sa robe, la regarder, elle, l’ange ! 27

En parallèle, Marius découvre que c’était lui qui l’avait sauvé sur la barricade. Il se hâte d’aller voir Jean avec Cosette et ils arrivent juste à temps sur son lit mort. Nous pouvons lire dans les dernières phrases de l’œuvre – qui nous font penser au Père Goriot de Balzac – que « la lueur des deux chandeliers l’éclairait ».28 Jean Valjean se positionne donc, enfin, « à

la lumière ».

25 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 47.

26 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 47.

27Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 625. 28Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 648.

(12)

1.3 : Mouvement littéraire

Les Misérables est assez difficile à catégoriser en un seul mouvement littéraire. Le roman est souvent décrit comme étant un mélange d’un roman romantique et d’un roman réaliste. Il est donc catégorisé comme étant inclassable.29 Étant donné que la rédaction du roman a pris

dix-sept années, de 1845 jusqu’à 1862, nous pouvons déjà comprendre où le problème se situe.30 John Wood explique dans son article Romanciers français secondaires, 1830-1848 :

Romantisme ou Réalisme? qu’« on s’accorde, d’habitude, pour placer le triomphe du romantisme, en tant que mouvement cohérent, autour de 1830, et le début du mouvement réaliste autour de 1850 ».31 Véronique Anglard dit, dans ses Grands mouvements de la

littérature française, que ce n’est qu’en 1840 que le romantisme commence à s’étioler.32 Cela

prend environ dix ans pour que le réalisme se développe. Selon John Wood, c’est dans cette période que le romantisme et le réalisme s’entremêlent.33 Nous pouvons donc conclure que

Les Misérables a été rédigé pendant une période de transition du romantisme au réalisme et cela s’est manifesté dans le roman.

1.3.1 : Le romantisme

Véronique Anglard affirme que le romantisme était une sorte de « réaction contre le rationalisme triomphant des Lumières ».34 Les romantiques voulaient rompre avec la

conception selon laquelle la raison dominait les sentiments. De plus, ils voulaient se libérer des règles fixes du classicisme. Anglard explique qu’« alors que le classicisme codifie les formes et fixe les règles, le romantisme n’impose aucun art poétique précis ».35 Certains des

thèmes principaux d’un roman romantique sont : la nature et la nostalgie, ou bien encore, la mélancolie. Nous pouvons retrouver ces derniers, par exemple, dans Notre Dame de Paris, publié en 1831. C’est un roman assez caractéristique pour le romantisme. Véronique Anglard dit à propos de ces thèmes que « la nature offre à l’homme une retraite et éveille en lui le sentiment d’un manque, une nostalgie qui incite à la création ».36 Un autre thème du

29 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 42.

30 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 21.

31 Wood, J. S., « Romanciers Français Secondaires, 1830-1848: Romantisme ou Réalisme? », dans : Symposium:

A Quarterly Journal in Modern Literatures (Vol. 23, No. 3-4), p. 366.

32 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 638.

33 Wood, J. S., « Romanciers Français Secondaires, 1830-1848: Romantisme ou Réalisme? », dans : Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures (Vol. 23, No. 3-4), p. 366.

34 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 346. 35 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 707.

(13)

romantisme, qui est lié au thème de la nostalgie, est celui du mal du siècle. On l’appelle également le mal du vivre. Et, selon Anglard, il s’agit ici d’un « sentiment permanent d’insatisfaction ».37 Les écrivains romantiques expriment en fait leur mécontentement face à

la société. Leurs œuvres sont « l’ultime moyen pour échapper au démon d’un cœur désirant fatalement déçu ».38 Le mal du siècle est un thème majeur dans le roman Le rouge et le noir

de Stendhal, mais aussi dans le roman confidentiel René de Chateaubriand.

Deux autres thèmes récurrents sont : l’amour malheureux et la mort. Ce sont deux thèmes supplémentaires qui permettent également d’exprimer certains sentiments, dit Véronique Anglard. De plus, les deux sont souvent liés dans le roman romantique.39

Un dernier principe du romantisme dans la littérature est l’expression du moi, ou autrement dit, le culte du moi. Selon Judith Wulf, « l’inscription du moi au centre de toute activité d’écriture et de pensée est l’une des caractéristiques principales du romantisme ».40 Le

culte du moi se manifeste souvent dans les romans sous la forme d’une autobiographie. Prenons, par exemple, à nouveau, le roman René de Chateaubriand. Celui-ci est même écrit à la première personne du singulier. Le culte du moi peut se manifester également par une présence forte de l’écrivain en tant que narrateur. Judith Wulf explique que l’auteur « rappelle sans cesse sa présence comme origine du texte ».41 Le narrateur ne reste donc plus anonyme

dans les romans romantiques.

1.3.2 : Le réalisme

Au milieu du XIXe siècle, le réalisme « devient le genre dominant », affirme

Anglard.42 Le principe le plus important de ce mouvement était de représenter le réel le plus

fidèlement possible. Le but était d’exprimer la réalité. Les écrivains réalistes faisaient donc souvent reposer leurs scènes sur des données scientifiques.43 Véronique Anglard montre, dans

ses Grands mouvements de la littérature française, que « le héros ne peut plus s’imposer par ses vertus éthiques ou sa force exceptionnelle ».44 Pour ces raisons, une des caractéristiques du

37 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 702.

38 Carlier, M. C., [et al.] ; avec la collab. de S. Beauthier [et al.], XIXème siècle, série Itinéraires Littéraires, Paris, Hatier, 1988, p. 10.

39 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 702.

40 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 360.

41 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 361.

42 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 814.

43 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 770.

(14)

réalisme dans la littérature est que les écrivains racontent souvent des histoires réelles ou des événements qui ont véritablement eu lieu. Véronique Anglard se demande :

Qu’est que le réalisme, sinon la résultante d’une volonté de se poser en « historien » de la réalité de son temps ? 45

Une deuxième caractéristique du mouvement est que les écrivains réalistes utilisent des descriptions très détaillées dans leurs œuvres. Des événements, des endroits, des bâtiments, mais également des personnages sont décrits dans le moindre détail.46 En d’autres

termes, « la couleur locale » est très importante dans le roman réaliste. Balzac, « le père du réalisme », est un bon exemple d’un écrivain qui donne de telles descriptions.47

Une troisième caractéristique est ce qu’on appelle « l’esthétique du laid ». Il s’agit ici d’une « réaction de rejet à l’endroit du roman idéaliste ».48 Un exemple d’un écrivain qui

applique cela dans ses œuvres n’est personne d’autre que Gustave Flaubert.

Enfin, l’engagement de l’écrivain est la dernière caractéristique du réalisme. Dans Itinéraires Littéraires, on parle même d’une vraie « bataille réaliste » des écrivains.49 Il s’agit

ici de « susciter des réformes » et un « dévoilement d’un domaine de la réalité sociale aussi bien que humaine ».50

1.3.3 : Le romantisme dans Les Misérables

Pour en revenir à notre problématique de catégorisation des Misérables en un seul mouvement littéraire, prenons quelques exemples du romantisme et quelques exemples du réalisme dans le roman. En ce qui concerne les thèmes, Les Misérables a plusieurs caractéristiques du romantisme. La nature, la nostalgie, la mélancolie et l’amour sont tous présents dans le roman, chacun à sa manière. Premièrement, l’amour est un des thèmes principaux du roman. Nous pouvons voir que cela se manifeste de différentes manières. Il y a l’amour romantique entre Cosette et Marius, l’amour non partagé d’Éponine qui lui coûte la vie mais, également, l’amour paternel de Jean Valjean.

45 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 784.

46 Anglard, V., Les grands mouvements de la littérature française (Vol. 114), Seuil, 1999, p. 794.

47 Carlier, M. C., [et al.] ; avec la collab. de S. Beauthier [et al.], XIXème siècle, série Itinéraires Littéraires, Paris, Hatier, 1988, p. 419.

48 Carlier, M. C., [et al.] ; avec la collab. de S. Beauthier [et al.], XIXème siècle, série Itinéraires Littéraires, Paris, Hatier, 1988, p. 418.

49 Carlier, M. C., [et al.] ; avec la collab. de S. Beauthier [et al.], XIXème siècle, série Itinéraires Littéraires, Paris, Hatier, 1988, p. 418.

50 Carlier, M. C., [et al.] ; avec la collab. de S. Beauthier [et al.], XIXème siècle, série Itinéraires Littéraires, Paris, Hatier, 1988, p. 419.

(15)

Ensuite, la nostalgie est aussi un thème, qui est très présent dans le roman. Hugo décrit souvent de brefs moments où les personnages se rappellent certains événements du passé et qui éveillent chez eux des sentiments profonds. On en trouve un exemple à la fin du roman, quand Jean Valjean rentre après le mariage de Cosette et Marius :

Il alla à ce guéridon, avec une sorte de vivacité, prit dans sa poche une clef, et ouvrit la valise. Il en tira lentement les vêtements avec lesquels, dix ans auparavant, Cosette avait quitté Montfermeil ; d’abord la petite robe noire, puis le fichu noir, puis les bons gros souliers d’enfant que Cosette aurait presque pu mettre encore, tant elle avait le pied petit, puis la brassière de futaine bien épaisse, puis le jupon de tricot, puis le tablier à poches, puis les bras de laine.51

Le mal du siècle est aussi présent dans le roman. Victor Hugo dénonce dans Les Misérables les inégalités sociales de cette époque, comme nous l’avions déjà expliqué plus haut. La vie de Fantine est l’exemple par excellence de ces inégalités. Elle finit sa vie comme prostituée, après avoir dû vendre ses belles dents et ses cheveux :

Allons ! dit-elle, vendons le reste. L’infortunée se fit fille publique.52

Le culte du moi est la dernière caractéristique du romantisme qu’on peut trouver dans Les Misérables. Victor Hugo est très présent en tant que narrateur. Il occupe une place de narrateur omniscient qui permet, ainsi, aux lecteurs de suivre facilement le récit. Nous y reviendrons également au 1.4. Prenons un exemple reflétant la présence de Victor Hugo comme narrateur :

Au point de vue de l’orthodoxie, nous n’avons point à sonder M. l’évêque de Digne. Devant une telle (…). Que pensait-il de dogme-ci ou de ce mystère-là ? Ces secrets du for intérieur ne sont connus que de la tombe où les âmes entrent nues.53

1.3.4 : Le réalisme dans Les Misérables

En parallèle, le roman Les Misérables a également des caractéristiques du réalisme. La célèbre scène de la bataille de Waterloo en est un bon exemple. Dans ce chapitre, Victor Hugo

51Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 580. 52Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 185. 53Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 66.

(16)

nous donne une brillante description de ce qui s’est passé en 1815. Les descriptions sont très détaillées. Hugo consacre à cette scène tout un livre de la quatrième partie de l’œuvre. La couleur locale est en fait très bien représentée. Judith Wulf explique, dans son Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo, qu’il y a de nombreux passages dans le roman « qui donnent une importance particulière au détail ».54 Elle appelle ces interminables descriptions

des « hypotyposes ».55 Cette présence d’hypotyposes dans Les Misérables est davantage liée

au réalisme. Cette scène de la bataille de Waterloo nous montre de plus que Hugo parle des événements qui ont vraiment eu lieu.56 D’autres exemples sont les références à la Révolution

Française de 1789 que Hugo nous donne et les chapitres qui parlent des événements à la barricade en juin 1832.57 Selon Judith Wulf, « le traitement de l’histoire dans les romans est

emblématique de ce rapport à la réalité ».58

Un autre exemple du réalisme dans Les Misérables provient du fait que Victor Hugo tient compte de la vérité. Il mentionne à plusieurs reprises dans le roman si un énoncé est véridique ou ne l’est pas, dit Judith Wulf.59 Elle nous en donne un bon exemple dans Étude

sur la langue romanesque de Victor Hugo :

Ce que nous venons d’écrire semble étrange et pourtant est vrai.60

Et nous pouvons trouver un autre exemple dans la première partie :

Dans ces détails, le lecteur rencontrera deux ou trois circonstances invraisemblables que nous maintenons par respect pour la vérité.61

De cette manière, Victor Hugo nous fait prendre conscience de ce qui s’est passée réellement ou non.

L’esthétique du laid est également présent dans Les Misérables. Cela se manifeste surtout dans le roman sous la forme d’un style simple et sous la forme de « la parole

54 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 53.

55 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 71.

56 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 53.

57 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 11.

58 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 52.

59 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 47.

60 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 47.

(17)

populaire » – nous y reviendrons au 1.5.62 Finalement, Hugo montre dans Les Misérables qu’il

est un écrivain « engagé ».63 C’est notre dernier exemple des caractéristiques du réalisme

présents dans le roman. Nous avons déjà étayé plus haut comment Fantine était complètement ruinée à cause des inégalités entre les sexes. Victor Hugo dénonce, de cette manière, la société française de cette époque-là. Dominique Val-Zienta affirme, dans son Les misérables, l'Évangile selon « saint Hugo » ?, qu’« il est certain » que Hugo « a écrit un roman engagé » en 1862.

C’est donc pour ces raisons que Les Misérables est vu comme un roman « inclassable » et « hybride », qui combine à la fois le romantisme et à la fois le réalisme.

1.4 : Narratologie

Pour analyser les techniques et les structures narratives dans Les Misérables, nous utilisons la classification de Gérard Genette. Dans sa théorie littéraire, Genette fait une distinction entre « narrateur » et « focalisateur ». En bref, le narrateur est la personne qui raconte l’histoire. La question que nous nous posons souvent pour déterminer le type de narrateur est : « qui parle ? ». En ce qui concerne la focalisation, il s’agit de savoir de quel point de vue l’histoire est présentée. La question que nous nous posons alors est : « qui voit ? ». Débutons l’analyse narratologique du texte. Comment la narration et la focalisation sont-elles organisées ?

Les Misérables est écrit au passé et à la troisième personne au singulier. Pour bien l’illustrer, prenons les trois premières phrases du roman :

En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C’était un vieillard d’environ soixante-quinze ans ; il occupait le siège de Digne depuis 1806.64

Dans Les Misérables, Victor Hugo utilise un narrateur hétérodiégétique, ce qui veut dire que le narrateur n’est pas un personnage de l’histoire. Nous pouvons voir cela au travers de l’exemple ci-dessus. De plus, le narrateur se trouve à un niveau extradiégétique, ce qui veut dire que le narrateur n’est pas un personnage du récit. Le narrateur est donc complètement extérieur à l’histoire racontée et nous pouvons ainsi dire qu’il est «

62 Carlier, M. C., [et al.] ; avec la collab. de S. Beauthier [et al.], XIXème siècle, série Itinéraires Littéraires, Paris, Hatier, 1988, p. 282.

63 Val-Zienta, D., Les misérables, l'Évangile selon "saint Hugo"?, Paris, Editions L'Harmattan, 2012, p. 7. 64Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 17.

(18)

omniscient ». Notre narrateur omniscient est, sans aucun doute, représenté par Victor Hugo lui-même. Il sait tout de ses personnages, mais il semble également avoir des connaissances approfondies de la politique et de l’histoire de la France. De plus, Hugo s’adresse à ses lecteurs à plusieurs reprises, ce qui, à notre avis, renforce sa présence dans le roman. Un bon exemple d’une telle manière de s’adresser est :

Le lecteur a sans doute deviné que M. Madeleine n’est autre que Jean Valjean. Nous avons déjà regardé dans les profondeurs de cette conscience ; le moment est venu d’y regarder encore.65

Victor Hugo adopte dans Les Misérables ce que Gérard Genette appelle une focalisation interne à travers le regard des personnages. De cette manière, notre point de vue en tant que lecteur change au cours du roman. Nous lisons alternativement les perspectives de Jean Valjean et de Fantine, mais également les perspectives de Marius et de Cosette. Nous pouvons donc voir une certaine subjectivité des personnages et pour cette raison on parle d’un « réalisme subjectif » dans le roman.

Gérard Genette a construit un modèle pour analyser le temps narratif. Cette analyse se concentre sur plusieurs aspects, dont deux aspects sont la fréquence et le moment de la narration. La fréquence veut dire le nombre des fois qu’un événement s’est passé dans un roman. Le moment de la narration signifie le moment où le narrateur se situe par rapport aux événements racontés.

En ce qui concerne Les Misérables, la fréquence de la narration est répétitive, ce qui veut dire que le récit raconte plusieurs fois ce qui s’est passé une seule fois. Un bon exemple en est la scène dans le Jardin du Luxembourg dans la troisième partie, Marius, et la quatrième partie, Saint-Denis. Il s’agit de la scène où Cosette et Marius tombent amoureux. Cette scène est racontée plus d’une fois, d’abord du point de vue de Marius et après du point de vue de Cosette. Judith Wulf dit, dans Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo, que « la différence dans la répétition se rencontre dans l’utilisation du point de vue ».66

65Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 215.

66 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 248.

(19)

1.5 : Style propre

Dans son Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo, Judith Wulf décrit bien d’autres aspects du style qui est propre à Victor Hugo. Selon Wulf, un des aspects typiques du style de Hugo est qu’il insère dans Les Misérables ce qu’on appelle « la voix du peuple ».67

Un exemple de cette « parole populaire » se trouve dans le pronom on qui est fréquemment employé dans le roman. La citation suivante démontre bien cet emploi :

Les incidents qu’on va lire n’ont pas tous été connus à Montreuil-sur-mer, mais le peu qui en a percé a laissé dans cette ville un tel souvenir, que ce serait une grave lacune dans ce livre si nous ne les racontions dans leurs moindres détails.68

Comme le montre cet exemple, Victor Hugo exprime, en employant le pronom on, une « volonté d’effacer tout effet de hiérarchisation » des classes sociales, comme le dit Judith Wulf. Elle explique que le pronom on « donne la possibilité de réduire le réflexe sectaire qui consiste à évaluer une parole ou une pratique en fonction de la classe sociale à laquelle appartient l’actant qui la prend en charge ».69 Pour en revenir aux caractéristiques du réalisme,

cette parole du peuple peut donc être interprétée comme une forme de l’esthétique du laid, mais également comme une forme de l’engagement de Hugo.

Une autre particularité du style de Hugo est qu’il construit minutieusement le discours de ses personnages.70 Selon Wulf, il y a de nombreux dialogues dans le roman et elle affirme

qu’« une grande part du texte est en effet consacrée à la mise en scène des paroles ».71 Chaque

personnage dans Les Misérables a sa propre parole. Wulf donne comme exemple, pour illustrer ses propos, la parole de Jean Valjean lorsqu’il était fraîchement sorti de prison :

67 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 397.

68Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 209.

69 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 398.

70 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 374.

71 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 374.

Finalement, le moment de la narration dans Les Misérables est ultérieur, ce qui veut dire que Hugo raconte l’histoire après qu’elle se soit déjà produite. Nous en avons déjà vu un exemple, ci-dessus, qui démontre que l’histoire est écrite au passé.

(20)

L’hôte, entendant la porte s’ouvrir et entrer un nouveau venu, dit sans lever les yeux de ses fourneaux :

- Que veut monsieur ?

- Manger et coucher, dit l’homme.

- Rien de plus facile, reprit l’hôte. En ce moment il tourna la tête, embrassa en coup d’œil tout l’ensemble du voyageur, et ajouta : … en payant.

L’homme tira une grosse bourse de cuir de la poche de sa blouse et répondit : - J’ai de l’argent.72

Ces phrases montrent que Jean Valjean utilise des structures très courtes et simples pour s’exprimer.

Un troisième aspect du style de Victor Hugo, selon Judith Wulf, est qu’il utilise beaucoup de métaphores dans Les Misérables. Cette figure de style est en fait rarement présente dans les romans réalistes. De plus, Hugo utilise de nombreuses personnifications. Wulf dit que cette figure de style « est employée dans les romans de Hugo pour mettre en rapport des notations sensibles avec des éléments abstraits ».73 Un exemple en est :

La science et la superstition étaient d’accord pour l’horreur.74

Dans cette phrase, « la science » et « la superstition » sont personnifiées par « être d’accord ». Une quatrième particularité du style de Hugo est qu’il met souvent l’accent sur « l’altérité ». Selon Judith Wulf, l’altérité est « au cœur des romans de Victor Hugo ».75 Cela

veut dire qu’il y a souvent deux personnages complètement différents et qui sont confrontés l’un avec l’autre. Wulf constate que l’altérité « est tout d’abord thématisée sous la forme de la rencontre qui conduit à un choc, mais aussi parfois à un transfert de personnalité ».76

L’exemple par excellence dans Les Misérables serait le couple Jean Valjean et Monsieur Myriel au moment où ils se rencontrent au début du roman. Ce sont deux personnages complètement différents. Or, au cours du roman, cette différence s’amoindrit.

72Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 74-75.

73 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 64.

74Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 476.

75 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 98.

76 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 98.

(21)

Le dernier aspect typique du style de Victor Hugo est qu’il se réfère souvent à la poésie dans ses romans. Comme le dit Judith Wulf, « la poésie est présente dans les romans de Hugo sous la forme de références ».77 Un exemple de poésie dans Les Misérables, se situe à la

quatrième partie :

Subitement, au milieu de ce calme lugubre, une voix claire, jeune, gaie, qui semblait venir de la rue Saint-Denis, s’éleva et se mit à chanter distinctement sur le vieil air populaire Au clair de la lune cette poésie terminée par une sorte de cri pareil au chant du coq :

Mon nez est en larmes. Mon ami Bugeaud, Prêt’-moi tes gendarmes Pour leur dire un mot. En capote bleue, La poule au shako, Voici la banlieue ! Co-cocorico ! 78

C’est en fait Gavroche qui chante ce poème pour avertir Eljoras et Combeferre à la barricade. Il a évidemment changé les paroles de l’original d’une manière sublime. Nous pouvons non seulement voir que la poésie est mentionnée explicitement par Hugo, mais en plus, un poème complet, qui fait également office de chanson, est intégré dans le roman. Ces références à la poésie sont donc la dernière caractéristique du style propre de Hugo.

1.6 : Le personnage de Cosette

Dans cette présente sous-partie, nous traiterons le personnage de Cosette dans Les Misérables de Victor Hugo. Son vrai nom est Euphrasie, mais « d’Euphrasie la mère avait fait Cosette, par ce doux et gracieux instinct des mères et du peuple qui change Josefa en Pepita et Françoise en Sillette ».79 Cosette est souvent décrite comme « un personnage de légende »,

comme un « des héros du roman le plus populaire de la littérature française » et c’est, entre

77 Wulf, J., Étude sur la langue romanesque de Victor Hugo : le partage et la composition, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 155.

78Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 355. 79Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 154.

(22)

autres, pour cette raison qu’il y a tellement d’adaptations qui se concentrent sur son personnage.80 Claude Gély dit même qu’elle est « sans doute le personnage le plus célèbre des

Misérables ».81 Débutons par une analyse approfondie du personnage de Cosette dans le

roman en examinant sa fonction (1.5.1), son itinéraire (1.5.2), son apparence (1.5.3), et finalement son caractère (1.5.4).

1.6.1 : Sa présence et sa fonction

Nous avons vu que Cosette est donc la fille adorée de Jean Valjean, le grand héros du roman. Elle est très présente dans le livre, mais il y a également des parties, comme la troisième et la quatrième partie, où elle figure uniquement dans quelques passages. Selon Claude Gély, la fonction de Cosette est qu’elle « établit le lien entre les diverses intrigues du roman ».82 Il explique que c’est au travers d’elle que Fantine, les Thénardier, Jean Valjean et

Marius sont amenés à se rencontrer. Cosette motive en fait « l’action des autres personnages ».83 Elle détermine leurs actes et elle « infléchit la courbe de leur destin ».84

Gély démontre que c’était, entre autres, le cas avec Fantine, sa pauvre mère, qui a payé le prix ultime par amour pour Cosette. Le sacrifice de Jean Valjean en est un autre exemple. Cosette était « sa nation », elle « suffisait à son bonheur » mais, malgré cela, il l’a donnait à Marius, son grand amour à elle. C’était un sacrifice, car, tel que nous l’avons vu, peu après, Jean tomba malade de chagrin.85

Il donna pour motif de ce sacrifice que : Son bonheur, c’était le but de ma vie.86

De cette manière, Cosette joue donc un rôle très important dans le roman, même si elle n’est pas toujours présente.

80 Novarino, A. et B. Mandopoulos, Victor Hugo : un écrivain dans son siècle, Toulouse, Milan, 2002, p. 42.

81 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 42. 82 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 42.

83 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 42.

84 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 42.

85Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 375. 86Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 611.

(23)

1.6.2 : Son itinéraire

Ce qui est frappant est que Cosette détermine les destins des autres alors qu’elle est en fait un personnage plutôt passif.87 Victor Hugo lui-même, en tant que narrateur, le dit dans le

roman à plusieurs reprises. Nous pouvons trouver le premier exemple dans la deuxième partie. Cosette, encore très jeune, elle habite chez Jean Valjean depuis un certain temps et les deux doivent s’enfuir pour échapper à la persécution de Javert :

Cosette marchait sans faire de questions. Les souffrances des six premières années de sa vie avaient introduit quelque chose de passif dans sa nature.88

Un autre exemple se trouve à la fin du roman, quand Marius a chassé Jean de sa vie : Marius avait peu à peu soustrait Cosette à Jean Valjean. Cosette s’était laissé faire.89

Françoise Chenet-Faugeras ajoute, dans Les Misérables ou « l’espace sans fond », que Cosette « n’a pas d’itinéraire propre ».90 Elle est non seulement passive, mais aussi

inséparable des autres. Selon Chenet-Faugeras, Cosette n’est jamais « seule » ou « indépendante ». D’abord elle suit Fantine de Paris à Montfermeil, puis elle suit Jean Valjean « qu’elle ne quitte pas » et, finalement, elle suit Marius, son mari.91 Même si Cosette est seule

– par exemple, durant ses années chez les Thénardier – elle est accompagnée par sa poupée. Chenet-Faugeras constate que Cosette a uniquement un seul acte d’indépendance dans tout le roman et c’est d’« écrire à Marius pour lui donner sa nouvelle adresse ».92

De plus, nous pouvons dire que Cosette suit également un itinéraire assez symbolique dans le roman. Elle symbolise en effet « la lumière » dans différents passages. Claude Gély affirme que « ses diverses apparitions dans le récit sont toujours présentées comme des apparitions lumineuses ».93 Un exemple de cela se trouve dans la deuxième partie :

Un rayon de soleil horizontal effleurait le visage de Cosette endormie qui entr’ouvrait vaguement la bouche, et avait l’air d’un ange buvant de la lumière.94

87 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 42.

88Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 420. 89Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 620.

90 Chenet-Faugeras, F., Les Misérables ou « L'espace sans fond », Paris, A.-G. Nizet, 1995, p. 39. 91 Chenet-Faugeras, F., Les Misérables ou « L'espace sans fond », Paris, A.-G. Nizet, 1995, p. 39.

92 Chenet-Faugeras, F., Les Misérables ou « L'espace sans fond », Paris, A.-G. Nizet, 1995, p. 40.

93 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 43.

(24)

Selon Gély, Cosette « prend le relais de l’évêque Myriel ».95 Au début du roman, c’est lui qui

fait de Jean Valjean un homme meilleur. Or, peu après, ce devient Cosette. Le narrateur dit à ce propos :

Il se voyait tout un avenir éclairé par Cosette comme par une charmante lumière.96

Cosette éclaire donc, par sa seule présence, la vie des autres tel un « ange lumineux ».

1.6.3 : Son apparence

Claude Gély dit, dans Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, que Cosette est « un personnage qui évolue dans le temps ».97 Pour cette raison, elle est présentée avec de

multiples visages. Gély explique qu’elle est d’abord le bébé de Fantine, puis « l’enfant martyr chez les Thénardier », ensuite l’adolescente du Luxembourg et, finalement, « la jeune mariée de la cinquième partie ».98 De cette manière, il y a également quatre apparences différentes de

Cosette.

Il n’y a pas beaucoup d’informations sur l’apparence de Cosette comme bébé. Cependant, nous pouvons lire qu’elle est un bel enfant. Dans la première partie, quand Fantine est poussée à abandonner Cosette chez les Thénardier, elle est décrite comme « un des plus devins êtres qu’on pût voir ».99 De plus, la fille est « admirablement rose et bien portante ».100

Malheureusement, cette beauté ne durera pas longtemps. La deuxième apparence de Cosette, celle de l’enfant martyr, est en effet plutôt laide. Nous avons déjà vu au 1.2, sur l’intrigue, qu’elle est devenue « maigre et blême » chez les Thénardier.101 De plus, la petite

fille est explicitement décrite comme laide plusieurs fois dans le roman : L’injustice l’avait faite hargneuse et la misère l’avait rendue laide.102

Nous pouvons lire dans la deuxième partie, intitulée Cosette, que Jean Valjean partage cet avis, mais qu’il voit plus loin que le bout de son nez :

95 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 44.

96Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 414.

97 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 42.

98 Gély, C., Les Misérables de Hugo : étude de l’œuvre, Hachette Éducation, 1997, p. 43.

99Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 151. 100Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 151. 101Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 159. 102Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 159.

(25)

Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie.103

Nous savons également que la fille a des « grands yeux enfoncés dans une sorte d’ombre profonde » et que les coins de sa bouche ont « cette courbe de l’angoisse habituelle ».104 Hugo

montre ensuite que « tout son vêtement n’était qu’un haillon qui eût fait pitié l’été et qui faisait horreur l’hiver ».105 Dans cette période de sa vie, Cosette est appelée « l’Alouette » par

tout le quartier. La ressemblance est qu’elle est un « petit être pas plus gros qu’un oiseau, tremblant, effarouché et frissonnant ».106 Or, tout comme le narrateur le signale :

Seulement la pauvre Alouette ne chantait jamais.107

La troisième apparence de Cosette, l’adolescente du Luxembourg, est en fait encore laide. Nous pouvons lire qu’« elle avait un peu plus de quatorze ans » et qu’elle était « dans l’âge ingrat ».108 Marius la voit dans le jardin du Luxembourg pour la première fois, mais lui

aussi est d’avis qu’elle est « maigre, au point d’en être presque laide ».109 Cosette porte « une

robe mal coupée de gros mérinos noir » et elle a l’air d’« une pensionnaire du couvent ».110

Pour ces raisons, elle est même appelée mademoiselle Lanoire par Marius.

Seulement six mois plus tard, nous arrivons à la dernière apparence. Ce qui s’est passé est que Cosette a subi une vraie métamorphose. Son apparence a complètement changé, d’une manière dont Ovide aurait été fier. Nous pouvons voir par les yeux de Marius que Cosette « n’était plus la même fille ».111 Il la décrit comme « une grande et belle créature ayant toutes

les formes les plus charmantes de la femme ».112 Le narrateur souligne sa beauté :

C’étaient d’admirables cheveux châtains nuancés de veines dorées, un front qui semblait fait de marbre, des joues qui semblaient faites d’une feuille de rose, un incarnat pâle, une blancheur émue, une bouche exquise d’où le sourire sortait comme une clarté et la parole comme une musique, une tête que Raphaël eût donnée à Marie posée sur un cou que Jean Goujon eût donné à Venus.113

103Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 378. 104Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 378. 105Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 378. 106Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 160. 107Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 160. 108Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 132. 109Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 644. 110Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 644. 111Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 646. 112Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 646. 113Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 647.

(26)

Nous pouvons lire également que Cosette a des yeux « d’un bleu céleste et profond ».114 De

plus, elle est devenue « une personne bien mise ».115 Elle n’était plus « la pensionnaire avec

son chapeau de peluche », mais elle portait maintenant « une robe de damas noir, un camail de même étoffe et un chapeau de crêpe blanc ».116 Marius ne cesse pas de répéter que Cosette

était « d’une beauté merveilleuse ».117

1.6.4 : Son caractère

Nous avons déjà vu que Cosette est un personnage assez passif. Elle n’agit pas par elle-même, mais ce sont plutôt les choses qui lui arrivent. Par exemple, le malheur durant sa jeunesse. Cela a, en fait, un impact énorme sur son caractère. Dans la deuxième partie, le narrateur remarque :

Chose lugubre à dire, et que nous avons déjà indiquée, à huit ans elle avait le cœur froid. Ce n’était pas sa faute, ce n’était point la faculté d’aimer qui lui manquait ; hélas ! c’était la possibilité.118

Néanmoins, cela change avec le temps. Cosette éprouvait, à un certain moment, « ce qu’elle n’avait jamais ressenti » et ce fut « une sensation d’épanouissement ».119 Elle

commence par aimer Jean Valjean qu’elle trouve « beau ».120 Nous pouvons voir que Cosette

est restée bonne et gentille, malgré la cruauté des Thénardier. Selon Jean Valjean, elle est pour cette raison « splendidement pure ».121

De plus, Cosette est présentée comme brave. Cela ne veut pas dire qu’elle ne connaît aucune peur, mais nous pouvons lire qu’elle ne pleure jamais. Le narrateur démontre, par exemple, dans la deuxième partie :

Cependant l’heure, le lieu, l’obscurité, la préoccupation de Jean Valjean, ses gestes singuliers, ses allées et venues, tout cela commençaient à inquiéter Cosette. Tout autre enfant qu’elle aurait depuis longtemps jeté les hauts cris.122

114Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 647. 115Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 647. 116Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 647. 117Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 651. 118Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 412. 119Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 412. 120Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 412. 121Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 603. 122Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 429-430.

(27)

Quelques chapitres plus tard, il y a un autre exemple :

Cosette avait passé ces vingt-quatre heures à ne rien comprendre et à trembler silencieusement. Elle tremblait tant qu’elle n’avait pas pleuré.123

Un autre trait du caractère de Cosette est qu’elle est une fille naïve. Nous pouvons lire que Cosette et Jean Valjean ont habité dans un couvent pour quelques années et que cela a en fait eu un certain impact. Jean parle d’une « profonde ignorance de fille élevée au couvent » et ils quittent cet endroit pour cette même raison.124 Selon lui, Cosette a le droit de « connaître la

vie ».125 La naïveté de Cosette se voit véritablement au cours des premiers passages avec

Marius. Elle a pleins d’émotions nouvelles, mais elle ne les reconnait pas :

Cosette ne savait pas ce que c’était que l’amour. Elle n’avait jamais entendu prononcer ce mot dans le sens terrestre. Sur les livres de musique profane qui entraient dans le couvent, amour était remplacé par tambour ou pandour.126

Dans un de ces passages, Cosette est même décrite explicitement comme étant naïve :

Toute la personne de Cosette était naïveté, ingénuité, transparence, blancheur, candeur et rayon.127

Soulignons également dans cet exemple que Cosette a aussi un caractère ingénu et candide. Presque à la fin du roman, elle est décrite par le narrateur, encore une fois, comme « candide comme une colombe est blanche ».128

Les deux derniers traits du personnage de Cosette, que nous ne pouvons pas omettre est qu’elle est très lettrée et qu’elle est religieuse. Ce dernier trait peut paraître évident, étant donné que Cosette a habité dans un couvent, mais nous pouvons lire qu’elle est très dévouée à Dieu. Elle « priait matin et soir » et elle faisait beaucoup de petites remarques, comme « c’était horrible au bon Dieu ».129 Un autre exemple se trouve dans la dernière partie du

roman :

Elle sortit du lit et fit les deux ablutions de l’âme et du corps, sa prière et sa toilette.130

123Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 522. 124 Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 134. 125Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 125. 126Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 140. 127Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 241. 128Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 605.

129Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 134 et p. 423. 130Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 423.

(28)

Dans la deuxième et la quatrième partie, nous découvrons que Cosette est une fille très instruite. Juste après qu’elle ait été sauvée des mains des Thénardier, Jean Valjean « s’était mis à lui enseigner à lire ».131 Dans la quatrième partie, où Cosette est adolescente, elle « était

à peu près terminée et complète » quant à son éducation.132 Quelques pages plus loin, cela est

confirmé par une description de ses matières :

Son éducation était terminée ; c’est-à-dire on lui avait appris la religion, et même, et surtout la dévotion ; puis « l’histoire », c’est-à-dire la chose qu’on appelle ainsi au couvent, la géographie la grammaire, les participes, les rois de France, un peu de musique, à faire un nez, etc., mais (…).133

131Hugo, V., Les Misérables (Tome 1), Paris, Gallimard, 1862, p. 413. 132Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 125. 133Hugo, V., Les Misérables (Tome 2), Paris, Gallimard, 1862, p. 132.

Tout bien considéré, nous pouvons conclure que Cosette a été sauvée par Jean Valjean d’une situation comparable à celle de Cendrillon et que, grâce à lui, elle a reçu toutes les opportunités pour réussir dans la vie. Le sacrifice de Fantine n’a donc pas été en vain.

(29)

Chapitre 2 : Adaptation en bande dessinée

La première adaptation que nous examinerons est la bande dessinée des Misérables de Classics Illustrated qui a été publiée pour la première fois en 1943. Classics Illustrated est une série de bandes dessinées américaines dont toutes les éditions sont des adaptations de la littérature classique. Quelques exemples de ces adaptations sont : Oliver Twist, Robin Hood, Romeo & Juliet mais aussi Frankenstein et The Hunchback of Notre Dame. Selon William B. Jones, Classics Illustrated est « the most successful enterprise to date in the field of comic-book literary adaptation ».134 La version que nous utilisons est une révision de l’original parue

en 1961. L’illustrateur est Norman Nodel et, dans cette nouvelle série, Les Misérables est la septième édition.

Dans le présent chapitre, nous montrerons d’abord quelles sont les conséquences de l’intrigue de l’adaptation en bande dessinée (2.1). Puis, nous examinerons le personnage de Cosette de la même manière que dans le chapitre précédent, c’est-à-dire que nous nous concentrerons sur sa fonction (2.2), son apparence (2.3) et son caractère (2.4).

2.1 : Adaptation et changements au niveau de l’intrigue

Lorsque l’on adapte un roman d’environ 1400 pages en bande dessinée de 45 pages uniquement, nous pouvons imaginer qu’il s’agit en effet de deux formes d’art complètement différentes. Le premier type de média, celui du roman, consiste uniquement en un texte. Et, pour cette raison, on parle d’un mode de « telling » selon la théorie de Linda Hutcheon.135 Elle

explique, dans son livre A Theory of Adaptation, que, dans ce mode, l’engagement du lecteur est assez actif. Hutcheon dit, en effet, qu’il faut s’imaginer et visualiser « a world from black marks on white pages ».136 L’autre type de média, celui de la bande dessinée, combine les

modes de « telling » et de « showing ».137 Dans le mode de « showing », il faut donner un sens

à un monde d’images et de sons et notre imagination est « preempted as we receive ».138 Nous

134 Jones, W. B., “Classics Illustrated and the Evolving Art of Comic-Book Literary Adaptation”, T. Leitch, éd., The Oxford Handbook of Adaptation Studies, Oxford University Press, 2017, p. 2.

135 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 38. 136 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 130.

137 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 38.

(30)

pouvons donc conclure que les deux modes « involve a different level of engagement on the part of both audience and adapter ».139 Pour illustrer cela davantage, Hutcheon explique :

As my examples so far suggest, to tell a story, as in novels, short stories, and even historical accounts, is to describe, explain, summarize, expand; the narrator has a point of view and great power to leap through time and space and sometimes to venture inside the minds of characters. To show a story, as in movies, ballets, radio and stage plays, musicals and operas, involves a direct aural and usually visual performance experienced in real time.140

Bien qu’une bande dessinée ne soit pas « experienced in real time », il s’agit pourtant d’images visuelles qui demandent un autre engagement du lecteur. Les images sont déjà données dans ce cas et il n’est plus nécessaire de les créer soi-même. Selon Hutcheon, il y a donc un « shift » d’un mode de « telling » à un mode hybride qui consiste, également, d’éléments de « showing ».141

Pour revenir sur l’amoindrissement conséquent du nombre de pages, en adaptant Les Misérables de Victor Hugo en bande dessinée Linda Hutcheon montre dans A Theory of Adaptation que cela n’est pas forcément une « perte ». Elle explique que « sometimes what is meant is simply a reduction of scope: of length, of accretion of detail, of commentary ».142

L’entreprise de Classic Illustrated reconnaît cette réduction dans leurs bandes dessinées. William B. Jones affirme que l’entreprise ajoute toujours quelques remarques à la page finale qui encouragent le lecteur à lire l’original. L’image à la page suivante en est un exemple. Jones dit également que le but de Classics Illustrated est que leurs bandes dessinées soient « an inducement for junior men and women to encounter the original text ».143

139 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 12.

140 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 13.

141 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 38.

142 Hutcheon, L., A Theory of Adaptation, New York, Routledge, 2006, p. 37.

143 Jones, W. B., “Classics Illustrated and the Evolving Art of Comic-Book Literary Adaptation”, T. Leitch, éd., The Oxford Handbook of Adaptation Studies, Oxford University Press, 2017, p. 3.

(31)

En ce qui concerne l’intrigue de la bande dessinée des Misérables, elle est donc très réduite comparée à l’original. Nous pensons même qu’on a besoin de la version originale de Hugo pour bien comprendre certaines scènes de la bande dessinée. Un bon exemple en est la scène où Fantine est « no longer wanted in the shop ».144 Nous pouvons lire qu’elle est

renvoyée de la fabrique de monsieur Madeleine, mais on en n’explique nulle part la raison. L’image ci-dessous illustre ces propos. Dans la version originale de Hugo, nous savons que Fantine est virée parce qu’elle est une mère célibataire, une véritable honte à cette époque-là. De plus, à la même page de la bande dessinée, nous pouvons voir que Fantine a de longs cheveux blonds. Or, tout à coup, ils disparaissent. La seule explication qui est donnée est que « Fantine’s life became very miserable ».145 Le fait qu’elle ait été forcée à les vendre pour sa

fille Cosette est tout simplement omis.

144 Nodel, N. et A. Sundel, Les Misérables Issue No. 7, Classics Illustrated, no. 7, Newbury, Classic Comics Store, 2014, p. 13.

145 Nodel, N. et A. Sundel, Les Misérables Issue No. 7, Classics Illustrated, no. 7, Newbury, Classic Comics Store, 2014, p. 13.

Referenties

GERELATEERDE DOCUMENTEN

L'autre manière de s'en sortir, et que je préconise chaleureusement, est de continuer le travail dans l'esprit du projet de Martin Bernai, mais avec des

Nous consacrons donc notre recherche aux « intérêts canadiens » sous toutes leurs formes et dénotons par cette expression des ac- teurs de trois ordres : les sociétés qui ont

Entre janvier 2017 et octobre 2018, le BCNUDH a documenté 11 atteintes aux droits de l’homme attribuées aux combattants des Maï-Maï Kifuafua dans le Masisi, principalement

Nous espérons que ce rapport servira de ressource à tous ceux qui œuvrent pour une paix durable dans la région des Grands Lacs, qu’il s’agisse d’activistes de la société civile,

es toxicologues et les spécialistes du mercure n’arrêtent pas de nous alerter sur ses dangers dans l’ali- mentation?. On sait que cette substance s’accumule particulièrement

À leur tour, parce qu’elles sont la signature des produits de l’explosion de milliards de supernovae tout au long de l’histoire de l’Univers, les abondances de ces

Dans le même ordre d’idées, les services perçus comme les plus importants dans la provision de la justice sont ceux qui sont proches de la population, à savoir les

L’auteur s’inscrit en faux contre cette opinion: On doit admet­ tre, il est vrai, qu’il existe une relation entre la nature de l’activité de la société