Le chä.teau de Herbeumont a fait l' objet de deux campagnes de fouil-les (1). Une première campagne, en 1973, a permis l'examen des structures intérieures et de !'habitat (2). Quant aux travaux de la deuxième campagne, en 197 4, ils étaient axés sur l' étude des structures les plus anciennes du chàteau et sur l' examen du système défensif, particulièrement sur le flanc septentrional, oriental et méridional.
Construit sur une butte naturelle, à l'extrémité d'une crête rocheuse, dominant un étranglement de la Semois, le chàteau de Herbeumont occupait une position stratégique privilégiée (fig. 38 et 39). En effet, il contrólait un carrefour de deux routes conduisant en France : l'une, via Bouillon à Sedan (gué des Manhelles); l'autre à Ivoix-Carignan (gué du moulin).
Fig. 38. - Situation topographique du chàteau.
1 La fouille se fait en étroite collaboration avec l'administration communale et I' A.S. B.L. << Les Amis du chàteau de Herbeumant » qui prennent à leur charge les travaux de préservation et de conservation mettant ainsi en valeur un élément de notre patrimoine archéologique.
2 A. MATTHYS, Le chàteau de Herbeumont, Arch. 1973, 97-98.
---~----Fig. 39. - Vue aérienne vers Ie nord des ruines du chäteau après la campagne de 1973; à l'arriè re-plan, Ie village de Herbeumont.
De 1' examen des structures intérieures, il apparaît que l' habitat, construit sur du remblai, et les communs, implantés sur un banc de roche taillée, se répartissent sur deux fronts parallèles, alignés respectivement le long de la courtine occidentale et orientale. De réduit à 1' origine, et quoique les aménage-ments successifs aient pu détruire certains éléaménage-ments primitifs, I' habitat a évolué dans le sens d'une extension croissante, témoin d'une aspiration à un meilleur confort.
C'
est ainsi que se succèdent plusieurs unités de construction. Lapremière se compose d' une salle haute, à cheminée monumentale et dallage de
schiste posé de chant (fig. 40, 1), jumelée avec une autre pièce similaire mais de dimensions plus réduites (fig. 40, 2). Ces deux premières salles sont intime-ment reliées à une cave par un escalier (fig. 40, 3). A cette première unité de construction viennent s'ajouter successivement une seconde cave (fig. 40, 4) et ensuite deux autres pièces construites sur les vestiges de !'habitat primitif (fig. 40, 5, 6). Quant aux communs, ils comprennent une succession de pièces, parmi lesqueUes on distingue notaroment une citerne (fig. 40, 7), deux fours (fig. 40, 8), un fournil, un puitset plusieurs autres pièces non eneare identifiées (fig. 40, 9 et 10).
La campagne de 197 4, par la fouille des courtines orientale et méridionale et du complexe de l'entrée, a permis de définir I' aspect primitif de la fortifica-tion.
HERBEUMONT 1974
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Le chateau est construit sur un plan général en forme de trapèze et épouse, autant que faire se peut, la configuration topographique générale.
La courtine occidentale, qui ne semble pas avoir subi des modifications importantes, était à !'origine défendue par deux taurelles d'angle (fig. 40,
11, 12). La courtine méridionale, pour sa part, fut l'objet de plusieurs aménage-ments. A une époque indéterminée, la courtine primitive, après sa destruction quasi complète, fut remplacée par un nouveau rempart édifié sur la base des anciennes fondations. A cette occasion, une poterne (fig. 40, 13) fut aménagée à proximité de la tourelle sud-est (fig. 40, 14). Cette dernière, dont il ne sub-siste que quelques éléments de parement dans 1' épaisseur de la maçonnerie actuelle, était construite légèrement en retrait par rapport à 1' angle actuel. Dans une troisième phase, toute la courtine méridionale fut doublée, vers l'extérieur, par une nouvelle muraille (fig. 40, 12 et 14). Ce sont ces travaux qui firent disparaître les taurelles d'angle primitives en les incorporant dans la nouvelle construction. Elles firent place à une tour massive à l'angle sud-ouest (fig. 40, 15) et à une tour << bourguignonne )) à l'angle sud-est
(fig. 40, 16). De plus, la première poterne fut obturée et remplacée par une nouvelle, percée au centre du rempart (fig. 40, 17). En outre, plusieurs aménagements secondaires ont encore été constatés vers l'intérieur du chateau.
Le flanc oriental, plus faible à cause de son orientation vers une pente moins raide, et 1' entrée, du fait de sa fonction et de son exposition vers la moindre pente, font l'objet d'une défense plus élaborée.
La courtine orientale est défendue par une suite de deux taurelles massives (fig. 40, 18 et 19), légèrement en saillie, et une petite tour creuse (fig. 40, 20) très nettement débordante et permettant ainsi une défense de !'ensemble du flanc. Un escalier et une poterne relient cette petite tour aux communs et à une autre pièce (fig. 40, 21) aux fonctions indéfinies, au pied du donjon.
L'entrée, pour sa part, est dominée par un donjon massif (fig. 40, 22) de 12 m sur 11 m, surmonté d'une petite pièce carrée (fig. 40, 23) de 3 m de cóté et vraisemblablement destinée au guet. Une tourelle, englobée dans 1' épaisseur du donjon, et nettement décrochée par rapport à 1' entrée, accentue eneare cette volonté de défense.
Enfin, les derniers travaux de cette deuxième campagne ont mis en évi-dence des éléments extérieurs de la défense, mais de construction plus récente. Une chemise, dégagée sur le flanc oriental et méridional, forme une terrasse artificielle de près de 5 m et isole ainsi le chäteau, en interdisant tout travail de sape directe.
Ainsi, la chronologie fournie par les documents d' archives - la construc-tion du chateau par Jehan de Rochefort, fils cadet de la famille de Walcourt et fondateur de la branche d'Orjo, est postérieure à 1268- se trouve con-firmée par les données de la typologie des fortifications du
xnre
siècle : tracé trapézoïdal du plan, courtines flanquées par des tours d' angle cylindriques, exiguïté de I' habitat primitif et participation du donjon à la défense de 1' entrée.Le chàteau de Herbeumant restera la possession de la familie d'Orjo
jusqu'en 1420, année de sa vente par Catherine et Marie à Louis de la Marck.
En 1545, il passera par héritage dans le patrimoine de la familie de Stolberg,
avant d'être cédé à la familie de Loewenstein en 1574. Après avoir subi un
premier siège en 1558, il fut investi une seconde fois par les troupes françaises
le 27 août 1657 et définitivement abandonné après cette date.
A. MATTHYs-G. HossEY