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Note sur le rôle du feu dans l'économie agricole omalienne

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I

I

H élène Danthine

NOTES SUR LE RÖLE DU FEU DANS L'ÉCONOMIE AGRICOLE OMALIENNE

lous n'avons pas l'intentiun de nous attarder ici à souligner Ie röle important joué par Ie feu à toutes les étapes de la civilisation. Notre propos, beaucoup plus modeste, est d'attirer l'attention sur l'aide que ce précieux auxiliaire de l'humanité a pu apporter, en certaines circonstances, aux premiers agriculteurs donton ait reconnu la présence sur le sol de Ia Belgique: les Omaliens.

Les Omaliens, on Ie sait, s'installèrent dans une région assez restreinte, sur les riches terres hesbig-nonnes situées au nord de la Méhaigne (1) au cours de la période relativement humide et chaude de l'atlantique. C'était Ie temps de la grande extension de la forêt qui s'étendait alors « comme un tapis continu, interrompue seulement par Jes fleuves et les lacs, les marais, les dunes de sable, les sourees salées et Ie rivage même de la mer " e). Les terres nécessaires à l'installation des champs étaient donc couvertes, soit de hautes futaies, soit de taillis, soit de broussailles qu'il fallait faire disparaître, au moins en grande partie.

Or, si nous passons en revue !'outillage omalien, nous ne trouvons guère, comme instrument pouvant servir à l'abattage des arbres, que des herminettes, et eneure sont-elles souvent de trop petite taille pour consti-tuer un outil vraiment efficace pour ce genre de travail ; la forme de leur partie agissante oll s'opposent une face plane et une face bombée Jes rend d'ailleurs bien plus propres au travail du bois après l'abattage qu'à la coupe même des arbres. On peut donc supposer que les Omaliens ont dû se débarrasser de la forêt en pratiquant ce qu'on nomme parfois l' cc éco-nomie par l'incendie " (Brandwirtschaft) C)· Le procédé est encore d'usage courant à l'époque actuelle dans nombre de régions forestières d'Asie, d'Afrique, d'Amérique et d'Océanie ; en Europe, i! fut pratiqué par les Finno-Ougriens jusqu'au XIX'' siècle (4).

(I) J. HMlAL-NANnRIN, J. SERVAlS, Maria Lou1s, L'Omalim, Extr. du Bull. de la Soc. 1'. beige d'AnthrojJ. rt de Préhist., t. Ll (1935), pp. 26·33.

(2) J. G. D. CLARK, I.'Eu.-ofJe Jnihistoriqur. Us Jouriemeuts de son économie, Pa ris, 1955, p. 33. (3) CL,\RK. of!. cit., pp. 146-149.

(4) Voir par cxcmplc E. C. CURWEN ct G. HAlT, Plougli ml{/ Pasture, 1 ew-York, 1953,

pp. 168, 172, 176, 178, 183, 187, 212, 217, 231, 233, 237, 238, 244-24!), 249, 264. 285; cf. CLARK,

ofJ. cit., pp. 146-147. C'csL la "culture nomade" dont parlc A. LEROI-GouRHAN, Milieu et teclmi-qll('s, Paris, (1945), p. 122 à propos des Moï d'Indochinc, car Ie sol ainsi traité s'épuisc rapid e-ment ct cntraîne Ie déplacement progressif des champs ct des villages.

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20

H. DA THI E

C'est un rnayen simple et commode ; les arbres peuvent être d'abord, soit entaillés pour les dessécher, soit abattus - notons en passant qu'on peut venir à bout des füts les plus puissants en entretenant un petit feu à leur base

n

-

puis, à un moment favorable, par temps sec et bonne orientation du vent, on boute Ie feu. L'incendie ne laisse subsister que les grosses souches qui peuvent fort bien rester en place.

Ainsi, non seulement on a libéré Ie sol de la végétation gênante mais on l'a ameubli et, de plus, on l'a enrichi en seis minéraux, notam-ment en potasse ; aussi les premières récoltes sant-elles excellentes. Le seul inconvénient de la méthode réside dans l'obligation de reeommeneer la même opération après quelques années, quand des récoltes successives ont appauvri Ie terrain, alors qu'il faut à la forêt un temps beaucoup plus long pour se régénérer. Cet inconvénient, grave dans des régions à forte densité de population, perdait toute son importance au temps des premiers agricu I teurs néolithiq u es q u i pouvaien t disposer de vastes terri-toires peu ou pas occupés par l'homme.

S'il est donc permis de supposer que cette méthode ait été mise en ceuvre par les peuples de la civilisation à céramique rubanée, il est malaisé d'en faire la preuve ; les traces de tels ineendies tendent à s'effacer après quelques années et, surtout, Ie sol OLI vécurent ces populations correspond souvent, ou à peu près, au sol actuel sans cesse retourné et remanié par les labours.

Cependant si on admet, ce qui est vraisemblable, que non seulement l'emplacement des champs, mais aussi cel ui OLI devaient s'élever les villages, étaient dégagés de la végétation gênante par Ie même procédé, l'observation attentive des fosses creusées pour y placer les pieux constituant les parais de la maison et les supports du toit pourrait apporter un indice en faveur de notre hypothèse. A plusieurs reprises, en visitant les sites de la civili-sation à céramique rubanée, j'avais été (rappée de constater que, dans ces trous, gisent souvent de menus fragments d'argile cuite et de charbon de bois. A Rosmeer, M. Roosens, Directeur du Service des Fouilles de I'Etat, a eu l'obligeance de faire dégager une de ces fosses devant moi et j'ai pu me rendre compte d'une façon précise que les traces de feu se trouvaient, au rnains dans ce cas, non seulement à !'emplacement du pieu lui-même, ce qui eut pu s'expliquer, soit par un incendie, soit par un passage au feu volontaire au moment de la mise en place du pieu, maïs qu'elles étaient réparties jusqu'aux parais mêmes de la fosse. La terre que nous trouvons aujourd'hui dans ces trous provient évidemment de la surface du sol creusé pour y placer Ie pieu et tassée autour de lui ; cette terre contenait donc de petits fragments de durbon de bois et d'argile cuite, ce qui

(5) Je croirais volontiers que c'cst par cc procédé quc les Omalicns, commc Icurs frèrcs des autrcs groupcs de la civilisation à céramiquc ruhanéc, se procm·aient les picux, aux dimen-sions souvent rcspcctablcs, dont on a retrouvé les traces dans Ie sol des villages.

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-

JJ

LE FEU DANS L'ÉCO OWE AGRLCOLE OMALJENNE 21

cadre à merveille avec notre idée d'un dégagement de Ja surface par un incendie.

Au Danemark, un diagramme pollinique étudié par

J.

lversen a

montré qu'un niveau decharbon de bois « coïncide avec un déclin rapiele

d<ms la proportion des arbres Eorestiers et un accroissement correspondant

des herbes et des graminées n, à l'apparition des céréales et des mauvaises

herbes qui accompagnent conramment l'agTiculture; ce niveau,

néoli-tique, correspond clone, selon toute vraisemblance, à une colonisation

d'agriculteurs pratiquant l'économie par l'incendie (6). Nous n'avons

mal-heureusement rien d'aussi précis pour l'Omalien. Cependant, en Hollande, un diagramme pollinique a pu être relevé aux environs du village de la

civilisation à céramique rubanée de Sittard, site qui, géographiquement et archéologiquement, est proche de I'Omalien belge. En dépit de certaines anomalies chronologiques données par les datations an 0 4

, il semble

cependant que l'activité des populations à céramique rubanée se soit exercée au cours de la formation des couches 230 à 210 C). Ayant soumis ce diagramme à M. Moureau, Chef de tra va u x à I'Institut de botanique de I'Université de Liège, celui-ei a bien voulu l'examiner du point de vue qui nous intéresse ici et il m'a remis la note suivante: ((La dispari-tion quasi totale du Pin pendant la période correspondant aux niveaux 230 à 210, suivie de la diminution des autres espèces forestières (à rexcep-tion du cbêne) et celle du sphagnum, coïncidant avec l'apparition du Pteridium, des liguliflorae, du Salix, des plantes herbacées béliopbiles

et surtout des céréales, semble traduire l'intervention humaine par l'incendie et Ie défricbement ''· 11 y a là un indice de plus en faveur de notre bypothèse.

Dans les terres ameublies et enrichies par l'incendie, les premières récoltes devaient être très belles. On sait que Ie grain était coupé à la

Eaucille, probablement sous l'épi, et, plus tard, moulu sur des meules qui nous sont connues par de nombreux exemplaires. Maïs, entre ces deux

opérations, s'en plaçait une autre, équivalent de notre actuel battage, car

il importe de débarrasser le grain des glumes et des glumelles qui l'enve-loppent.

Alors que, dans l'Europe méditerranéenne, la méthode employée fut

Ie dépiquage par des passages répétés d'animaux ou d'instruments comme

Ie tribulum, le reste de l'Europe pratiqua le battage qui, jusqu'à notre

époque, se faisait au fléau (8).

Rien n'empêche, à première vue, de supposer qu'un battoir analogue était déjà employé par les Omaliens ; étant en bois, il est normal qu'on

(6) Ap. Cr..\RK, OfJ. cit., p. 148.

(7) \\'. VAN ZnsT, Palynologische Untrrsudumg !'ines Torfprofils bei Sittard, dans Palaeohistol"ia,

r. VI-VII (19!i8-19!i9), pp. 20-24. (8) Cf. CLARK, OjJ. rit., p. 17!\.

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H. DANTI-IINE

n'en ait jamais, jusqu'ici, retrouvé de trace. Maïs il est un autre procédé qui a subsisté jusqu'aux temps rnadernes comme un reliquat de très anciennes coutumes ; ce procédé, c'est Ie grillage qui existe, ou existait encore récemment, Ie plus souvent à I'état sporadique, dans certaines régions d'Europe allant de I'Aibanie et de la Russie aux lies Hébrides et aux Canaries. Le grillage du blé offre de multiples avantages : il permet de débarrasser aisément Ie g-rain des glumes et des glumelles qui I'enve-loppent; suffisamment poussé, iJ détruit Ie germe et assure par là une meilleure conservation, ce qui offre un intérêt particulier dans les régions humides et dans le cas d'un emmagasinage en silos ; de plus, il facilite la mouture et, enfin, il (( accroît remarquablement Ie bon goût des grains, les rend. plus faciles à digérer, en transformant leur amidon en sucre et dextrine, et aussi en dissociant en partie les albuminoïdes » (V).

Le procédé est certainement très ancien ; cc ce que la Bible et les historiens classiques ont su de J'usage des grains grillés ne remonte pas bien loin, car, dans les deux cas, ils n'ont pour ainsi dire plus d'emploi que comme offrandes » (10). C'est, en effet, ce que nous apprend Pline: cc Numa établit l'usage d'honorer les dieux avec des grains ... et ... de rótir Ie blé, attendu que, róti, il donne une nourriture plus saine. IJ n'eut qu'un moyen d'obtenir ce dernier point : ce fut en statuant que Ie blé n'était pas une offrande pure, à moins de passer par Ie feu. IJ établit ainsi les Fornacales, fêtes de la torréfaction du blé »

C

1

). Cependant, si Ie

grillage du blé était lié à des rites religieux, la coutume subsistait dans l'usage courant pour certaines céréal<:1s pu1sque Ie même Pline nous apprend que cc on bat sur l'aire Ie blé, Ie siligo et l'orge; on les sème nettoyés tels qu'on les moud, parce qu'on ne les passe pas au feu. Au contraire, Ie far, Ie mil, Ie panic, ne peuvent être nettoyés sans être passés au feu ; aussi les sème-t-on crus, avec leurs enveloppes. On conserve Ie far dans l'épi pour le semer, sans le passer au Eeu » et, plus loin, cc tous les grains ne sont pas faciles à piler. En Etrurie, on fait rótir l'épi de far, puis on Ie pile à l'aide d'un pilon ... » (12

).

Ainsi, dans J'antiquité classique, Ie procédé subsistait pour certaines céréales et son usage dans les cérémonies religieuses semble indiquer qu'il avait été autrefois beaucoup plus répandu.

En Europe occidentale, Gerhard Bersu a donné de bonnes raisons pour reconnaître dans certains foyers qu'il mit au jour sur un site de l'áge du fer, à Little Woodbury, dans le Wiltshire, des endroits ayant servi

(9) Voir A. M,\URrzro, Histoi>·e de /'alimenlation 11Pf!,élale, Paris, 1932, pp. 353-3')8, cilation, p. 357; E. C. CURWEN, Earl)' Ag,·iculture in Danemark, dans Antiquitv, t. XII (1938), pp. 1:11-1:">2

et The Hebrides, dans Td .. p. 286, cf. p. 289; CuRWEN et HArr, ofJ. tit., p. 122 et ss.

(10) MAURIZIO, 0/J. cil., p. 354.

(ll) PLINE, Hist. Nat., XVIII, ll, 2 (trad. E. LrrmÉ).

(5)

LE FEU DANS L'ÉCO OMIE AGRICOLE OMALIEN E 23

au grillage du grain Ca). Le grand inconvénient de la méthode qui « était

de br(der, à !'occasion, Ie grain lui-même n est bien précieux pour les

archéologues puisque c'est gràce à lui qu'on a maintes fois retrouvé des

grains et même des épis plus ou moins complets dans des gisements pré

-historiques de l'Europe tempérée, et cela, depuis Ie néolitbique (14

).

De telles découvertes ont eu lieu à diverses reprises dans l'Omalien.

Nous décrirons d'abord deux trouvailles déjà anciennes, dues l'une et

l'autre à !'excellent préhistorien liégeois, 1\Iarcel De Puydt. La première

fut faite à Jeneffe (province de Liège) dans une rosse qui livra six meules

ou molettes et des « masses de terre rougie, criblée d'empreintes de glumes

et de gimnelles n, l'autre à Oudoumont (commune de Verlaine, province

de Liège), dans une fosse «des plus pauvres en produits lithiques et

céramiques >> ; elle renf'ermait par contre << assez bien de matières brl1lées

avec débris de charbons de bois >>

C").

Ces précieux témoins furent conEiés

pour étude au Professeur de botanique, A. Gravis, qui publia à leur sujet

une étude dont nous extrayons les passages suivants: l'argile de Jeneffe

<< durcie par le feu provenait vraisemblablement du voisinage du foyer

de la cabane. Elle contenait en quantité prodigieuse les glumes et les

glumelles d'une céréale, organes qui sous le nom vulgaire de balie de blé

constituent le résidu du battage des épis. Ces objets se présentaient, soit

à l'état d'empreintes, soit à l'état carbonisé suivant le degré de cuisson

de l'argile ... Outre les balies, je n'ai pu trouver dans l'argile de Jeneffe

que de très rares grains de froment carbonisés, mesurant 6 millimètres

environ de longueur. La rareté des grains témoigne du soin que les néoli

-thiques apportaient dans l'opération du vannage ... n

<< Le froment d'Oudoumont se présente dans des conditions toutes

différentes de celui trouvé à .Jeneffe. Dans Ie fond de cabane

d'Oudou-mont, il s'agit, en effet, d'une argile grise, extrêmement sableuse, qui n'a

pas subi l'action du feu : elle se pulvérise très facilement entre les doigts

quand elle est sèche, et se désagrège immédiatement dans l'eau. n

<< Elle contient, à certains endroits, une quantité énorme de gTains

sans aucune balie ni impureté d'aucune sorte ... Déposés dans une solution

de potasse caustique à 10

%

,

ils colorent le liquide en brun comme le fait

Ie lignite ... Les grains de Jeneffe ne donnent pas cette coloration, pas plus

que Ie charbon de bois d'ailleurs. L'existence de composés ulmique

solubles dans la potasse, la couleur de l'arg·ile et sa consistance très friable

me font admettre gue Ie froment d'Oudoumont n'a pas été carbonisé par

(13) G. BERSU, Exravations al l"ittle Wootl/mry, Wiltshire, dans ProCfcdings of the Prehistorir Sotit'ty .for 19-10, pp. 61-62; cf. CuRWEN cl l-IArr, ojJ. rit., p. 123.

( l4) CI.ARK, OjJ. cit., p. 17il.

(l:j) M. DE Pu\'ln, .J. 1-IMIAL-N,\NDRIN . .J. SERVAlS, Fonds de ('(lbanes de la Hesbaye. jent'ffe,

Domuwrtin, Oudoumonl, Extr. des Mém. dt' la Sor. d'AnthrojJ. dt' Rmxelles, l. XXJX (1910), pp. 6

(6)

24 H. DANTIII E

Ie feu, mais qu'il a subi une très lente altération analogue à celle que Ie

bois éprouve au cours des siècles lorsqu'il se transtorme en lignite n (16).

Peut-être, mais on peut penser aussi que, si les grains n'avaient pas subi

un grillage préalable ayant détruit Ie germe, ils n'auraient sans doute pas

eu Ie temps, avant leur germination, de cammeneer à subir cette '' lente

altération n qui leur a permis de subsister presque intacts jusqu'à notre

époque. L'absence d'argile cuite dans Ie u fond de cabane.,

d'Oudou-mont n'est pas un argument contre Ie grillage puisqu'il s'agissait

évidem-ment ici de grains déjà nettoyés. On peut faire les mêmes remarques au

sujet des grains contenus dans des brêches de la grotte d'Engis dont l'état

de conservation u rappelle entièrement cel ui des grains d'Oudoumont ,, (17).

Il me paraît peu vraisemblable que des grains placés dans des sols

relati-vement humides, maïs non marécageux, n'aient pas germés s'ils n'avaient

été préalablement grillés.

Quant à la découverte de .JeneHe, elle est vraiment pariante: ces

balles de blé intimement mêlées à l'argile cuite nous mantrent à l'évidence

l'action du feu, qui est bien volontaire puisqu'on n'a pour ainsi dire pas

retrouvé de grains maïs seulement Ie résidu normal du travail de brtdage

des épis.

11 n'est malheureusement pas possible de tirer de ces observations des

renseignements sur la manière dont les Omaliens pratiquaient Ie grillage.

Le '' fond de cabane n de Jeneffe constituait-il Ie foyer lui-même? Etait-il

simplement une fosse à détritus oll on aurait rejeté, Ie travail achevé, et les

résidus du foyer avant servi au grillage, et les meules usées après Ie travail

postérieur de mouture, est une question que nous ne pouvons résoudre.

Les trouvailles de Jeneffe et d'Oudoumont ne sont pas uniques . .Je

dois à l'obligeance de M. Destexhe-.Jamotte de pouvoir signaler ici une de

ses découvertes, fort intéressante et encore inédite. Lors de fouilles dans

Ie village omalien u du .Jointy n (commune de Verlaine, province de Liège),

M. Destexhe a mis au jour deux fosses allongées, plus ou moins orientées

N-EjS-W et creusées l'une à cóté de l'autre CR). La première vers Ie S-W,

remarquablement régulière, est de plan ovalaire et, en coupe, présente

(16) A. GRAVIS, Extr. des llfém. Soc. Anlhr. llmxPIIPs, l. XXIX (1910), pp. 40-41.

(17) A. GRAVIS, oJJ. ei/., p. 42. Sur ces brèchcs, voir M. DE PuYDT, Aggloméralion dr I'EJJinelle.

Extr. du Bull. Sor. d'AnlhroJJ. de Rntxel/es, t. XXV (1906), pp. 12·13.

Au sujet de l'opinion du Professeur Gravis rclativc ;i Ja causc de la conservalion des

grains ci'Oudoumonl, rappelons qu'après avoir émis unc opinion analoguc, unc lente décompo·

sition, pour cxpliqucr la conscrvation d'écalcs de noiscttcs recueillies clans Ie village omalicn

de Latinne, il est ITvcnu sur la question ct a admis qu'ellcs avaient pu être « carbonisées par Ie feu à /'abri de /'air" (Rul/. de l'lnsl. arch. liégrois, l. XXXIX [1909), p. 87, n. 2).

(18) Justc sous la surface clu sol arable, cllcs nc sont distantes J'une de J'autrc quc d'une

cinquantainc de ccntimètrcs; comme lcurs parois s'évascnt vers Ie haut, on peut se dcmander

si, en fait, lcurs sommets nc se touchaient pas dans la partic du terrain aujourd'hui rcmanié

(7)

'

!I

LE FEU DANS L'ÉCONO~IIE AGRJCOLE 01\IALJENNE 25

!'aspect d'une aug-e à fond plat; elle mesure quelque 2,20 m dans sa plus

g-rande longueur, l ,25 m dans sa pi us grande larg-eur et la proEondeur

atteinte sous la surface du sol actnel est de 1,10 m; elle contenait, dans

Ie fond, une énorme quantité de grains débarrassés de leurs glumes et de

leurs g-lumelles; comme à Oudoumont, la terre qui les environnait était

de cotdeur grise; plus haut, à partir de 0,80 m environ sous Ie niveau du

sol, la terre était noire et ~I. Destexhe y a recueilli quelques silex taillés.

L'autre fosse, au N-E de la première, tend aussi à s'inscrire dans un

ovale, maïs de contour plus sinueux; elle mesure environ 2,80 m selon son

plus grand axe et 1,20 m selon Ie plus petit; elle s'enfonçait jusqu'à un

mètre de proEondeur sous Ie sol actt1el ; Ie fond est arrondi et les parois

plus inclinées et plus irrégulières que celles de la première fosse. Toute la

partie inférieure était remplie de balles de blé mêlées à de l'argile rougie

au teu ; au dessus, eutre 75 et 80 cm de prorondeur sous Ie sol actuel,

M. Destexhe a retrouvé les traces d'un foyer contenant de nombreux

fragments de charbon de bois; Ie reste du remplissage consistait en un

mélang-e de terre noire et de terre grise avec, vers Ie haut, juste sous la

couche arable, une étroite bande de terre jaune.

II me paraît évident que, dans Ie second cas, nous avons affaire à

une fosse ayant servi, sinon directement au grillage du grain, du moins

à recevoir tous les résidus de l'opération ; i I est en effet remarquable

qu'elle n'ait livré ni silex, ni tessons de poterie. La fosse voisine est plus

diHicile à interpréter; les grains qu'elle contenait, sa forme régulière et

son fond plat, plutot rares dans l'Omalien, font penser qu'il s'agissait

peut-être d'un silo. 11 faudrait croire alors qu'une partie de la provision serait

restée dans Ie fond de la fosse qui am-ait été remplie ensuite par divers

détritus. Si ces interprétations sont exactes, on aurait eu ainsi, cöte à cöte,

la fosse de grillage et Ie silo pour la conservation des grains qui venaient

d'être nettoyés.

lous voudrions encore attirer l'attention sur un argument qui milite

t::n faveur du grillage. Les Omaliens ont certainement cultivé Je Triticum

rlicoccum, c'est l'espèce la mieux représentée dans les découvertes faites

jusqu'à ce jour; Saramv a également reconnu, parmi les grains

d'Oudou-mont Ie Triticum monococcum et, d'une manière moins sCire, Ie Triticum

vulgare et Ie Triticurn comj)(lclum C!l). Or, Triticum dicoccum et mono-coccum appartiennent l'un et l'autre à la catégorie des cc blés vêtus n dont

" les grains restent enveloppés de ginmes et ne se détachent que par un

. (19) Voir M. DF PUYDT, Agglomtlration de I'EfJinette, Extr. du Bull. dt• la Soc. d'AntrofJ. dt

Bruxelli•s, t. XXV (1906), pp. I 1-13; M. DE PUYDT, Considéralion~ ghuiral!•s ... , Extr. des Annal!•s

di• la FM. arch. et hist. de lli'lgiqui'. XX/t' Sf'~sion. Liègt•, 1909, p. 36: A. CRAVIS, u~ habitants des

wbanes 'lléo/ithiques de la Hesba)>f étaient-ils agricultem·s ?, dans liu/1. di' /'lust .. arrh. liégeois, t. XXXlX

(1909), pp. 8.?-92; voir aussi dans la publication des fouilles de ./mP.ffi', Dnmmartin, Oudoumont

(8)

26

H. DA 'Tl-HNE

procédé spécial » (2°). Ce serait d'ailleurs une des ratsons pour lesquelles,

de nos jours, ces sortes de blé sant de moins en moins cultivées

e

1

). Et le

TTiticum dicoccum est précisément ce (( far >> dont Pline nous dit qu'il

ne peut être nettoyé sans être passé au feu et qui doit être roti pour qu'on

puisse Ie piler e~). Tout concorde vraiment pour faire admettre que Je

grillage du blé était pratiqué par les Omaliens et que cette opération

remplaçait chez eux à la fois Ie battage ou Ie dépiquage et Je vannage.

Sachant combien I. Breuer s'est toujours intéressé aux techniques

anciennes, j'ai pensé qu'il ne lui déplairait pas que lui soient dédiées ces

quelques notes sur Ie röle qu'une des plus vieilles et des plus géniales

acquisitions de l'homme, Ie feu, a pu jouer dans l'agriculture omalienne.

(20) Lcllrc de S.IR!IliW puhliéc par M. DE PliYIH, ./t'lll'./.ft', lJommartin, Oudou111011l, p. 37, n. 3.

(21) GR!II'JS, /Jul/. lnst. arch. liégeois, t. XXXIX, pp. 88-89.

(22) Voir ci-dcssus, p. 22 ct J. ANDRÉ, Lrxiqur dl'.\' 11'1'1/II'S dr IJotanique m /ati11, Paris, 1956, S. V. jOL

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